Bart Dhondt: «Un Bruxellois de 3 ans et demi doit pouvoir apprendre le vélo dans sa rue»
Dans les communes bruxelloises en 2019, l’échevin de la Mobilité est toujours peu ou prou échevin du vélo. Alors que sa commune, la Ville de Bruxelles, accueille le Tour de France, Bart Dhondt promet que le grand barnum cycliste ne sera pas qu’une façade. Il veut en faire son «grand départ» à lui pour une Bruxelles à deux roues. Il explique comment il espère y doubler le nombre de cyclistes.
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Publié le 03-07-2019 à 11h42
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Bart Dhondt aime le côté stratégique du Tour de France. Ça remonte à son enfance, quand il regardait les courses avec son grand-père. Mais l’échevin de la Mobilité à la Ville de Bruxelles (Groen) se définit surtout comme «un utilisateur quotidien du vélo». Chaque matin, il va déposer sa fille à l’école en selle depuis le quartier Pannenhuis, à Laeken, «très bien desservi en transports en commun». Ensuite, il gagne l’Hôtel de Ville en selle. «C’est pratique. Je dois montrer l’exemple. Et convaincre que ce n’est pas dangereux».
Alors que le grand barnum d’ASO, ses maillots distinctifs et sa caravane de Skoda débarque, Dhondt peaufine son plan mobilité comme un directeur sportif l’échappée du jour. Il compte sur des alliés dans le peloton politique et se dit «à l’aise avec l’accord de majorité signé avec le partenaire socialiste pour rendre la ville cyclable». Pour lui, «apprendre à ton enfant à pédaler dans ta rue dès 3 ans et demi, ça doit être normal. Pourquoi voit-on ça dans tous les films d’Hollywood et qu’à Bruxelles, ça paraît fou?»
Bart Dhondt ne se rêve pas en jaune à la fin de son mandat. La gloire, pour lui, serait que Bruxelles entre dans le « Copenhagenize Index » d'ici 2024. Pour intégrer ce top 20 des villes les plus cyclables du monde, aussi sélectif qu'un col hors-catégorie, y a pas mal de taf à la Grand-Place. Alors le mandataire vert a mis le gros braquet. Il nous dévoile sa tactique de course.
«Le vélo, c’est pas que pour les bobos: c’est pour tout le monde»
Bart Dhondt, vous êtes échevin de la Mobilité et des Travaux publics à la Ville de Bruxelles (Groen). Lors de l’annonce du Grand Départ à Bruxelles en mai 2017, on a vu les autorités de l’époque enfourcher un Villo et pédaler jusqu’au Manneken Pis. Derrière la com’, il faut quand même avouer que Bruxelles est très peu cyclable...

Pour l’ancien échevin des Sports (Alain Courtois, MR, NDLR), organiser le Grand Départ du Tour de France, c’était montrer qu’on avait fait quelque chose pour le vélo. La différence aujourd’hui, c’est que la nouvelle majorité à la Ville veut booster le vélo. Le Tour n’est pas une fin, mais le début. Au-delà du grand événement international, nous vivons un momentum: la demande citoyenne pour un air pur et des rues sûres. Dans ce contexte, nous voulons doubler le nombre de cyclistes à Bruxelles. Et allons lancer un «plan vélo».
Avec quelles priorités?
Une direction claire: des infrastructures, de la sensibilisation, être exemplaire à la Ville. Nos employés rouleront plus à vélo et on utilisera le vélocargo dans la logistique. Je ne veux plus voir de voitures inutiles ou de camions trop grands.

«Des infrastructures»: concrètement?
Deux choses sont nécessaires pour augmenter la part de vélo: davantage de sécurité routière et des antivols. Si tu te mets en selle, ton vélo ne peut pas être volé plusieurs fois sans quoi tu te décourages. Ça passe par des pistes cyclables séparées comme j’en prévois sur l’avenue Houba-de Strooper, des rues cyclables, des casse-vitesse, des brigades cyclistes, 60 box vélos d’ici 2020 ou l’inscription dans le plan SAVE des parents d’enfants victimes de la route, qui implique des investissements et leur évaluation.

Quid de rues scolaires?
C’est une demande croissante des Bruxellois, via les actions Café Filtré. La rue scolaire me semble l’occasion de faire comprendre aux habitants ce qu’on peut faire avec une rue. La rue scolaire améliore la qualité de l’air et la sécurité, mais pas seulement: elle pousse à aller à l’école à pied et montre qu’une rue est beaucoup plus qu’un axe de transit ou de stationnement. Une rue, on peut y vivre. Toutes les écoles de la Ville seront invitées à poser leur candidature. Nous en comptons une quarantaine, maternelles et primaires. Un budget de 250.000€ est sur la table pour qu’un bureau d’étude coache les écoles qui veulent y aller.
La rue scolaire améliore la qualité de l’air et la sécurité, mais pas seulement: elle pousse à aller à l’école à pied et montre qu’une rue est beaucoup plus qu’un axe de transit ou de stationnement. Une rue, on peut y vivre.
Au-delà du vélo: quels sont les grands axes de la politique de mobilité à venir?

Nous préparons aussi un plan Mobilité pour créer des quartiers apaisés, avec moins de voitures et donc plus sécurisants, en ne favorisant pas uniquement les rues de destination. On va ainsi développer le tram vers Neder-over-Heembeek. Son tracé n'est pas encore arrêté: il le sera en concertation avec un panel citoyen de 8 riverains en plus des experts de la STIB, de Bruxelles Mobilité et du bureau d'étude. Autre certitude: le retour du bus 46 dans le centre, entre porte d'Anderlecht et porte d'Anvers. On pourra faire ses courses aux abattoirs et manger à Tour & Taxis. La ligne servira aussi d'axe vélo de transit rapide, car le piétonnier ne s'y prête pas.
Ça se fera sur piste cyclable séparée?
On va devoir réfléchir. Au début, les cyclistes circuleront sur la bande de bus. C’est un pas dans la bonne direction.

Pour faire de la place aux alternatives à la voiture, vous plaidez pour le principe STOP (priorité dans l’ordre aux piétons, vélos, transports publics, voitures privées, NDLR). Ça ne serait pas le cas ici. Ne faut-il pas agir sur le stationnement en voirie? La carte riverain à 10€ n’est-elle pas trop bon marché?
J’entends souvent que 10€, c’est trop bon marché. Je pense qu’il faut travailler avec les 10 communes limitrophes sur ce dossier. J’espère pouvoir mettre en œuvre une politique qui encourage les alternatives. Avec l’agence régionale du stationnement, il faut créer des parkings pour les riverains qui libèrent l’espace public en maximalisant des garages trop peu utilisés. Il y a du potentiel. Une voiture reste immobile 90% du temps: convaincre de l’efficacité et du bénéfice économique de la voiture partagée libérerait aussi de la place en voirie. On estime qu’un emplacement de voiture partagée libère 8 à 15 places de stationnement. Je veux les faire passer de 90 à 160 dans le Pentagone.
On doit se concentrer sur la sécurité routière pour convaincre une 2e vague de Bruxellois. Je ne veux plus que le vélo à Bruxelles soit considéré comme de la folie.
Que pensez-vous d’un péage urbain à l’entrée du Pentagone?
Pour nous, le plus logique serait une redevance kilométrique. Le péage urbain, c’est une alternative.
Le piétonnier sera-t-il prêt pour le Grand Départ?
On a poussé l’entrepreneur. Ça avance bien. Mais tout ne sera fini qu’en 2020. Pour le Tour de France, tout le monde fera un effort pour que le piétonnier soit accessible.

Le vélo n’est-il pas un accessoire de bobo?
Je n’ai aucun problème à voir le vélo prisé par les bobos. Mais moi, je suis convaincu que le vélo, c’est pour tout le monde: flamand, wallon, travailleur, maman, enfant... Après avoir séduit les assertifs, on doit se concentrer sur la sécurité routière pour convaincre une 2e vague de Bruxellois. Je ne veux plus que le vélo à Bruxelles soit considéré comme de la folie.