Justine Henin: «Élise (Mertens) n’était pas bien, c’est sûr»
Consultante pour France.tv, ce week-end lors du match de Fed Cup Belgique-France à Liège, Justine Henin était évidemment aux premières loges pour assister au «naufrage» belge et à l’impuissance d’une Elise Mertens (WTA 21 et N.1 belge) en manque de son tennis…
Publié le 10-02-2019 à 21h54
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Mais elle est où la Elise Mertens insouciante de 2018, titrée à Hobart (pour la 2e fois consécutive) et demi-finaliste de l’Open d’Australie dans la foulée? Une grosse année plus tard, la Limbourgeoise semble traverser une période de doute et son manque de confiance a sérieusement pénalisé (malgré elle) l’équipe de Johan Van Herck, samedi et dimanche au Country Hall. Justine Henin a assisté au triste scénario renvoyant la Belgique en barrage (et envoyant la France en demi-finale).
Justine, la France s’est qualifiée dès les trois premiers simples (victoires de Caroline Garcia sur Alison Van Uytvanck et Elise Mertens; d’Alizé Cornet sur Mertens), c’est un peu sévère non?
Oui, le score est plus sévère qu’on ne l’imaginait. On a vu une équipe belge qui n’a pas pu tenir son rang par rapport à l’événement. En face, les Françaises ont répondu présent. Garcia s’est complètement libérée grâce à sa victoire contre Van Uytvanck samedi (et elle l’a confirmé dimanche contre Mertens) et Elise, qui était déjà dans le doute, samedi (défaite face à Cornet) n’a jamais pu mettre sous pression, la N.1 française dimanche, même s’il y a eu de temps en temps, un petit coup d’éclat. Au final, il y a surtout de la déception dans le fait qu’il n’y a pas eu le combat qu’on aurait aimé voir. Et au bout, il y a cette défaite, bien sûr, avec un peu la manière qui fait défaut…
Où le bât a-t-il blessé du côté d’Élise Mertens (N.1 belge et deux défaites)? Vous la ressentez aussi douter?
Au final, sur ses deux matches, il n’y a vraiment rien eu de constant dans le tennis d’Élise. On a souvent eu, de sa part, deux points assez intenses, puis quatre points où il y avait moins d’intensité mentale et physique. À ce niveau-là, ça ne tient pas sur la longueur! Même si je suis le circuit WTA de loin, maintenant, c’est sûr qu’on voit une fille qui n’est pas totalement en confiance. C’est clair. Il y a eu pas mal de changements la concernant: dans son entourage, au niveau de sa raquette, etc… Est-ce que ça y contribue? Ou est-ce que c’est juste un début de saison un peu mitigé… C’est un peu compliqué à dire. D’autant qu’il peut y avoir des week-ends ou des moments où on se sent moins bien. C’était aussi la première fois qu’elle jouait la Fed Cup en Belgique, ça peut aussi être un élément explicatif. Pas toujours simple de pouvoir contenir ses émotions dans des conditions pareilles. Bref, c’est difficile. Je ne connais pas assez Elise pour pouvoir vraiment avoir un avis tranché, mais c’est sûr qu’on n’a pas vu une joueuse en pleine confiance. Ça, c’est un constat que tout le monde aura pu faire.
Quand on n’est pas vraiment en confiance (comme Mertens actuellement par exemple), jouer à domicile, pourrait-il être finalement un handicap?
Quand on est une sportive de haut niveau, il faut être capable de l’assumer. Mais ça m’est aussi arrivé de passer à côté. Et à d’autres moments, ça m’a permis de me transcender! C’est sûr que ça faisait longtemps que la Belgique n’avait plus évolué chez elle (2013) et que pour Elise, c’était la première fois. Tout ça crée évidemment beaucoup de choses, avec en plus un début de saison un peu mitigé à titre personnel. Un début de saison, ça peut toujours être un peu difficile, si on n’a pas trouvé le rythme, si la confiance ne s’est pas installée, si l’inter-saison ne s’est pas passée comme elle devait se passer. D’autant que par rapport au dernier duel avec la France (France-Belgique, en février 2018 à Mouilleron-le-Captif, score final 3-2), il a fallu à Elise digérer un nouveau statut avec pour la première fois d’énormes points à défendre en Australie. Tout ça, ça joue inévitablement… Il y a des caps à franchir. Parfois, ça prend du temps, et il y a du travail aussi manifestement. Je crois qu’Elise a tout à fait les capacités d’aller vers un jeu plus agressif. C’est pour ça qu’il faut une intensité mentale aussi de tous les instants, et ça a manqué ce week-end, pour je ne sais pour quelles raisons. C’est ce qu’en tout cas ce que j’ai pu observer: un manque de régularité et de constance sur le plan mental. Mais peut-être que la pression était tellement grande…
Trop vite résignée Elise?
Cela a dû être difficile de remonter sur le terrain dimanche après un match comme samedi. On a très vite senti Garcia plus à l’aise qu’elle. Ni l’une ni l’autre n’avait connu un match facile samedi, mais l’une avait gagné, l’autre avait perdu, ça fait une grande différence. J’aurais aimé une réaction plus rebelle qui n’a pas pu ni su venir. Est-ce que Elise était, pour autant, résignée? Elle semblait fébrile dans ses déplacements et dans beaucoup de choses et j’ose dire qu’elle n’était pas bien, c’est sûr. Et c’est vrai que vous avez parfois beau y croire, quand l’autre en face est dans un beau jour, il faut espérer et attendre un petit miracle. Il n’a pas eu lieu. Samedi ou ce dimanche encore, Elise a quand même été dans pas mal de situations où elle aurait pu forcer les choses (pas mal de 30-0 ou 0-30), sans y parvenir. Cela montre qu’il y a un petit souci, mais cela montre aussi qu’elle avait les capacités de se détacher. Et là, le mental aurait pu faire la différence… Ce qu’il faut retenir de ses défaites, c’est cette incapacité à trouver une rigueur dans la constance mentale et de ses intentions. Il y avait des moments où on voyait vraiment ses intentions, on la sentait agressive et déterminée, et puis pendant les jeux suivants on la sentait frapper la belle sans une intention énorme…
Des défaites dangereuses pour le court terme de sa saison?
Tout dépend de la personnalité. Elise m’a l’air d’avoir la tête sur les épaules et j’espère qu‘elle va avoir la capacité de rebondir. Je ne pense pas qu’il faut paniquer à ce stade. Certes, elle n’a pas signé un début de saison tonitruant – elle nous avait habitués à de très belles choses -, mais le potentiel de progression est bien là. Même s’il y a du travail…
Comment vivez-vous ces matches désormais (derrière le micro de France Tv)?
Je ne me dis jamais ’’je vais y aller (sur le terrain) pour tenter quelque chose’’ car j’ai la sagesse de penser que je ne pourrais plus du tout être au niveau physiquement aujourd’hui. Alors, je vis ça depuis ma chaise de commentateur et j’avoue que c’est plus facile. On ne doit plus s’entraîner etc. Mais j’ai l’expérience d’avoir beaucoup bossé pour être dans ce genre de situation. Et je sais aussi que parfois on est sur le terrain à chercher des solutions et qu’elles n’arrivent pas. J’ai aussi connu des jours où je suis passé complètement à côté, toutes les joueuses ont connu ça dans une carrière. Bien sûr, j’aurais aimé voir la Belgique réagir et émerger mais j’ai un recul émotionnel désormais. Moi ce qui me passionne maintenant, c’est plutôt de travailler avec les jeunes, notamment via l’aspect formation. J’ai d’ailleurs beaucoup de choses à apprendre, je travaille avec des coaches car si j’ai l’expérience de joueuse, j’ai envie d’avoir d’autres apprentissages dans le monde du tennis. C’est très intéressant.
Travailler avec des jeunes, c’est-à-dire en suivre sur le circuit?
Non, voyager n’entre pas du tout dans mes plans. J’ai mes enfants (Lalie, 6 ans dans un mois et Victor, né début mai 2017). Oui, je bosse avec Dayana (l’Ukrainienne Yastremska, WTA 34) que j’entraîne environ 10 semaines sur l’année à mon académie mais elle voyage avec un coach de l’académie. Quand je parle des jeunes, ce sont les jeunes de 13, 14, 15 ans. Ça m’intéresse de découvrir quels sont les étapes clé, le développement du joueur, côté technique, vision du jeu, etc. J’ai bénéficié d’une telle formation au même âge avec Carlos (Rodriguez), et je suis curieuse de ça. Et j’apprends beaucoup avec les coaches de mon académie .
Moi, un jour capitaine de Fed Cup?
Je ne ferme aucune porte mais je ne suis pas sûre que c’est un job pour moi dans le sens où j’aime le travail de fond, le fait de bosser quotidiennement sur du long terme alors qu’ici, le/la capitaine récupère des joueuses sans avoir d’impact sur toute l’année. Il faut plutôt un côté rassembleur car le capitaine est surtout là pour faire les bons choix, aligner les bonnes personnes, insuffler un esprit de groupe, pouvoir aider un joueur à se transcender en un espace de temps très court, donc je ne suis pas certaine que ce soit pour moi. Je ne ferme la porte à rien, je le répète, mais j’ai encore beaucoup à apprendre en coaching et de toute façon mes enfants sont petits et je ne pourrais pas faire tous les voyages que cela nécessite. Car il faut aller voir les joueuses, leurs adversaires… Il faut vraiment être dédié à la fonction, c’est un engagement total. Je ne suis pas prête à ça. Je ne dis pas non, mais je n’ai pas l’impression que c’est la fonction qui me conviendrait le mieux.
Belgique-France 1-3: Caroline Garcia (Fra) bat Alison Van Uytvanck (BEL) 7-6 (7/2), 4-6, 6-2; Alize Cornet (Fra) bat Elise Mertens (BEL) 7-6 (8/6), 6-2; Caroline Garcia (Fra) bat Elise Mertens (BEL) 6-2, 6-3; Ysaline Bonaventure/Kirsten Flipkens (BEL/BEL) battent Fiona Ferro/Pauline Parmentier (Fra/Fra) 6-3, 3-6, 10/6.