GRAND ANGLE | Filip Dewulf, 20 ans après: un héros si discret
Il voulait tout sauf ça: être le héros de toute une nation. Pourtant 20 ans plus tard, Filip Dewulf reste une icône malgré lui…
Publié le 07-06-2017 à 16h40
Il y a 20 ans, jour pour jour ce mardi, Filip Dewulf écrivait l’une des plus belles pages de notre tennis national masculin, en devenant à Paris le premier Belge à atteindre les demi-finales d’un tournoi du Grand Chelem (seul Xavier Malisse a suivi, depuis, côté hommes, à Wimbledon en 2002). Modeste 122e mondial alors, le Limbourgeois de 25 ans signait là un exploit rare en Majeur pour un joueur issu des qualifications… Torture des commentateurs français, l’inattendu «Dewoulf» ou «Deveulve», devenu journaliste… «tennis» pour Het Laatste Nieuws – et donc présent quasiment à chaque édition Porte d’Auteuil depuis, dont cette année encore –, revient pour nous sur ce parcours inédit qui le fit sortir de l’ombre un peu malgré lui…
1997-2017, 20 ans déjà…
«J’ai fait une interview chaque jour à peu près, depuis le début de cette édition 2017, c’est donc que cela reste ancré dans la tête des gens. Sinon cela, désolé, mais perso je n’ai rien ressenti de différent sur le site par rapport aux années précédentes. Il faut dire que depuis l’arrêt de ma carrière (et après un autre quart de finale en 1998), j’y suis revenu une quinzaine de fois. Une chose, cependant, me frappe: quand je m’assieds dans les tribunes du court Ph. Chatrier, je me rends compte qu’il y a 15 000 personnes qui regardent les joueurs là-bas en bas, certains en rêvant d’être à leur place et moi, j’y ai été, j’y ai gagné des matches. Ça, ça me fait toujours quelque chose…»
Le secret
«Rien n’était calculé, c’est sûr! La preuve: j’avais mis cinq polos de tennis dans ma valise: un pour chacun des trois matches de qualifs (2 sets gagnants) et deux pour un éventuel 1er tour (histoire de pouvoir changer en cours de match si on allait aux 5 sets). Et je trouvais ça déjà optimiste!»
Le scénario
«À quoi tient ce parcours 1997? Qui sait? Rien n’est logique dans ma carrière… Mais cette année-là, tout s’est bien mis. Je n’ai pas super-bien joué en qualifs mais je m’en suis extrait. Ça m’a donné confiance et tout s’est enchaîné: je jouais bien, j’étais bien physiquement, je sentais bien les choses (terre, balles), il n’y avait aucune attente me concernant (donc pas de pression): j’étais sur un nuage. Et tout s’est bien mis aussi coté tableau: Portas a battu Moya, l’un des favoris (d’ailleurs vainqueur l’année suivante), Norman a battu Sampras etc. Il faut toujours avoir un peu de chance dans ce type de contexte et j’ai su la saisir. J’ai plané ainsi jusqu’en demi-finale.»
Le match de trop
«Arrivé en demi-finale face à au Brésilien Gustavo Kuerten, mentalement, j'étais au bout. Complètement cuit… Le tourbillon extra-sportif (médias, sollicitations, vague de popularité inattendue) m'avait complètement dépassé. Je n'ai pas pu gérer ça… C'était énorme pour nous; trop grand pour moi… Je n'avais qu'une envie: que tout cela finisse. Je ne sentais plus mes jambes à l'échauffement avant la demi-finale. Et en match, j'étais toujours un pas trop court (pour aller à la balle). Peut-être exprès inconsciemment. Et si le Grand Chelem avait été au bout du monde? Cela aurait sans doute été plus facile à gérer… C'était le cas pour Kuerten d'ailleurs., qui était loin de chez lui. Même si ce gars-là a toujours semblé hermétique à la pression: il sifflotait dans les vestiaires, etc. Il était fait pour ça, il l'a montré par après (trois titres à Paris). J'admire d'ailleurs ces grands champions pour leur capacité à gérer tous ces aspects, à être régulier aux rendez-vous peu importe les circonstances. Moi j'étais juste un bon joueur avec des hauts et des bas. Cette campagne 1997 fut l'un de mes hauts. Comme quand je gagne le tournoi de Vienne (1995) en sortant aussi des qualifications. Aussi inattendu qu'inexpliqué.
En fait, je n’étais pas vraiment destiné à devenir joueur du top: je n’avais pas vraiment une passion pour le tennis, je n’étais pas ambitieux et je n’aimais pas les spotlights. Mais j’avais le talent pour faire ce métier, tout simplement.»
Fierté? Nostalgie?
« Ce Roland-Garros 1997 n'a pas vraiment changé ma carrière à court terme, car joueur, tu regardes plus vers l'avant que dans le rétro. Mais oui, maintenant, j'ai une certaine fierté. Est-ce que cela m'a changé? Je ne le pense pas. Quoique, si j'ai gardé le même caractère discret, être dans l'actu m'a obligé à sortir d'une certaine timidité. Est-ce que cela a changé ma vie? Oui, forcément, notamment matériellement… Est-ce que je suis fier de ce que j'ai fait? Oui, quand même, et je ne pense pas qu'on m'imitera de si peu. Le tennis est devenu trop physique pour enfiler huit ou neuf victoires en 20 jours. Sauf si tu es un extraterrestre.»