Eliott Crestan: "Je n’ai plus peur de me faire ma place"
Le spécialiste du 800m, demi-finaliste aux JO, court désormais sans complexe. Rencontre.
Publié le 11-03-2022 à 07h39
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Depuis l’an dernier, Eliott Crestan n’est plus le même athlète. Le Namurois a pris de l’étoffe, il a changé de dimension. Surtout, au fil de ses excellents résultats, il a pris de l’assurance. À l’âge de 23 ans, un anniversaire qu’il a fêté le 22 février, il continue à s’installer progressivement parmi les meilleurs spécialistes du 800m. En témoigne son statut de 11e performeur mondial de la saison avec un chrono de 1.46.11 qui constitue, depuis le 26 février, un nouveau record de Belgique. Après sa demi-finale aux Jeux olympiques de Tokyo, où il a porté son record en plein air à 1.44.84, Eliott Crestan reste inscrit dans une excellente dynamique.
"Les Jeux m'ont aidé à prendre confiance en moi, c'est vrai", indique l'athlète de Lesve(Profondeville), ce jeudi, à Louvain-la-Neuve, à l'issue de l'un de ses derniers entraînements avant les championnats du monde en salle. "C'était un déclic dans le sens où j'avais tendance, jusque-là, à ne pas vouloir gêner la course de mes "idoles", parce que je les considérais comme plus forts que moi. Je me mettais carrément derrière, en essayant simplement de remonter à la fin. Depuis Tokyo, j'ai conscience que j'appartiens au même groupe qu'eux, et j'ai conscience que je me bats contre eux."
Paradoxalement, c'est une grosse déconvenue qui l'avait placé sur la bonne voie. "Le 6 juin, à Hengelo, je me suis fait é-cla-ter !, scande-t-il. Pour quelle raison ? En fait, j'avais placé tous mes espoirs de qualification olympique dans cette course. Je me suis mis une pression folle et je n'en ai pas dormi de la nuit. Du coup je suis arrivé sur la ligne de départ sans confiance, j'ai laissé les meilleurs s'expliquer entre eux et je ne suis jamais revenu (1.48.15). Je me suis dit que cette mentalité ne me mènerait jamais à rien, que je n'arriverais pas à me qualifier. Cette contre-performance m'a mis une claque et, dans un sens, ça m'a fait du bien: j'ai compris où le bât blessait et dès la semaine suivante, j'ai réussi mon minimum olympique (1.45.19)!"
"Aujourd'hui, ses adversaires ne le voient plus du tout du même œil", indique André Mahy, l'entraîneur d'Eliott Crestan depuis les débuts de ce dernier au SMAC, à Namur, où il s'est toujours entraîné "avec des plus grands" et où ses performances de haut niveau sont aujourd'hui suivies avec beaucoup d'intérêt. "C'est un pur produit du club dont il est en quelque sorte devenu le porte-étendard. Chacune de ses prestations est suivie avec enthousiasme et de nombreux gamins rêvent de suivre ses pas et de prendre part aux plus grands championnats et aux Jeux olympiques. Pour ma part, je n'ai jamais travaillé avec un athlète aussi agréable que lui. C'est un garçon charmant, poli et à l'écoute, une personnalité attachante et un athlète travailleur. C'est un bonheur quotidien!"
«Il faut un peu jouer des coudes»
Sur la piste, Eliott Crestan doit toutefois montrer une autre facette de sa personnalité pour gagner le respect de tous. Et s’imposer parmi les cadors de la discipline.
"Particulièrement en salle, le placement est très important, cela conditionne presque toute la course. Comment cela se travaille-t-il ? En prenant un départ très rapide. Il ne faut vraiment pas avoir peur de se faire sa place. Le rabattement, c'est costaud, surtout en championnats où c'est la place qui compte. Il faut un peu jouer des coudes. Aujourd'hui, je n'ai plus peur de me faire ma place, même si je connais encore l'un ou l'autre raté comme à Liévin le mois dernier. Je peux compter sur un point fort, les 200 derniers mètres. Mais le 800m est tout sauf une science exacte. On peut vivre une très bonne course un jour, et se planter royalement lors de la suivante. Il peut se passer énormément de choses."
C'est d'ailleurs ce que le Namurois apprécie dans cette discipline qu'il voit comme "un mix entre le sprint pur et l'endurance-vitesse. Sur 800m, tu n'es pas à fond tout le temps comme sur 400m: il y a un aspect tactique important qui intervient. J'affectionne ce côté tactique car il permet en quelque sorte de redistribuer les cartes. On ne part jamais sans chance face aux autres athlètes. Il y a toujours des opportunités à saisir. Si j'ai pu passer un tour aux Jeux, c'est d'ailleurs en grande partie grâce à cela."
Et grâce à un certain culot qu'il cultive comme un atout précieux. De plus en plus sûr de ses qualités, Eliott Crestan s'envolera en pleine confiance pour Belgrade mercredi. Où, il le sait, son ambition de s'extirper des séries et d'atteindre la finale à six sera très compliquée à rencontrer. Mais quel que soit son résultat, c'est le long terme qui intéresse Eliott. Qui se donne deux ans pour améliorer le record national établi en 1976 par Ivo Van Damme (1.43.86). "Une seconde, c'est peu et beaucoup à la fois! J'espère y arriver avant les JO de Paris."
Et, pourquoi pas, au Mémorial, pour le symbole…