Yseult Gervy, des Jeux olympiques de Sydney à «la gentille policière d’Ittre»
Des bassins de natation au commissariat d’Ittre, Yseult Gervy n’a pas manqué sa reconversion. Elle s’y sent comme un poisson dans l’eau.
Publié le 19-03-2021 à 08h34
On est en 2000. Les Jeux olympiques de Sydney viennent de refermer leurs portes. Yseult Gervy rentre avec une place en finale en 200 m 4 nages dans ses bagages, mais également des ennuis de santé. «J'étais devenue anorexique, confie l'ancienne nageuse professionnelle. Certaines mauvaises langues ont considéré que cela faisait suite à la prise de produits dopants. Or, je n'ai jamais rien pris, et j'en suis fière. Mais j'étais dégoûtée. J'ai fait une overdose de natation. J'en avais mon compte de passer des heures à longueurs de journée dans l'eau.»
Elle décide d'entamer des études de philosophie, avec l'objectif de s'orienter vers la criminologie. «Cela n'a pas duré. L'unif, ce n'était pas pour moi. Je préfère le concret aux grandes théories. J'ai toujours été attirée par la police. J'étais une grande fan de la série Julie Lescaut, inspecteur de police à l'écran. J'ai passé les examens et je suis entrée à la police. Je voulais faire autre chose», lance-t-elle.
Son objectif: servir les autres. «Durant ma carrière sportive, toute l'attention était tournée vers ma personne, sur mes performances. Il y a un côté altruiste à la police. Nous sommes là pour aider la population. Certains ne voient pas la chose de cette manière, mais pourtant, la police, c'est un don de soi envers les autres. On y retrouve des valeurs comme en sport: la rigueur, le respect des grades comme on respecte son entraîneur en sport. On ne rouspète pas.»
Elle n'a pas fait fortune dans son sport. «Financièrement, la natation ne m'a pas rapporté d'argent, j'ai gagné l'équivalent d'un job étudiant. Mais, je m'en fiche tellement car cela m'a apporté dans la vie. J'ai vécu des expériences extraordinaires. Je profite toujours aujourd'hui des bienfaits de la natation, à savoir être perfectionniste, mener une vie saine, respecter les autres, apprendre à perdre en gardant la tête haute.»
Difficile en intervention
Elle a fait partie du service d'intervention. «À ce titre, on est appelé sur les accidents, sur toutes sortes d'interventions. Certaines sont parfois assez chaudes.»
Avec des situations pas toujours faciles à vivre. «J'étais présente sur pas mal d'accidents mortels, avec des gens qui sont morts dans mes bras. Avant de quitter l'intervention, j'ai eu quatorze accidents mortels en un mois. Psychologiquement, c'est très dur. J'en rêvais la nuit. C'était juste avant de passer inspectrice principale.»
Elle a été affectée au commissariat décentralisé d'Ittre, toujours en faisant partie de la zone Ouest du Brabant wallon. Elle y est inspectrice principale et dirige une équipe de six personnes. «Nous nous entendons bien. Nous nous connaissions déjà avant d'être réunis ici. La plupart des policiers ici sont aussi passés par l'intervention.»

Plus de temps en famille
Le boulot à ce commissariat a changé sa vie. «C'est tout d'abord un travail de jour. Cela me permet de passer plus de temps en famille. En intervention, j'avais des horaires de nuit, parfois trois nuits de suite, nous avions des horaires constamment décalés. Ce n'était pas évident à vivre. Maintenant, je peux passer plus de temps en famille, faire des activités avec mes filles.»
Le travail est aussi différent. «Nous sommes ici vers une police plus tournée vers la population. L'objectif est de venir en aide aux personnes, pour améliorer leur qualité de vie. Nous menons des actions de proximité, tournée vers les gens. Nous avons aussi toutes les suites des délits moins importants, que ce soit une amende impayée, une audition pour un vol. À Ittre, on nous appelle les " gentils policiers "».
La police entoure aussi les fêtes dans la commune. «À Ittre, il y a une grande fête le 15 août. Elle attire environ 10 000 personnes. Il y a aussi beaucoup de fêtes de quartier, généralement très tranquille. Ittre est très tourné vers la culture.»
La crise sanitaire a modifié le travail. «C'est quelque chose de tout neuf. Lorsque l'on dresse un procès pour excès de vitesse, pour GSM au volant, les gens savent qu'ils ont agi en dehors des réglementations. Nous devons aussi agir pour le lockdown, pour le non-port du masque. Quand je dois sanctionner des jeunes parce qu'ils étaient quatre à l'extérieur, ou des gens qui vont se promener dans les bois, cela me fait mal.»

Premier club:
La Louvière
Les JO:En 1996 à Atlanta et en 2000 à Sydney
Titres nationaux: 48 titres de championnes de Belgique
Records de Belgique:400 m 4 nages en 4'46''15 à Helsinki. Ce record tient toujours
Titres internationaux:Médaille de bronze au championnat d'Europe en petit bassin en 400 m 4 nages en 2000
Conseillère communale:Élue à Ittre le 8 octobre 2000 avec 101 voix de préférence. Démissionne en 2003
Police:Entrée en 2003
Commissariat de quartier: à Ittre depuis 2017

Durant toute sa carrière sportive, Yseult Gervy a beaucoup été aidée par sa maman, Danielle. «Depuis toujours ma mère est très attachée aux vertus des pierres, naturelles, semi-précieuses. À l'adolescence, cela me saoulait. Elle me donnait une pierre pour m'aider à gérer mon stress. Lorsque j'avais des difficultés à dormir, elle m'en donnait une autre pour me permettre de passer une bonne nuit», explique Yseult Gervy.
Cette dernière a finalement trouvé cela utile. «Oui, j'ai trouvé cela chouette. Les pierres ont toutes une certaine énergie, cela fait partie du développement personnel. Même si tu ne crois pas aux vertus des pierres, cela te rappelle que tu dois travailler sur ta problématique, être plus apaisée, voire être plus courageuse ce jour-là. C'est un peu la méthode Coué, de l'autosuggestion. Ma maman m'a beaucoup aidée avec cela», se rappelle Yseult Gervy.
Elle y est revenue il y a trois ans. «Je suis devenue créatrice de bijoux. J'ai découvert tout un monde parallèle de créateurs belges, d'artisans belges, de nombreuses plateformes. J'ai créé un site et j'ai même eu droit à un article dans le magazine français Voici. J'ai développé cette activité, j'adore. J'ai l'impression d'aider les gens, pas avec de la magie africaine mais dans une volonté de développement personnel. En plus, c'est joli.»
En bref
Son attachement à Ittre
Yseult Gervy est née à Nivelles le 20 janvier 1979. Elle vit à Ittre. Une commune qu'elle n'a quittée que quelques années. «Après la natation, j'ai acheté un petit appartement à Braine-l'Alleud. J'avais besoin d'indépendance. Mais je suis revenue à Ittre lorsque j'ai fait construire. Je n'imagine plus vivre ailleurs.»
Son frère Stéphane comme entraîneur
Deux entraîneurs l'ont marquée. Véronique Brisy à l'UCL Natation. «C'était une super bonne coach, elle était talentueuse pour transmettre la technique et elle était novatrice.»
Son frère Stéphane l'a aussi entraînée. «Il était dur mais cela a porté ses fruits. Il m'a accompagnée aux J.O. de Sydney. C'est aussi grâce à lui que j'ai eu ma médaille de bronze au championnat d'Europe.»