Témoignage à Tournai : Consolate, de l’arrachement à la réparation

Un seul jour permettra de découvrir le chemin d’une jeune femme issue du Burundi, avant qu’elle y retourne pour la première fois.

Françoise LISON
 L’exposition "Un retour" comporte documents d’archives, photos, capsules vidéos, conversations enregistrées.
L’exposition "Un retour" comporte documents d’archives, photos, capsules vidéos, conversations enregistrées. ©Com.

Consolate ne cesse de questionner son histoire, liée à la nôtre et toujours douloureuse. Elle avait quatre ans quand, en pleine tourmente, ses parents tutsis sont massacrés devant ses yeux et ceux d’une grande sœur. Celle-ci fuit avec la petite dans la forêt. Les deux filles sont recueillies chez une tante, jusqu’à ce qu’un trafiquant d’enfants emmène Consolate vers une filière d’adoption, comme tant d’autres petits. C’est dans une famille mouscronnoise qu’elle poursuit sa vie, étudie à l’Académie puis au Conservatoire de Mons. Le théâtre lui permet d’aborder enfin son histoire personnelle.

Histoire pas isolée

"Très jeune, je me suis rendu compte que cette activité extrascolaire me réparait, confie celle qui est à présent jeune maman. J’ai eu de super profs à l’Académie de Mouscron. Jouer me permettait de me trouver, d’aller à la rencontre de la vraie Consolate. Un pas plus loin, je me prépare à un voyage à travers – Un retour -, une exposition interactive qui interroge à la fois l’adoption, l’arrachement identitaire, la mémoire collective. Mon histoire n’est pas isolée, elle fait partie d’un itinéraire lié à la vie sociale, politique, internationale. Mon premier engagement est de changer le regard que peut avoir l’Europe sur l’Afrique."

L’œuvre globale (installation, et théâtre dès l’automne) concerne la quête identitaire des adultes adoptés. L’exposition se compose de documents d’archives, photos, capsules vidéo, objets, écrits: les visiteurs auront accès à des conversations enregistrées et pourront échanger à propos de faits vécus, relatés par des témoins directs. "Je souhaitais raconter la réalité, autrement que dans les livres, en tenant compte des personnes concernées. Ces faits ne sont pas du domaine du passé, ils font partie de nous. Pendant plus de 25 ans, j’ai été seule avec cette mémoire traumatisante, guerre, désastre, déracinement, différence. Je souhaite que cette exposition puisse ouvrir et élargir le dialogue, notamment à propos de ce que vivent aujourd’hui d’autres adoptés et adoptants, ou à propos de la difficulté de ne pas être dans la norme. Femme noire, ado voilée, quelle différence ?"

Installation, voyage, spectacle. Quelques semaines avant de s’envoler pour le Burundi, Consolate offre sa perception des événements et celle de ses pairs. Quand elle reviendra à Bruxelles, le spectacle "ICIRORI" (fin janvier 2024 à la Maison de la culture de Tournai) qui naîtra de tout ce parcours sera nourri d’impressions sensorielles et de retrouvailles. Avec, au vif de la scène, la présence de celles et ceux qu’elle a perdus.

"Un retour", institut des Ursulines, 10 rue des Carmes à Tournai, le mercredi 24 mai de 11h à 17h. Visites libres. Organisation: Maison de la culture de Tournai. 069 253 080

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