La Naïade (Tournai) a retrouvé son lustre d’antan au sein de l’atelier Pyrallis (vidéos – photos)
Après avoir passé quelques semaines dans l’atelier de Pyrallis (Soignies), et s’être refait une beauté, la Naïade retrouvera, ce jeudi, son piédestal au pont à Ponts.
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Publié le 22-02-2023 à 06h45 - Mis à jour le 22-02-2023 à 07h47
Philippe Janssens ne cache pas son plaisir et sa fierté d’avoir pu restaurer la Naïade, "un symbole de la ville de Tournai". "À chaque fois que je venais à Tournai (NDLR : il s’était déjà occupé notamment du monument Gabrielle Petit et de la fontaine Adolphe Leray), et que je passais devant cette statue, je me disais qu’elle mériterait bien un bon nettoyage et une bonne restauration au vu des traces liées à la corrosion, à la pollution et au temps", sourit-il.

De son œil d’expert, le restaurateur et fondeur d’art au sein de la société Pyrallis basée à Soignies a pu se rendre compte de la qualité de l’œuvre du sculpteur tournaisien. "Même si la sculpture semble assez brute, certains détails anatomiques sont très réalistes , relève-t-il. Le modelé est magnifique, et le travail de sculpture est très bien réalisé. Par contre, je suis un peu moins élogieux par rapport à la fonte de l’œuvre… En regardant bien le monument, on remarque pas mal de traces du moulage au sable, de piqûres, de décalages et de défauts au niveau de la finition. Cela peut s’expliquer par le fait que dans les années 50, les fonderies périclitaient quelque peu… D’ailleurs, il n’y a pas de cachet de la fonderie sur la statue ; il y a juste la signature du sculpteur !"
Retrouver l’aspect originel

En l’observant, Philippe Janssens a pu décortiquer la réalisation de cette œuvre haute de 3 mètres. "Elle a été réalisée grâce à la technique de la fonderie au sable, précise-t- il. Elle est faite d’assemblages d’éléments en bronze, emboîtés en fonction des parties du corps. Les pieds ont ainsi été coulés avec le socle tandis que les autres parties du corps l’ont été de manière distinctes: les mains, les deux jambes, le torse, la tête et les épaules, etc."
Les Tournaisiens, et particulièrement les Carnavaleux, seront ravis de retrouver cette statue de Georges Grard comme au premier jour. "Il était important de respecter le travail du sculpteur, et celui du fondeur de l’époque, ajoute-t-il. L’idée était de retrouver l’aspect originel, et la teinte de la patine comme elle l’était lorsque la statue a été installée à Tournai, soit un brun-noir."

Pour parvenir à ce résultat, et réussir à retirer toutes ces traces et dégoulinures vertes ainsi que les zones noires, Philippe Janssens a dû procéder à diverses interventions sur le bronze. "On a commencé par un décapage avec une solution acide pour enlever au maximum les traces de corrosion et les sels verts qui s’étaient incrustés, ajoute-t-il. Afin de neutraliser l’acide, et d’éliminer les sels et acides résiduels, il a fallu rincer la sculpture avec une solution basique avant d’opérer à un nettoyage manuel à l’aide d’outils à faible abrasion suivi d’une nouvelle passivation chimique. On a ensuite procédé à un aérogommage à base de coquille de noix. Pour finir, nous avons appliqué plusieurs couches d’une patine qui fonce le métal par réaction chimique et nous avons posé une autre couche de protection grâce à une cire microcristalline appliquée à chaud et lustrée. Mises bout à bout, toutes ces étapes représentent environ quatre jours de travail…"
La nécessité d’un entretien régulier

Une opération qui n’a pas été facilitée par les conditions météorologiques. "D’ordinaire, ce sont des interventions que l’on fait en été pour avoir une chaleur uniforme pour la réalisation de la patine et pouvoir rincer et sécher la patine un grand nombre de fois. Ici, on s’est adapté en travaillant sous une tonnelle et en utilisant une torche au gaz ou un brûleur pour chauffer le bronze."

La statue de bronze réalisée en 1950 par Georges Grard a pu retrouver son lustre d’antan. "Il était temps d’intervenir pour éviter que la teinte verte ne deviennedominante comme c’est le cas pour le monument Jules Bara que nous allons également soigner, mais que l’on devra maintenir dans un ton verdâtre… Par contre, si on ne veut pas retrouver la Naïade à nouveau corrodée, il faut qu’elle soit régulièrement entretenue par un petit nettoyage et la pose d’une cire principalement aux endroits les plus exposés comme les épaules, la tête, le dessus de la poitrine, le dos… à l’image de la crème solaire que l’on s’applique pour se protéger du soleil. Malheureusement, peu de communes procèdent à ces opérations d’entretien qui,après une petite formation, pourraient être réalisées par de la main-d’œuvre communale. J’espère que la Ville de Tournai s’investira dans l’entretien de ses monuments parce que c’est toujours regrettable de voir que le travail de restauration que l’on a réalisé périclite au fil des années faute d’entretien… en sachant aussi que cela représente un coût, financé par les deniers publics, et il est donc dommage que cela ne soit pas mis en valeur et valorisé sur la durée !"
Jeudi, le retour à Tournai

La Naïade retrouvera son piédestal, sur le pont à Ponts, ce jeudi matin. "Même s’il a fallu s’y reprendre à deux fois pour l’enlever, l’opération de pose s’annonce plus délicate, relève Philippe Janssens. Cela va se jouer au millimètre près pour que les tiges placées sur le socle rentrent dans les ancrages du piédestal…"