Le Tournai d’avant: disparu voici 150 ans, l’Arc des Chauffours était l’autre « pont des Trous »
Porte d’eau aval de la ville, le Pont des trous, certes sérieusement modifié, " renaît ". L’Arc des Chaufours qui était la porte d’eau en amont a, lui, été, démoli en 1874, voici bientôt 150 ans.
Publié le 05-12-2022 à 16h00 - Mis à jour le 12-12-2022 à 11h12
Pont des Trous et Arcs des chaufours ne sont pas des ponts publics: ils ne permettent la traversée du fleuve qu’aux défenseurs de la ville. Portes d’eau, ils ferment militairement la grande enceinte communale des XIIIe et XIVe siècles, un rôle essentiel en ces siècles troublés.
Près des fours
Les Tournaisiens sont pragmatiques ; pour donner un patronyme, ils s’appuient sur leur environnement. D’une part, il y a les "trous" là où le fleuve est approfondi à 13 pieds pour les bateaux en attente de traversée ; d’autre part, il existe des fours à chaux qui brûlent le calcaire local sur la plaine de Saint-Jean.

L’Arc des chaufours est intéressant. Car il participera aussi, dès le XVIIe, à la vie sociale et économique de la ville.
Le chanoine Cousin, au XVIIe siècle, le dépeint comme un ouvrage commandant l’entrée de l’Escaut en ville et commente sa construction. "Or, au milieu de la rivière, en 1297, on maçonna deux piliers de 20 pieds de long sur 8 de large et 33 de haut, qui soutiennent les arcs et voûtes par-dessous lesquels passent les navires. Le fond de la rivière fut pavé de grandes lames de pierre jusqu’à 82 pieds de large et 70 de long (un pied équivaut à 0,3048m). Pour épauler les voûtes, on édifia de chaque côté une tour de la hauteur de 80 pieds avec des créneaux et autres maçonneries dessus". (texte transcrit en français contemporain).

La tour de la rive droite est circulaire, avec 6,40 m intérieurs ; celle de la rive gauche, avec 7,80 m, mêle droites et courbes. Toutes deux possèdent des murs de deux mètres. Note: la tour en rive gauche dite "Canteraine" tire son nom du chant des grenouilles (cante raines).
Les Arcs sont modifiés au fil des ans. Fin XVIe, il n’y a plus de créneaux et les échauguettes (tourelles en porte-à-faux) des tours sont supprimées.

Tenues d’eau
Un fleuve est économiquement important. Pour laisser place aux esquifs, l’ogive centrale est plus large que les deux autres (elles sont égales au Pont des Trous) avec 6,20 m.
Il faut aussi un niveau d’eau suffisant. Des "tenues d’eau" sont construites. Ce sont quatre portes ou "ventelles" mises en travers du cours d’eau et que l’on ouvre ou ferme à volonté.

Le 9 avril 1559, Philippe II d’Espagne autorise le financement des tenues d’eau de Tournai (autorisation de Charles Quint du 11 septembre 1551). Pour un "emprunt de 10 à 12 000 florins couvert par une rente dont les intérêts et remboursement seront payés par un péage de six années sur chaque bateau et touchera toutes les marchandises, grain et charbon plus lourdement". Octroi délivré aux six villes associées des Pays-Bas soit Anvers, Gand, Audenarde, Valenciennes (sur l’Escaut), Mons (La Haine), et Douai (Scarpe).

Pas de datation pour les Arcs. Mais on apprend que, le 2 octobre 1564, "les quatre portes des tenues sont fermées quelques heures puis ouvertes pour laisser passer les bateaux sortant".

D’autres essais furent nécessaires. Mais en 1573, Jean Saiet, ingénieur du roi constate "quatre ouvertures, les deux extrêmes où passent des bateaux de 20 pieds et les deux du mitan de 19 pieds d’ouverture". Une hauteur d’eau de 7 pieds, mesurée en 1611, permet la navigation sans rompre charge. Ces tenues seront l’objet, durant des décennies, de disputes, de procès, de recours longs et durs entre industriels, pouvoirs politiques. Mais elles survivront, longtemps.