Le Tournai d’avant: disparu voici 150 ans, l’Arc des Chauffours était l’autre « pont des Trous »

Porte d’eau aval de la ville, le Pont des trous, certes sérieusement modifié, " renaît ". L’Arc des Chaufours qui était la porte d’eau en amont a, lui, été, démoli en 1874, voici bientôt 150 ans.

Pont des Trous et Arcs des chaufours ne sont pas des ponts publics: ils ne permettent la traversée du fleuve qu’aux défenseurs de la ville. Portes d’eau, ils ferment militairement la grande enceinte communale des XIIIe et XIVe  siècles, un rôle essentiel en ces siècles troublés.

Près des fours

Les Tournaisiens sont pragmatiques ; pour donner un patronyme, ils s’appuient sur leur environnement. D’une part, il y a les "trous" là où le fleuve est approfondi à 13 pieds pour les bateaux en attente de traversée ; d’autre part, il existe des fours à chaux qui brûlent le calcaire local sur la plaine de Saint-Jean.

 Vue d’ensemble d’une tenue d’eau peut-être celle près du Pont des trous.
Vue d’ensemble d’une tenue d’eau peut-être celle près du Pont des trous. ©ÉdA

L’Arc des chaufours est intéressant. Car il participera aussi, dès le XVIIe, à la vie sociale et économique de la ville.

Le chanoine Cousin, au XVIIe  siècle, le dépeint comme un ouvrage commandant l’entrée de l’Escaut en ville et commente sa construction. "Or, au milieu de la rivière, en 1297, on maçonna deux piliers de 20 pieds de long sur 8 de large et 33 de haut, qui soutiennent les arcs et voûtes par-dessous lesquels passent les navires. Le fond de la rivière fut pavé de grandes lames de pierre jusqu’à 82 pieds de large et 70 de long (un pied équivaut à 0,3048m). Pour épauler les voûtes, on édifia de chaque côté une tour de la hauteur de 80 pieds avec des créneaux et autres maçonneries dessus". (texte transcrit en français contemporain).

 Comme aux Trous, la courtine est postérieure aux tours. Ici sa salle commandant les herses.
Comme aux Trous, la courtine est postérieure aux tours. Ici sa salle commandant les herses. ©ÉdA

La tour de la rive droite est circulaire, avec 6,40 m intérieurs ; celle de la rive gauche, avec 7,80 m, mêle droites et courbes. Toutes deux possèdent des murs de deux mètres. Note: la tour en rive gauche dite "Canteraine" tire son nom du chant des grenouilles (cante raines).

Les Arcs sont modifiés au fil des ans. Fin XVIe, il n’y a plus de créneaux et les échauguettes (tourelles en porte-à-faux) des tours sont supprimées.

 Présentation d’une tenue d’eau avec ses quatre portes ou ventelles.
Présentation d’une tenue d’eau avec ses quatre portes ou ventelles. ©ÉdA

Tenues d’eau

Un fleuve est économiquement important. Pour laisser place aux esquifs, l’ogive centrale est plus large que les deux autres (elles sont égales au Pont des Trous) avec 6,20 m.

Il faut aussi un niveau d’eau suffisant. Des "tenues d’eau" sont construites. Ce sont quatre portes ou "ventelles" mises en travers du cours d’eau et que l’on ouvre ou ferme à volonté.

 Vu de l’amont, les Arcs des chaufours, ouvrage militaire, avec ses trois arches.
Vu de l’amont, les Arcs des chaufours, ouvrage militaire, avec ses trois arches. ©ÉdA

Le 9 avril 1559, Philippe II d’Espagne autorise le financement des tenues d’eau de Tournai (autorisation de Charles Quint du 11 septembre 1551). Pour un "emprunt de 10 à 12 000 florins couvert par une rente dont les intérêts et remboursement seront payés par un péage de six années sur chaque bateau et touchera toutes les marchandises, grain et charbon plus lourdement". Octroi délivré aux six villes associées des Pays-Bas soit Anvers, Gand, Audenarde, Valenciennes (sur l’Escaut), Mons (La Haine), et Douai (Scarpe).

 Dans ce plan dessiné en 1622, le pont a perdu ses échauguettes. En bas, le couvent des Cordeliers ou Récollets.
Dans ce plan dessiné en 1622, le pont a perdu ses échauguettes. En bas, le couvent des Cordeliers ou Récollets. ©ÉdA

Pas de datation pour les Arcs. Mais on apprend que, le 2 octobre 1564, "les quatre portes des tenues sont fermées quelques heures puis ouvertes pour laisser passer les bateaux sortant".

 Les Arcs des Chaufours.
Les Arcs des Chaufours. ©ÉdA

D’autres essais furent nécessaires. Mais en 1573, Jean Saiet, ingénieur du roi constate "quatre ouvertures, les deux extrêmes où passent des bateaux de 20 pieds et les deux du mitan de 19 pieds d’ouverture". Une hauteur d’eau de 7 pieds, mesurée en 1611, permet la navigation sans rompre charge. Ces tenues seront l’objet, durant des décennies, de disputes, de procès, de recours longs et durs entre industriels, pouvoirs politiques. Mais elles survivront, longtemps.

Vous êtes hors-ligne
Connexion rétablie...