"Pas le bon procès" aux yeux de la Tournaisienne, Caroline Leruth, victime des attentats de Bruxelles
Rescapée de l’attentat de l’aéroport de Zaventem, la Tournaisienne d’origine, Caroline Leruth ressent une certaine amertume face au procès qui s’ouvre ce lundi à Bruxelles. Elle déplore un manque de reconnaissance pour les victimes et des débats qui laisseront ses questions sans réponse.
Publié le 04-12-2022 à 17h00 - Mis à jour le 04-12-2022 à 17h17
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Le 22 mars 2016, la Tournaisienne Caroline Leruth est présente dans le hall de l’aéroport de Zaventem pour rejoindre sa seconde patrie, les États-Unis. Les bombes explosent à quelques mètres d’elle. Si elle s’en sort physiquement indemne, le traumatisme reste présent…
Dans sa vie, il y a un avant, et un après. "Je ne sais plus mettre un pied à l’aéroport de Zaventem, explique-t-elle. Lorsque je reviens en Belgique, je suis obligée de passer par Paris ou Amsterdam. J’ai envie d’oublier, et le fait de vivre aux États-Unis me permet de maintenir une certaine distance avec l’événement, même si des petites choses du quotidien me rappellent toujours à la réalité comme lorsque je dois réserver mon billet d’avion ou que j’entends certains bruits…"
Procès des attentats de Bruxelles: ce 22 mars 2016 où «le ciel me tombe sur la tête»« Les accusés ont plus de droits que les victimes »
Elle a été reconnue comme victime du terrorisme. Elle pensait se constituer parties civiles lors du procès des attentats de Bruxelles qui s’ouvre, ce lundi matin. Caroline Leruth souhaitait s’exprimer à la barre de la Cour d’Assises. Elle était prête à revenir en Belgique pour l’occasion.
"Mais finalement, j’ai dû y renoncer, relève Caroline Leruth. J’avais sollicité les services d’un avocat qui défendait également d’autres victimes, et celui-ci m’a alerté sur le coût en termes de frais de défense pour ce long procès ; cela représentait quelques dizaines de milliers d’euros ! Personnellement, je n’ai pas le droit à l’intervention de mon assurance qui ne prend pas en charge un tel cas, ou à un avocat pro deo… alors que les terroristes, eux, seront défendus aux frais de l’État belge ! Les accusés ont plus de droits que les victimes… c’est choquant et inadmissible de savoir que certaines victimes n’auront pas la possibilité de se faire entendre !"
"On victimise encore un peu plus les victimes. Certes, j’aurai peut-être pu bénéficier du fonds des victimes, mais je préfère laisser cette opportunité aux personnes qui ont perdu un membre de leur famille ou qui ont été blessées physiquement… D’autant plus que je sais que ce procès ne répondra pas à mes attentes, me fera du mal, et que je préfère continuer à vivre et profiter des petits bonheurs quotidiens !"
Ne pouvant témoigner, Caroline Leruth ne compte pas participer à l’une ou l’autre audience. Du procès qui verra comparaître dix accusés, la Tournaisienne d’origine n’en attend en effet pas grand-chose. Elle en suivra peut-être quelques aspects via les médias belges. "Pour les terroristes, le procès ne les fera pas changer ! Ils seront mis à l’écart de la société et condamnés à de la prison, où ils s’y radicaliseront peut-être encore davantage… Des terroristes, il y en aura encore ! Par contre, je peux comprendre que pour d’autres victimes, il est important de voir le visage des terroristes (même si ceux qui ont tué leurs proches sont aussi morts…), et de savoir ce qu’il s’est passé. Mais pour moi, on ne fait pas le bon procès…"
De longues minutes: quelles responsabilités ?
Six ans plus tard, Caroline Leruth garde en elle ce sentiment de colère et d’incompréhension. "J’ai toujours besoin de comprendre ce qu’il s’est passé, comment trois terroristes ont pu pénétrer dans l’aéroport avec des bombes et pourquoi il a fallu attendre près de 40 minutes pour voir débarquer les services de secours à l’aéroport… Je me souviens de ces longues minutes pendant lesquelles je reste, impuissante, auprès de victimes et je tente, de les accompagner comme je peux."
"Pourquoi est-ce que cela a pris autant de temps alors que l’on sait que les premières minutes sont primordiales et que des personnes étaient en train de mourir ? Y a-t-il eu des manquements ? Pourquoi un tel chaos ? C’est ce procès-là qu’il faudrait mener ! Qui a manqué à sa tâche et à ses responsabilités: l’aéroport, les services de secours, la sécurité, l’État… aucun d’entre eux n’est poursuivi dans ce dossier."
Dossier : attentats du 22 mars 2016 à BruxellesPlus qu’une condamnation de l’un d’eux, la Tournaisienne attend que les leçons soient tirées de cette catastrophe et que des procédures soient mises en place afin que tout cela ne se reproduise plus et ne coûte la vie à d’autres personnes. "Au niveau de la gestion de crise et de l’intervention des services de secours, il faut pouvoir réagir plus rapidement, ne serait-ce que pour sauver une personne en plus, insiste Caroline Leruth. Une vie, c’est une vie ! Il y a aussi la question du terrorisme et de l’endoctrinement sur laquelle il faut se pencher activement. Combien y a-t-il encore de Salah Abdeslam dans la nature ?"