Tournai: le florilège des albums d’Edmond Messiaen (1875-1950), plus fort qu’une madeleine de Proust
Le 28 novembre, paraîtra un ouvrage intitulé « Florilège des albums photographiques d’Edmond Messiaen ». Pour les passionnés de Tournai, ce sera Noël avant l’heure…
Publié le 24-10-2022 à 12h21 - Mis à jour le 24-10-2022 à 12h24
Messiaen. Tout Tournaisien d’un certain âge associe ce nom à "photographie" même si les Messiaen furent aussi, on le sait, dessinateurs et peintres.
Il y eut Jules (Papa Jules, 1869-1956), Edmond (1896-1955, décédé un an avant son père donc) et à nouveau Jules (Julot, 1922-1990). Tous trois ont photographié les familles mais aussi la ville et ses environs sous toutes leurs coutures.
Douze albums signés Messiaen et consorts
Voici une bonne vingtaine d’années, notre collaborateur Étienne Boussemart avait parcouru leurs archives (18 000 clichés) pour publier un premier ouvrage sur cette famille vaccinée avec un déclencheur et baptisée au révélateur.

Cette fois, c’est Bernard Demaire, à qui on doit déjà quelques ouvrages relatifs à l’histoire locale, qui s’est intéressé à un ensemble tout à fait particulier, pour ne pas dire unique en son genre: les albums photographiques d’Edmond Messiaen, intitulés "Autour des Cheonq clotiers"
Il s’agit de douze énormes albums (grand format, 6 kg chacun) comprenant pas moins de 4 500 photos de Tournai et du Tournaisis. Vues urbaines, paysages, personnages, métiers, actualités (on peut parler d’un véritable esprit de reporter-photographe avec une attention portée à l’humanité au quotidien), etc: les clichés ont été pris de 1880 à 1940 par son père Jules, par lui-même Edmond, mais aussi d’autres photographes tels René Desclée, Alfred Cambier, Édouard Wicart, et même Charles Vasseur pour les plus anciennes. Pas de mesquine jalousie d’artiste chez les Messiaen.
De la famille Messiaen aux Archives iconographiques du Tournaisis
"C’était pour Edmond Messiaen, explique Bernard Demaire, un hommage à son père." Et l’expression de ce qui comptait à ses yeux, de ce qui, selon lui, serait susceptible de ravir le regard paternel à l’approche du troisième âge…
Les sept premiers albums couvrent les années 1875-1925. Les cinq suivants vont jusqu’aux années 50, mais on sait qu’ils existaient déjà en 1940 puisqu’ils furent exposés en décembre de cette première année de guerre au "Cercle Artistique" (aujourd’hui maison de la laïcité).
Par la suite, cet ensemble d’albums fut acquis par Bernard Desclée (petit-neveu de René, cité plus haut) qui l’a lui-même cédé récemment aux Archives iconographiques du Tournaisis (AIT) dont il est le président.
Accomplir ce que les Messiaen auraient fait s’ils avaient disposé du matériel
Bernard Desclée et Bernard Demaire ayant déjà collaboré à plusieurs reprises, (le premier plutôt comme archiviste-historien et le second comme historien-rédacteur), il était logique que Bernard Demaire soit le premier à se plonger dans ces fameux albums. Ce que cet ingénieur agronome à la retraite, féru de techniques photographiques contemporaines, a fait avec gourmandise.
Il ne compte pas les heures passées à sortir le meilleur des photos en vue de l’impression (contraste, netteté…), à identifier les sujets, à dater les prises de vues, à les attribuer parfois. Et enfin, à oser une sélection de 340 photos pour réaliser un florilège qui soit accessible à tous.
Certains clichés présents dans ce florilège ne figuraient pourtant pas en l’état dans les albums Messiaen mais l’esprit y était. Ainsi lorsque plusieurs vues formaient un panorama, Bernard Demaire a accompli ce que les Messian et leurs amis auraient fait eux-mêmes s’ils avaient disposé du matériel nécessaire, il a homogénéisé les photos pour en faire une seule vue sans solution de continuité. Cela donne des panoramas à couper le souffle, comme celui des quais de l’Escaut en rive gauche.
Une sorte de mythologie
Le nombre de photos devant lesquelles on passerait des heures est considérable: c’est que beaucoup sont inédites, ou connues de très peu de monde.
L’intérêt c’est de découvrir la ville (et ses gens) telle qu’elle était à la fin du XIXe et dans la première moitié du XXe. Parmi les plus amusantes: celle d’un cortège de fausse inauguration du pont Notre-Dame dont la reconstruction a beaucoup tardé après la première guerre (ce sera la même chose après la seconde…).
Bernard Demaire a groupé les images par sujets qui sont autant de chapitres: panoramas, cathédrale, chemins de fer, halle aux draps/musée des beaux-arts, Tournaisiens statufiés, garde civique, 1914-1918, pompiers, foi, 75 ans indépendance, marchés, braderies et réjouissances, cortèges et expos, ponts, meetings aériens, voitures, petite rivière, faubourgs et villages… Et encore quelques hors thèmes.
C’est le propre des photos anciennes de susciter de la nostalgie. Comme la Madeleine de Proust. Devant un tel ensemble, on serait tenté de parler d’une mythologie tournaisienne, un peu comme si notre mémoire précédait notre venue au monde.
« Florilège des albums photographiques d’Edmond Messiaen sortira de presse le lundi 28 novembre. La publication du livre sera accompagnée d’une expo à l’office du tourisme de Tournai. Ce volume est le huitième d’une collection destinée à valoriser les collections de « Archives iconograhiques du Tournaisis ». 208 pages, richement illustrées. En prévente: 35 €, édition luxe 55 €. Ensuite: 40 et 60 €. Plus d’infos en faisant une recherche « marottes de retraités »