Le Tournai d’avant: sang et fureur sur les vitraux de la cathédrale
Cité royale des Mérovingiens, Tournai jouera un rôle, court mais important, dans l’histoire de ces rois barbares successeurs de Clovis. Tableaux et vitraux racontent dans la cathédrale...
Publié le 16-03-2022 à 11h00
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Dans les tableautins de pierre blanche du porche de sa façade et dans les vitraux dits "des privilèges" au transept sud de la cathédrale de Tournai, des scènes de bataille illustrent un fait historique avéré mais inusité dans un sanctuaire voué à l’amour de Dieu et du prochain. Mais l’Église y avait grand intérêt.

La chronique parcourt le sixième siècle durant lequel les successeurs de Childéric ne cessent de s’entre-tuer. Car ces Mérovingiens sont des Francs dits Saliens et ont gardé leurs traditions malgré leurs contacts avec Rome. Ainsi, à la mort du souverain, son royaume dont il est propriétaire est divisé entre ses fils (les filles ne comptent pas). D’où revendications, procès et combats si l’un s’estime lésé.
Autre constat, le peu de cas fait de la vie humaine. L’épisode du vase de Soissons de Clovis n’est qu’un faible exemple. Enfin, ces rois changent de femme… comme de chemises; ils ont épouses secondaires et maîtresses attitrées; comme certains les rois de France.

Ensorceleuse
Dans ce contexte de rois et reines, c’est une simple esclave teutonne qui tient le premier rôle et a une influence décisive sur les événements. Frédégonde, née à Montdidier vers 545 n’a pourtant pour elle que sa grande beauté…. et sa rouerie.
À la mort de Clotaire 1er (561), ses quatre fils (petits-fils de Clovis) dépècent son royaume. Deux demi-frères interviendront à Tournai. Né Vers 436 de la Reine Ingonde, Chilpéric 1er (auxiliaire courageux) reçoit la Neustrie dans laquelle se trouve Tournai. Sigebert (brillant de victoires), né en 535 de la Reine Aregonde, obtient l’Austrasie, soit la Champagne, les contrées du Rhin et de la Meuse; il bénéficie d’une instruction soignée, parle le latin, un peu de grec et d’hébreu.

Ils courent ensemble les campagnes, tuant et rançonnant sans vergogne. Mais, en 566, le mariage de Sigebert avec Brunehaut (ou Brunehilde), fille d’un roi wisigoth, est prétexte de telles fêtes et d’espoirs en l’avenir que Chilpéric se met aussi en quête.
Pourtant, il a une épouse, Audowère, et, plus proche encore, Frédégonde, laquelle revient à son statut de servante lorsque son amant convole avec Galswinthe, sœur de Brunehaut, pourtant réticence (567).
Le couple file le parfait amour puis Chilpéric retrouve Frédégonde. Galswinthe gêne, elle est étranglée peut-être même par son époux en 568.
Guerroyer, assassiner
C’en est trop pour Brunehaut (qui mourra après trois jours de supplice, le corps attaché à la queue d’un cheval indompté en 613), dont le chagrin se double de vengeance. Elle incite son mari Sigebert à déclarer la guerre à Chilpéric. Les deux clans s’affrontent durant des années, pillant à qui mieux mieux villes et villages.

Dès 573, Sigebert a renforcé son armée avec les tribus sanguinaires d'outre-Rhin, Bavarois, Alamans, Saxons "manieurs de haches d'armes lancées, de javelots à crochets attirant l'adversaire". Le dénouement se fixe près d'Angoulème où, commandant l'armée nervienne, Théodobert, fils de Chilpéric, est battu et tué.
Les armées remontent vers le Nord. Chilpéric s’enferme dans Tournai, Sigebert monte son camp à Vitry-en-Artois après un siège peu convaincant de Ty et où les anciens amis de Chilpéric le hissent sur le pavois.
Intervient une fois encore Frédégonde; elle accouche d’un garçon à Tournai mais surtout elle arme deux sicaires pour aller tuer le roi ennemi. Ce sera fait, au scramasaxe, en 575.

Son royal amant sera bientôt son époux qui devient roi tant de Neustrie que d’Austrasie (+ 584). Quant à l’ambitieuse, elle finira ses jours à Paris en 597.
Mais pourquoi l’Église tenait-elle tant à rappeler ces faits sanglants?