Festival Ramdam à Tournai : "La Belle Verte" n'est pas morte !
Assassiné par les critiques lors de sa sortie en 1996, "La Belle Verte" de Coline Serreau retrouve aujourd’hui une seconde vie, faisant écho plus que jamais à l’actualité.
Publié le 26-01-2022 à 06h00
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Le Tournai Ramdam Festival jette un coup d'œil dans le rétro, il y a pile 25 ans. Invitée d'honneur de cette 12e édition, la cinéaste française Coline Serreau a (re)présenté au public La Belle Verte, l'un de ses longs-métrages, sûrement le plus décrié de toute sa carrière. Après notamment le succès de Trois hommes et un couffin, couronné trois fois d'un césar, la réalisatrice "dérange" avec une comédie qui dénonce les aberrations de notre société de consommation.
Quelque part dans l'univers existe une planète Verte où les habitants évolués et égalitaires vivent en parfaite harmonie. Ils consacrent leurs journées aux jeux du corps et de l'esprit, aux récoltes ainsi qu'à des concerts de silence. Aucune place n'est laissée à l'industrialisme ni au capitalisme. Tournés de manière parfois loufoque sur du Jean-Sébastien Bach, les contrastes sont frappants lorsque Mila, incarnée par Coline Serreau elle-même, atterrit sur Terre comme une sorte de messagère, en pleine métropole parisienne. La population carnassière ne communique pas, la pollution empuante l'air, le bruit causé par les automobiles est insupportable et "on n'a rien sans monnaie, même pas de la nourriture".
«La Belle Verte est un film mort»
Il ne faut pas longtemps pour que le film paraisse comme un désastre commercial. Dès sa sortie dans les salles, le distributeur annonce que "La Belle Verte est déjà mort". S'ensuit dans les médias une pluie de critiques. La réalisatrice est également sujette à la censure. "Avant, la scène appelée ''Téléarc'' figurait au projet. Quand je l'ai écrite, l'un des ex-présidents de la Fondation Arc pour la recherche sur le cancer s'est fait arrêter pour malversation financière. ''Téléarc'' ressemblait un peu à ''Téléthon''. La scène se moquait en fait du charity-business. Il y a eu un procès que j'ai perdu et cette partie a été censurée. Mais des malins sont parvenus à la récupérer et je la vois souvent circuler sur Internet".
Pour la réalisatrice qui a travaillé quatre ans sur ce long-métrage, l'accueil a été douloureux, mais elle s'est vite relevée de cette déconvenue. "Il faut apprendre d'un échec. Je ne tourne pas pour l'argent ou la gloire. Il y a de toute façon une évolution. Les gens s'approprient le film à leur manière".
Synchrone avec le festival
La Belle Verte a été perçu comme une "blessure narcissique". À l'époque, on ne parlait pas encore des problématiques évoquées. Était-ce une fable écolo et incisive, en avance sur son temps? Le film résonne en tout cas aujourd'hui différemment, à l'heure où des manifestations s'organisent contre le changement climatique. Comme soulevé par un spectateur après la projection, "il y a dans ce long-métrage ce qui ne va pas, mais aussi ce qui va. Il y a des mouvements positifs, de la création. Ce film est synchrone avec la volonté du Ramdam d'apporter cette année un message d'espoir". Il s'adresse à Coline Serreau: "Je trouve très intéressant de constater qu'il est important de croire à ce qu'on fait. Ça finit tout le temps par payer, même 25 ans après".