Le Ramdam festival a levé le voile sur la puissance meurtrière des pesticides
Les festivaliers ont été confrontés à la puissance meurtrière des pesticides et à la violence des lobbies qui défendent les industriels.
Publié le 20-01-2022 à 06h00
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France, Patrick et Mathias. Trois visages, mais surtout trois vies diamétralement opposées et trois destins qui n’auraient jamais dû se croiser. C’était sans compter sur les pesticides; des substances controversées qui, qu’on le veuille ou non, ont un impact (plus ou moins lourd) sur notre vie. Et on ne peut que s’en rendre compte après avoir découvert "Goliath", le troisième long-métrage de Frédéric Tellier. Grâce à un travail ultra-documenté (7-8 ans de recherches et d’accumulation de documents), le réalisateur français lève le voile sur les coulisses du pouvoir et le pouvoir des lobbies au travers du cynique Mathias et de ses plaidoyers huilés à l’extrême. Tour à tour, Frédéric Tellier nous invite dans la famille de France, qui se bat corps et âme pour dénoncer les pratiques des groupes phytosanitaires et de certains agriculteurs, et nous permet de tenir compagnie à Patrick, avocat sombre et solitaire, spécialisé en droit environnemental. France et Patrick ont vécu de près les ravages causés par l’usage des pesticides dans les cultures et n’ont qu’un seul objectif: les faire interdire. Un combat loin d’être gagné d’avance au vu des intérêts économiques, politiques et financiers qui se cachent derrière ces substances et l’industrie qui les produit.
Avec le concours d’un brillant casting (dont notamment dans les rôles principaux Gilles Lelouche, Emmanuelle Bercot et Pierre Niney), Frédéric Tellier offre un film révoltant qui fait place à de vives émotions, mais surtout qui interroge.
Les questions ont d'ailleurs été très nombreuses lors du débat qui a suivi cette avant-première mondiale. Si Yannick Renier (qui joue le mari de France à l'écran) a un peu parlé du film, ce sont surtout les pesticides qui ont fait parler d'eux. Une problématique étudiée depuis 40 ans par le professeur Bruno Schiffers, ingénieur agronome spécialisé en protection des végétaux. À la tête du laboratoire de phytopharmacie de Gembloux Agro-Bio Tech jusqu'en 2018, il a découvert le film en même temps que le public su Ramdam festival. Et on peut dire qu'il ne tarissait pas d'éloges. "Ce film pose les bonnes questions, présente des chiffres étonnement exacts et montre bien la face cachée du lobbyisme et de ces gens – pas méchants – persuadés de ce qu'ils font, mais totalement déconnectés de la réalité", a commenté le scientifique qui a côtoyé durant de nombreuses années les lobbyistes défendant les géants de l'agronomie.
Ainsi, il a rappelé de nombreux chiffres qui nous concernent au premier chef. "Ce qui est le plus choquant, particulièrement en Belgique, c'est l'espèce de collusion qui existe entre les intérêts des industries agrochimiques et l'administration qui soutient bec et ongles ces sociétés. C'est interpellant, surtout quand on sait que la Belgique, c'est 4,6 kg de substances actives à l'hectare; soit une utilisation très intensive des pesticides. De plus, il n'existe pas, sur notre territoire, d'observatoire pour la Santé des agriculteurs. Ceux-ci sont laissés à eux-mêmes et ne sont pas suivis par les médecins. Il n'y a donc pas de statistiques en ce qui les concerne et, en Belgique, on refuse d'inscrire certaines pathologies dues aux pesticides comme maladies professionnelles." Au regard de tous ces éléments, Bruno Shiffers estime que la Belgique est loin d'être progressiste. "C'est même plutôt le contraire car, comme en France, et malgré les obligations de l'Union européenne, l'usage des pesticides ne cesse d'augmenter."
Le film est encore programmé dimanche 23 janvier à 8 h 45. Infos et réservations: www.ramdamfestival.be