Un regard d’ado transperce l’affiche du Ramdam Festival
L’affiche du Ramdam Festival ne laisse personne indifférent. Derrière sa réalisation, il y a une histoire hors du commun à raconter…
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Publié le 24-01-2020 à 10h00
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L’affiche fait le job. Elle interpelle. Pas seulement sa cible, mais tous ceux qui la voient en ville ou sur un support promotionnel. Le regard de l’enfant ou de l’adolescent, du garçon ou de la fille, on ne sait pas trop, a ce petit quelque chose qui a le don de vous mettre mal à l’aise.
Des visages, des regards en particulier, illustrent l'affiche du Ramdam depuis cinq ans. «Parce que notre festival propose de regarder le monde de plein de façons différentes», témoigne Éric Derwael, le commissaire général. Avec son équipe, il choisissait la photo des dernières éditions dans un catalogue d'agences de publicité, ou directement auprès de photographes professionnels. Pour la toute première fois, le festival a réalisé son propre shooting photo pour l'affiche et le spot vidéo de l'édition 2020.
Une aventure
La pâleur glaçante de l’adolescent sur l’affiche offre un contraste saisissant avec le visage rayonnant qu’il avait il y a quelques jours lors du vernissage d’une exposition mettant trois artistes à l’honneur, dont «sa» photographe, la Slovaque Evelyn Bencicova.

Neuf mois plus tôt, en mars 2019, Florence Rasson, la galeriste qui accueille l’exposition, accompagnait Éric Derwael à Bruxelles pour une exposition collective d’artistes belges et internationaux. C’est là qu’ils ont repéré le travail d’Evelyn Bencicova.
«On n'ignorait pas que cette idée de shooting serait une aventure. Ainsi, avant de lancer le projet, il fallait s'accorder sur un montant financier raisonnable. Parce qu'un shooting engendre pas mal de frais, notamment les frais d'avion de l'artiste qui vit actuellement à Berlin», indique M. Derwael. «La photographe est encore jeune, je ne suis pas certain que nous pourrions nous aligner d'ici un an ou deux parce que son travail commence à être reconnu au niveau international, jusqu'à New-York où elle travaille beaucoup actuellement».
400 modèles au casting
Il restait à choisir un mannequin pour le shooting photo. L’agence de casting avait proposé un catalogue de quelque quatre cents modèles. Le choix s’est porté sur un jeune comédien de 14 ans, Thadée Koener.
Le hasard fait parfois bien les choses. Nancy, sa maman, domiciliée à Bouillon, connaît bien notre région pour y avoir fait ses études de graphisme à Saint-Luc.
C’est la première fois qu’elle était de retour à Tournai depuis quinze ans. Quinze ans plus ou moins après avoir entendu pour la première fois, parmi ses connaissances de l’époque, le prénom Thadée qu’elle a donné à son fils.
700 photographies
Le shooting s’est déroulé l’été dernier à Herseaux dans le studio de Charly Desoubry. La photographe a pris sept cents photographies. Plusieurs séries de clichés, avec comme accessoires un casque, un oiseau, un masque, etc.
Une photographie de Thadée portant une cage de verre avec un petit oiseau enfermé était pressentie au départ. «Mais le comité de direction du festival a souhaité voir d'autres clichés et c'est une autre qui a finalement été désignée», raconte Éric Derwael.
L’oiseau a joué un rôle complètement inattendu le jour du shooting
Le choix de la photo, image par excellence du festival, est un travail énorme, nous dit-il. «Il fallait trouver un consensus entre les cinq partenaires de l'organisation: un privé, le cinéma Imagix, et quatre institutionnels».
Pour l’anecdote, le petit oiseau a joué un rôle inattendu le jour du shooting en mordant les doigts du garçon quand celui-ci tenait l’animal entre ses mains. On le voit bien ci-dessous sur la vidéo-teaser réalisée par «Ours Blanc studio prod.»
Des petits pansements mis à deux doigts qui saignaient sont bien visibles sur la photo de l’affiche. Ce n’était pas prévu. Mais c’était une opportunité unique pour une photographe qui aime s’appuyer sur des scénarios narratifs et jouer à brouiller les pistes entre réalité et imagination.

Finalement, les pansements mis autour des doigts et le torse nu de l’adolescent renforcent une impression troublante d’extrême fragilité chez le sujet.
«L’affiche plaît à énormément de monde»
Une semaine après le début du festival, le comité organisateur est très heureux de son choix. «Je ne cache pas qu'il y a toujours un moment de stress au moment de la diffusion d'une affiche. Parce qu'on ne sait pas comment les gens vont réagir. Nous avons été vite rassurés: cette affiche plaît à énormément de monde».
Elle réussit particulièrement son objectif de déranger son monde aussi. «Pas mal de gens pensent que le modèle est une fille. Ce n'était pas voulu.
On a eu quelques commentaires selon lesquels l'affiche serait tendancieuse parce qu'elle montre un enfant androgyne, voire qu'elle ferait l'apologie de la pédophilie. Mais la toute grande majorité du public a bien reconnu un magnifique travail d'artiste».