Pont des Trous: si l’Unesco s’en mêlait?
Icomos, qui fait office d’organe consultatif pour l’Unesco, a été saisie d’une demande d’alerte patrimoine concernant le pont des Trous.
Publié le 11-07-2018 à 09h19
Pierre-Emmanuel Lenfant, à la fois juriste (UCL) et archéologue (Lille et Paris 1) a déposé auprès d’Icomos à Paris, un document préparatoire à une «alerte patrimoine». Objectif: que cette instance internationale reconnue comme organe consultatif pour l’Unesco pèse de tout son poids pour forcer une réouverture des débats sur l’avenir du pont des Trous. Que l’Unesco brandisse un carton rouge à l’égard du projet actuel…
De quoi se compose le dossier (30 pages de textes et 50 d’annexes)? D’un rapide historique de ce qu’est le pont des Trous. D’une contextualisation des travaux actuels sur l’Escaut. Des différentes pistes suivies en ce qui concerne le pont des Trous (et notamment le décalage entre ce qui a fait l’objet de la consultation populaire et le projet en cours. D’une demande de traitement en urgence en raison de la volte-face du ministre di Antonio.
Dans un courrier qu'il nous transmet, M. Lenfant écrit à ce propos: «En date du 21 novembre 2013, le ministre wallon Carlo Di Antonio (cdH) soutenait qu'«On ne touchera pas au Pont des Trous sans garanties», le même ministre est revenu sur la parole donnée en déclarant le 5 juillet 2018 que les travaux auront bien lieu même si la France décidait de ne pas financer l'élargissement du canal Seine-Nord Europe! L'administration wallonne est-elle à ce point forte qu'elle est à même d'infléchir la position d'un ministre? En tous les cas, un tel revirement pose question.»
«Pas contre une évolution du bâti»
Pierre-Emmanuel Lenfant rappelle que le groupe qu’il forme avec d’autres défenseurs du pont des Trous n’est pas opposé aux travaux sur le pont, nécessité économique faisant loi.
«Notre approche n’est pas celle de conservateurs «poussiéreux» comme d’aucuns aiment à l’écrire. Nous n’avons jamais été réfractaires à une évolution du bâti, mais cette dernière doit impérativement se faire dans le respect de ce qui définit une porte d’eau médiévale: trois arches en arc brisé, courtine et aspect fortifié. Notre approche se veut résolument ouverte sur demain. Or, le projet actuel sacrifiera Tournai sans qu’aucune compensation réelle ne lui parvienne.»
Simplement: ne pas éliminer une image de sept siècles
M. Lenfant justifie l'attachement à la forme du pont par ce qu'est le pont des Trous en lui-même et par la place qu'il a prise dans l'imaginaire collectif depuis des siècles. « Le pont des Trous est non seulement un édifice remarquable de par sa rareté et l'histoire qu'il véhicule, mais aussi en raison de sa participation à la définition même de l'identité culturelle locale. La communication faite par la Ville de Tournai est sans équivoque possible: «Le pont des Trous est l'un des plus prestigieux vestiges de l'architecture militaire médiévale de notre pays». Au-delà de la pierre, il y a aussi l'esprit. C'est en effet par l'entremise de ce monument que des générations de citoyens se revendiquent Tournaisiens. Aux côtés du beffroi et de la cathédrale Notre-Dame, il incarne cette vue qui illustre le mieux notre ville. Il offre une perspective où entre ses deux tours se dessine un panorama unique: celui d'un édifice rendant hommage à la ville, sa cathédrale et son beffroi. Il constitue l'élément emblématique définissant l'âme des Tournaisiens.»
Au passage, M. Lenfant rappelle que le pont des Trous se situe dans ce qu’on appelle le périmètre unesco du beffroi. Un élément qui a de quoi sensibiliser Icomos à la cause que défend M. Lenfant.