Tournai : Aman, un réfugié érythréen sur les traces de Biniam Girmay
Aman Zeremiram a quitté l’Érythrée il y a deux ans avec l’idée de taper dans l’œil d’une équipe et devenir cycliste professionnel.
Publié le 01-03-2023 à 16h15 - Mis à jour le 01-03-2023 à 16h16
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Aman Zeremiram a parcouru plusieurs milliers de kilomètres, connu la prison et bravé la Méditerranée sur frêle esquif en s’accrochant à un rêve: devenir coureur cycliste professionnel. "Je suis arrivé au centre Croix-Rouge de Tournai en août 2022. Mais j’ai quitté ma mère, ma famille et mon pays en février 2021", se souvient le jeune homme.
Son périple a été long et particulièrement difficile, marqué par quinze mois d’emprisonnement en Libye. "Je suis resté jusqu’à 12 heures dans la mer avant d’être attrapé et d’être mis en prison." À sa troisième tentative, Aman parvient à rejoindre les eaux territoriales italiennes et pose ainsi pour la première fois le pied en Europe. Son rêve commence à prendre du volume. Rien ne le détourne de la raison qui l’a poussée à quitter l’Érythrée: "J’ ai décidé de rejoindre la Belgique pour me donner toutes les chances de courir avec les tout meilleurs ", poursuit Aman.
Avec le maillot de "Bini"
Son coup de pédale est prometteur et s’apparente plus à celui d’un grimpeur qu’à un coureur explosif, comme Biniam Girmay. Le hasard fait parfois bien les choses, Aman a été dirigé vers le centre d’accueil de Tournai, ville du siège de l’équipe Intermarché-Circus-Wanty, où officie avec un certain brio son illustre aîné. Le jeune Érythréen a ainsi pu échanger avec "Bini" au téléphone. D’ailleurs, le lauréat de Gand-Wevelgem 2022 lui a donné une tenue.

Girmay n’est pas le seul à lui tendre la main. À Tournai, les locaux ont saisi toute la détermination qui anime le jeune homme. Après un an et demi de voyage, Aman est remonté sur un vélo. "C’était un Peugeot en acier prêté par le club Audax Tournai", précise Cyril Pélerin. Chargé de communication au sein de la formation Intermarché-Circus-Wanty, le Tournaisien lui a donné un vélo plus récent et l’assiste activement dans la recherche d’une équipe.
Trop âgé pour les juniors
Né en décembre 2004, Aman est espoir première année. À quelques jours près, il aurait pu courir chez les juniors durant un an, "ce qui aurait probablement facilité son intégration dans une équipe de notre région, estime Cyril Pélerin. C hez Wanty, nous en avons une. Il a pu passer des tests avec les juniors, mais il ne peut pas rejoindre l’équipe puisqu’il est trop âgé. Aujourd’hui, on cherche dès lors une team espoir qui accepte d’évaluer son potentiel et de l’intégrer dans ses rangs, s’il arrive à faire ses preuves."
Ce n’est qu’en étant épaulé qu’Aman Zeremiram pourra alors suivre la trajectoire de ses pairs, les pionniers du cyclisme érythréen qui sèment de belles promesses en Europe depuis quelques années…
"L’Érythrée est un pays de vélo"
Aman est originaire de Barentu, "une région opposée à celle de la capitale Asmara, plus riche et où les cyclistes ont plus de chance d’être découverts ou recrutés", explique le jeune demandeur d’asile. "Malgré tout, il y avait des courses tous les samedis et tous les dimanches. C’est là que j’ai appris à rouler et que j’ai réellement pris goût au cyclisme. C’est encore là que j’ai compris que je voulais devenir un coureur professionnel. L’Erythrée est une vraie terre de vélo."
Son modèle ? "Daniel Teklehaimanot, répond Aman du tac au tac. J’aime beaucoup Biniam Girmay car c’est le plus grand champion de l’histoire de notre pays et il m’a donné une tenue. Mais je m’identifie moins à lui car il vient d’Asmara." Daniel Teklehaimanot est le premier noir africain à avoir pris le départ du Tour de France avec son compatriote, Merhawi Kudus. Cette année, le phénomène Biniam Girmay y sera aussi. En attendant peut-être Aman Zeremiram…