Pierre Alain: "Cette Grand-Place a tué l’âme et le cœur de Mouscron"
Si cela ne tenait qu’à lui, l’artisan de la Place aurait continué. Il se confie "avec mon cœur et sans rancœur", pointant le contexte actuel qui n’aide pas mais aussi la Ville qui a posé et pose toujours de mauvais choix que nombre de commerçants déplorent.
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- Publié le 09-06-2023 à 15h51
- Mis à jour le 09-06-2023 à 16h01
Pierre Alain Gabriels a atteint l’âge de la retraite. Si l’artisan boulanger pâtissier chocolatier aurait bien joué les prolongations durant quelques années encore, l’arrêt de son activité et la fermeture de son magnifique écrin ayant pignon sur la Grand-Place de Mouscron, cette semaine, a donné un énième coup de massue à la dynamique commerciale de l’entité. "Je n’avais pas de date arrêtée mais, à un moment, il faut savoir prendre sa décision…"
Outre sa propre interruption, l’homme déplore aussi une fin de parcours imposée pour ses deux boulangers, ses deux pâtissiers, son chauffeur/livreur et ses trois personnes qui travaillaient à la boutique située à l’entrée de la Petite rue, "et j’ai tenu à payer tous mes fournisseurs mouscronnois avant de cesser le travail".
Pour justifier cette fermeture, il évoque la même petite musique que ses confrères: le Covid "qui a plombé l’ambiance", puis "La crise énergétique vécue comme une grosse claque dans la gueule", provoquant l’explosion du prix du beurre, du sucre… "J’ai cru qu’ils s’étaient trompés en voyant la facture ! Mais on ne pouvait pas se permettre d’augmenter le prix de nos produits comme on nous le suggérait. Déjà en francs, une augmentation de 50 centimes était scandaleuse aux yeux des clients. Alors 50 centimes d’euro, allez imaginer… Comment lutter face aux grandes surfaces qui n’ont pas joué le jeu puisque c’est un vrai produit d’appel ?"

Mais la mort de son commerce comme celle de nombreux autres, il l’attribue surtout à la nouvelle Grand-Place: "C’est à partir du moment où les travaux ont été terminés qu’on a constaté le déclin commercial. La Ville nous a dit "On aura une belle Grand-Place, ça va marcher plus fort !"Avec son magasin situé en face de la boulangerie, Ghislain Hubaux m’avait dit "Tu verras le flop !" Il avait raison. Je suis impacté mais je pense aussi à la Petite rue, notamment au boucher Michel.
Certes, cette Grand-Place n’était plus terrible mais il fallait juste la rénover, tout en lui laissant absolument son sens de circulation tel qu’il existait. J’avais notamment dit d’aller s’inspirer de la Place d’Ath où la circulation fonctionne… Mais les fonctionnaires ont pensé le résultat actuel plutôt que d’écouter les commerçants qui connaissent le contexte. J’ai tout vu, j’ai tout connu en près de 40 ans. On allait sur la Place de Mouscron pour prendre le pouls. C’était l’âme de la ville, à défaut d’avoir un bâtiment ou un lieu emblématique. Aujourd’hui, on a l’impression qu’elle est en état de léthargie permanente, les gens préfèrent la contourner, ils n’y viennent plus…"

En ayant coûté des millions€ et alors que le résultat est déjà à contre-courant de ce que tous les urbanistes du globe préconisent avec le réchauffement climatique, par son aspect quasiment minéral à 100% réchauffant la ville, revenir en arrière relève de l’utopie. Soit. Mais l’autorité communale s’obstine dans les incongruités, souffle Pierre Alain qui ne prend qu’un seul exemple: les marchés. "Le samedi, plutôt que de le mettre sur la Place, on va nous mettre le marché sur le parking Métropole, y supprimant le stationnement par la même occasion ! Pourtant, si un cœur de ville bat, c’est tout le corps qui vit…"
La suite ? Léon et les planches…

C’est chez son fils à la tête de "Léon est dans le pétrin" que Pierre Alain a accepté de se confier à livre ouvert. Moins de 500 mètres à vol d’oiseau séparent leurs deux boulangeries.
"Un glissement de la clientèle a été constaté d’un lieu à l’autre. Cette semaine, le travail n’a pas manqué pour mon fils, la 5e génération de boulangers de la famille. Mes arrière-grands-parents étaient déjà pâtissiers à la rue de Tournai. On est des gens du cru, je peux donc aujourd’hui dire ce que je pense car je parle de ce que je connais bien".
L’homme ne rechignera pas à passer ponctuellement aider son fils si c’est nécessaire "et tant que cela ira physiquement !", dit-il. Son temps, il l’occupera aussi avec le théâtre, "une nouvelle passion arrivée sur le tard. Je n’ai aucune formation mais je prends des cours à l’académie depuis trois ans".