Assises Hainaut : “La drogue n’était pas bonne, on voulait récupérer notre argent”, raconte Johnny Vanhoutte
Le Mouscronnois avait croisé Claudy Putman, en début de journée. Ils ont acheté de la drogue, de piètre qualité, à la bande Maestro qui s’était installée dans un immeuble du Bas Quartier. Un dealer français a été abattu d’un coup de feu.
Publié le 22-05-2023 à 14h39 - Mis à jour le 22-05-2023 à 14h40
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Le président de la cour d’assises du Hainaut a interrogé, lundi, Johnny Vanhoutte et Claudy Putman. Les deux hommes sont accusés de plusieurs vols avec violence, avec plusieurs circonstances aggravantes dont celle de meurtre, commis à Tournai.
La toile de fond de cette affaire est un énième trafic de stupéfiants entre le Nord de la France et La cité de Clovis. La bande Maestro, dont faisait partie Grégory Doucet, la victime, s’était installée dans une maison du Bas Quartier… Le 18 juin 2020, le citoyen de Tourcoing a trouvé la mort.
Claudy a perdu la mémoire
Claudy Putman raconte qu’il n’a pas une bonne mémoire, à la suite d’une tentative de meurtre dont il fut victime en 1996, dans un café. “Il y avait un contrat de 40.000 francs belges sur ma tête, car le commanditaire ne supportait pas que je sorte avec sa fille”, dit-il.
Le citoyen d’Antoing, père de famille, avoue avoir trempé dans la drogue, après son traumatisme crânien, avoir eu un contact avec un dealer, venu chez lui pour acheter sa moto. Ce dernier lui a refilé de l’héroïne. “Je suis tombé dedans, comme un con, et je n’ai plus jamais réussi à m’en sortir”, raconte le grand chauve. “Je ne consomme plus depuis mon entrée en prison, ça me dégoûte, j’ai détruit plusieurs familles”, dit-il.
Le premier accusé dans le box a un casier judiciaire assez fourni, mais pas uniquement pour des infractions en matière de stupéfiants. Il avait déjà connu la prison avant les faits.
Le gamin difficile de Mouscron
Johnny Vanhoutte a vécu avec sa maman et ses frères, dans un logement bon marché à Mouscron. Il n’a pas connu son père. Enfant difficile, révolté, il a été placé dans un foyer dès l’âge de dix ans, durant six années. “J’ai fait des conneries durant ma jeunesse, le juge est intervenu”, dit-il.
Le deuxième avoue que sa consommation de drogues en été un obstacle à son parcours de travailleur intérimaire. Le Hurlu qui vivait à Ath avant son incarcération, est aussi père de famille, et il a élevé le premier fils de sa compagne comme le sien. “Malgré plusieurs cures, je n’ai jamais réussi à décrocher de la drogue, cocaïne et héroïne”. Il vendait, au détail, à Tournai pour financer sa consommation.
Johnny a aussi un casier judiciaire bien fourni, “des faits liés à ma consommation”, dit-il. Johnny précise que le confinement et les problèmes familiaux l’ont fait plonger dans les enfers de la drogue, après une courte période d’accalmie.
Braquer un plan
Les deux hommes se sont connus dans le cadre des stupéfiants, il y a environ vingt ans. Claudy était le fournisseur de Johnny. “J’ai été braqué par un consommateur, c’est habituel à Tournai, j’avais une dette envers Claudy”, raconte Johnny.
Claudy conteste, déclarant qu’il l’a peut-être dépanné une fois ou deux, et qu’il avait assez d’argent, fruit de son travail, pour financer sa consommation, dix à quinze grammes de cocaïne par jour, à 28 euros le gramme.
Le 18 juin 2020, les deux hommes se sont croisés à la gare de Tournai, en matinée.. Johnny dit que c’était par hasard, pas Claudy. “On cherchait une consommation. On avait l’adresse du Bas Quartier. On y est allé, on a consommé dans l’auto de Claudy”. La téléphonie révèle qu’ils sont allés ensuite à Antoing, chez Claudy, avant de revenir à Tournai en soirée. “La drogue n’était pas bonne, on s’est fait arnaquer, on voulait récupérer notre argent”, poursuit Johnny. “Ce n‘était pas à cause de la qualité, on voulait une consommation gratuite”, rétorque Claudy.
Les deux hommes, habillés de noir, sont retournés au Bas Quartier “pour braquer un plan”, comme le dit Johnny. Les accusés étaient donc d’accord pour commettre un vol avec violence. “J’ai vu Claudy prendre son arme, pour faire peur car on avait entendu qu’ils étaient aussi armés, à la suite de braquages”, raconte Johnny. “Je voulais qu’ils soient coopératifs directement”, ajoute Claudy.
Le crime
Les deux hommes ont essayé d’enfoncer la porte à coups de pied, en vain. Ils sont alors passés par la fenêtre, qu’ils ont défoncée. “Claudy a surgi dans la maison, arme à la main. Les autres sont montés à l’étage, en criant : il a une arme ! J’ai pris la matraque qui était sur la table. Claudy s’est mis en bas des escaliers, réclamant la marchandise et l’argent. J’ai pris la drogue, une enceinte, une veste et un téléphone. J’ai vu qu‘ils détenaient une matraque et un taser, et je suis parti. J’ai fait demi-tour au moment du premier coup de feu”, raconte Johnny, qui conteste avoir détenu une machette, comme l’a déclaré un témoin.
Claudy confirme qu’il est entré le premier et qu’il a sorti son arme. “Quand je rentre, je ne vois personne, mais j’entends des pas dans l’escalier. Un jeune descend, Johnny lui demande l’argent. Il refuse et Johnny me dit de lui tirer dans la jambe. J’entends bute-le et je vois une arme en haut de l’escalier”, raconte-t-il.
Des coups de feu éclatent. “Je vois du feu devant moi et le coup part. J’espère, à ce moment-là, l’avoir touché aux jambes”, poursuit Claudy, ému.
Grégory Doucet, un dealer de Tourcoing, est abattu par une balle dans le thorax. “J’ai espéré que les autres appellent l’ambulance. Je n’ai pas vu une goutte de sang”, ajoute Claudy.
Les deux hommes sont ensuite repartis à Antoing, pour consommer et se partager le butin.
Le Breton braqué
Le 3 septembre 2020, ils ont commis un vol avec violence au préjudice d’un Breton, qui vendait sa drogue depuis son camion stationné à Tournai. Ils sont en aveux du vol avec violence. “Je l’avais déjà braqué deux fois auparavant”, avoue Johnny.
Le procès se poursuit toute la semaine. Les accusés encourent la peine de réclusion criminelle à perpétuité.