Immobilier en Wapi: la ruralité en danger ? Les bourgmestres de Celles, Rumes et Mont-de-l’Enclus se confient
La campagne, qu’elle soit celle du Pays des Collines ou des plaines de l’Escaut, est désormais confrontée à des projets immobiliers conséquents. Entre la préservation d’un cadre champêtre et la réalité du marché de l’immobilier, les communes rurales sont confrontées à un fameux dilemme.
Publié le 26-03-2023 à 06h04
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Sévir ? Faire le dos rond ? Nous avons interrogé trois représentants de communes rurales, les bourgmestres de Mont-de-l’Enclus, Rumes et Celles.
Dans cette dernière, une demande de permis d’urbanisme a été déposée en février. Le projet présenté consiste en la construction de deux immeubles de 14 appartements et d’un ensemble de 8 habitations groupées.
Pour une commune de 5 600 âmes, le projet semble démesuré. Il sert de point de départ à cette réflexion élargie: l’habitat rural est-il en train de changer pour de bon ?
1.Celles:pas de projet inadapté à son environnement direct
"Un jour nous nous réveillerons et nos beaux paysages auront disparu. Est-ce bien raisonnable ? Ne pourrait-on pas proposer un projet qui s’inscrive mieux dans notre commune rurale ?". La réflexion vient d’un internaute cellois, voisin de la parcelle où se situe la demande de permis et inquiet de voir un projet pharaonique sortir de terre.
Du côté de la commune, on adopte évidemment un discours plus nuancé. "Concernant ce projet, il se situe à l’entrée du cœur de village de Celles, C’est un gros dossier mais situé sur une parcelle où l’habitat est plus concentré.", explique Michaël Busine. "Ce n’est pas sur ces constructions qu’on mettrait notre veto. À titre d’exemple, on a refusé un projet d’habitat groupé à Velaines, rue de la l’Haye parce qu’il serait entouré de maisons quatre façades et donc, inadapté à son environnement proche."
Le bourgmestre cellois avoue que sa commune fait face à un "changement de paradigme ". Celle, comme d’autres entités rurales, est de plus en plus confrontée à des promoteurs qui raflent la mise sur des terrains à bâtir. "Leur but ? Que leur projet soit rentable, donc ils rentabilisent au mieux la surface disponible. À Celles, il n’y a pas de schéma d’urbanisme, mais on est garant de notre territoire et on met des garde-fous."
L’offre et la demande, comme souvent
Tout l’enjeu réside dans l’équilibre entre la préservation du cadre de vie et la viabilité financière. "Si l’offre n’augmente pas, les prix vont grimper et ne permettront pas aux locaux d’acheter dans leur commune. Il faut trouver le meilleur compromis. L’avantage, c’est que la commune (par l’intermédiaire du Collège communal) garde le dernier mot sur du terrain à bâtir."
2. Mont-de-l’Enclus:"garantir un cadre de vie"
"Dénaturer un village pour le transformer en mini-ville ? Certainement pas ", répond Jean-Pierre Bourdeaud’huy. Le bourgmestre enclusien est sans doute l’un des plus acharnés lorsque pointe la question du cadre de vie. À Orroir, un important projet immobilier a vu le jour récemment (10 habitations à l’angle de la place d’Orroir et de la rue Profondrieux). D’autres sont dans les cartons. "Généralement, on ne réfléchit pas aux conséquences comme le stationnement. Dix logements, ça fait potentiellement vingt voitures ", estime l’élu.
La pression immobilière est de plus en plus forte et le bourgmestre de Mont-de-l’Enclus craint qu’un décret wallon vienne durcir le ton. "À terme, tous les lotissements pourraient être conçus en habitat groupé pour empêcher une pénurie de terrains et permettre des économies d’énergie. On parle d’une échéance en 2025. Ça changerait la donne, Mais la commune continuera de se battre pour garantir une certaine qualité de vie et empêcher des projets qui n’ont rien à faire sur notre territoire. L’habitat groupé en ville ? Pourquoi pas, car les moyens de transport sont prévus pour cela. Avec un bus toutes les deux heures (ou pire) ici, le néo-résident enclusien ne peut pas faire sans voiture."
La commune a déjà refusé plusieurs projets dont une dizaine de logements dans une ancienne ferme et continuera visiblement sur cette ligne de conduite.
3.Rumes:"La pression immobilière, de plus en plus forte"
"La ruralité, c’est la campagne. Et la campagne, ça se soigne", avoue Michel Casterman. Le bourgmestre souhait que sa commune conserve une certaine maîtrise sur l’urbanisation. "C’est un vrai défi car la pression est de plus en plus forte. Les promoteurs ont en tête de rentabiliser leurs constructions, mais ils poussent souvent le curseur trop loin. Notre idée n’est pas de mettre le holà de manière ferme et définitive mais de revoir le projet à la baisse, en réduisant le nombre de logements par parcelle."
Le Rumois craint un autre dommage collatéral de ce nouveau type d’habitat: la cité-dortoir. "Aujourd’hui, il y a encore de la vie dans nos villages. C’est aussi ce qu’on veut préserver. Pour ça, il faut maîtriser notre densité, développer de manière équilibrer (un quartier durable à Taintignies) et se soucier de tous les détails liés aux nouveaux projets, dont le stationnement. Densifier les centres de villages, c’est faisable. Mais évitons l’étalement. Notre ADN est celui d’une commune rural, il doit le rester, coûte que coûte."