Russe, Ksenia apprend le français à des familles ukrainiennes
Loin de la folie destructrice et du conflit armé, les expatriés russes de longue durée constituent une aide précieuse pour les ressortissants ukrainiens qui ont débarqué dans la Région. En Belgique depuis 7 ans, Ksenia se démène pour aider les familles ukrainiennes à mener une vie à peu près normale…
Publié le 20-02-2023 à 07h30 - Mis à jour le 20-02-2023 à 07h37
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Il y a 361 jours, Vladimir Poutine lançait "l’opération militaire spéciale" sur le territoire Ukrainien. Conséquence de l’escalade des tensions entre Moscou et Kiev.
La suite ? Des millions d’exilés qui ont quitté les zones de conflit pour l’Ouest de l’Europe. Un an après l’exode, certains ressortissants ukrainiens ont regagné leur pays. D’autres sont toujours en Belgique. C’est le cas de Nataliia et de sa famille, qui vit dans un des logements d’urgence mis à disposition par le CPAS d’Estaimpuis.
L’Ukrainienne a débarqué dans l’entité un soir de mars 2022, sans parler un seul mot français. Comme d’autres exilés, elle a pu compter sur une bonne étoile. Ksenia Devos est Russe, contrairement à ce que laisse penser son nom de famille. Née dans la région de Sotchi, elle a fait sa vie à Mouscron par amour et a troqué son nom de jeune fille (Potatueva) par un autre, bien belge. "Pendant huit ans, je venais tous les étés en Belgique. Et depuis sept ans, je vis ici", précise l’intéressée.
De traductrice à psychologue… et prof’
Si son nom ne vous est pas inconnu, c’est sans doute parce que Ksenia s’investit sans compter pour la cause animale en terre hurlue. Depuis un an et le début du conflit armé, elle est aussi traductrice bénévole et sert d’intermédiaire entre les Ukrainiens qui résident à Mouscron ou Estaimpuis et les locaux. "Je ne me sentais pas coupable d’être russe. Mais je voulais prouver que tous les Russes ne sont pas des gens méchants ou mauvais", explique Ksenia.
Pas coupable, évidemment, mais "redevable", estime-t-elle. "D’avoir eu plus de chance que les Ukrainiens qui ont dû fuir précipitamment leur pays et leurs proches."
Début mars 2022, la Mouscronnoise d’adoption s’inscrit sur le site de la Ville de Mouscron pour apporter modestement son aide. Ça tombe bien, les autorités locales ont un besoin urgent de forces vives pour gérer l’arrivée des citoyens ukrainiens. "J’ai commencé par la traduction. Ma maman vit à Mouscron et le fait aussi. Puis à force de nouer des liens avec les Ukrainiens que j’aide depuis bientôt un an, je ne suis plus seulement traductrice. Je deviens confidente, assistance sociale ou même enseignante. C’est un temps que je ne consacre pas à ma vie de famille, mais je ne me voyais pas rester les bras croisés alors que je peux aider. "
Samedi matin, Ksenia dispensait un cours de français à Nataliia et à sa belle -maman qui porte le même prénom. Elle se souvient de leur première rencontre. "Je me sentais obligée d’expliquer que j’étais contre l’invasion de l’Ukraine. Je me suis excusée pour tout le tort que l’armée russe inflige aux civils qui n’ont rien demandé. " Nataliia et sa famille ont tout de suite fait la part des choses.
"Une deuxième maman"
Aujourd’hui à Estaimpuis, ils ont quitté la région de Kiev quelques jours après la première offensive sur la capitale. "C’était la panique et l’hystérie. En arrivant ici, nous n’avons trouvé que des gens attentionnés et prêts à nous aider. On a logé dans une famille qui a tout fait pour nous rendre heureux et nous changer les idées. On se sent reconnaissant ", avoue Nataliia. "La moindre des choses était de faire le même effort pour s’intégrer. Parler français est indispensable pour être capable de vivre ici. On a envie de comprendre ce que les gens nous disent, de leur répondre."
Attentives, elles écoutent les conseils de Ksenia pour apprendre les rudiments de la langue de Molière. Les "Bonjour" timides sont remplacés par des phrases plus complètes. "Il faut dire qu’on a une bonne professeure", poursuit Nataliia. "Ksenia n’est pas qu’une traductrice, c’est un membre de notre famille maintenant. Comme une deuxième maman qui nous aide dans les démarches administratives et nous soutient moralement. " Aujourd’hui, les deux Nataliia ont trouvé du travail (elles œuvrent comme techniciennes de surface) et cherchent un toit pour pouvoir quitter le logement d’urgence du CPAS d’Estaimpuis. "Sans Ksenia, toutes ces démarches seraient vaines."
Dans le flou complet concernant un hypothétique retour au pays, Nataliia et sa famille vivent encore au jour le jour, sans se bercer d’illusion. Mais dans les moments difficiles comme dans le reste, Ksenia n’est jamais bien loin. À plus de 2 000 kilomètres du front, Russes et Ukrainiens ne se tirent pas dessus. Ils se tiennent la main…