Violence policière, rébellion ou les deux?
Un policier mouscronnois et un Tourquennois se sont retrouvés face à la juge Vanessa Laus pour revenir sur une scène de coups.
Publié le 20-09-2021 à 06h00
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Sur les bancs du tribunal, c'est une situation schizophrénique qui s'est présentée, les protagonistes étant tous deux prévenus et parties civiles puisqu'ils s'accusent l'un l'autre. Il faut remonter à la nuit du 1er au 2 septembre 2016 pour comprendre la scène. Alors que sa fille s'est fait agresser sur la Grand-Place de Mouscron, celui que l'on appellera David débarque en furie au commissariat. «Je voulais voir ma fille. Il n'y avait pas moyen de savoir ce qui se passait. La personne à l'accueil m'a ordonné de sortir du commissariat. Il m'a dit de retourner en France et m'a indiqué qu'il me mettrait au cachot. Un autre policier est sorti pour m'interpeller, mais j'ai refusé le menottage. Les policiers m'ont porté des coups de poing et ils m'ont étranglé. S'il y a eu un coup de ma part, c'était involontaire.»
Mais pour le policier que l'on nommera Pascal, la situation aurait été toute autre. «Monsieur s'énervait et parlait fort. Je me trouvais dans le sas avec deux collègues. À un moment, j'ai ouvert la porte et je lui ai dit d'aller se calmer dehors. Il a dit qu'il ne sortirait pas et qu'il faudrait aller le chercher. J'ai cru que le père de la victime allait m'agresser. Tout s'est ensuite enchaîné. Mon collègue et moi l'avons mis dans le coin pour le maîtriser. Il m'a saisi au visage. Mon collègue a tenté de lui faire un étranglement pour le maîtriser. Moi, je lui ai porté une gifle au niveau de l'oreille afin de le déstabiliser.»
Si les deux prévenus se rejettent donc la faute, la procureure regrette le caractère disproportionné de la scène. Elle se base notamment sur les images de surveillance. «C'est comme une BD, un roman-photo. Dans cette situation, on était clairement dans une situation de rébellion, David a mis la tête de Pascal dans le mur. Il y a eu des coups volontaires. Dans le suivi de l'histoire, on voit clairement que ce n'est pas une gifle main ouverte, mais que c'est un vrai coup de poing. Les coups volontaires sont établis.» Une peine de 4 mois de prison est requise pour les deux hommes.
«Pourquoi n’a-t-on pas rassuré mon client?»
À la suite de ces différentes prises de paroles, c'était au tour des avocats des deux hommes de prendre la parole. Le conseil de David débute: «Je me demande pourquoi on n'a pas simplement rassuré monsieur. On ne serait pas ici. Vous avez évoqué un roman-photo, il est complet, mais les arrêts sur image laissent un doute. J'ai vu la vidéo et ce n'est pas clair que la tête du policier heurte le mur. Par contre, la vidéo montre bien que Pascal donne un coup de poing et pas une gifle.» Une suspension simple est demandée.
«Ce n’est pas un acharnement»
L'avocat du policier a conclu les débats. «Nous sommes dans une situation avec une personne en furie et force physique importante, dans un milieu clos et dans une situation où tout se passe très vite. Sur les photographies, on voit qu'avant de donner un coup, mon client se fait étrangler, repousser, il veut que la situation s'arrête et il fait une frappe de déstabilisation. Dans les méthodes de défense des forces de police, on ne dit pas si la main doit être fermée ou ouverte. C'est une question de jugement. Il porte une frappe, ce n'est pas un acharnement. Elle aura l'effet escompté puisque monsieur pourra être maîtrisé ensuite. Dans cette situation, il a agi correctement face à une personne en furie.» L'acquittement du policier est demandé.
À noter également qu’après la scène, Pascal a volontairement écrasé par frustration les lunettes de David restées au sol, mais il a déjà été sanctionné en interne pour cet acte. Le jugement sera prononcé le 14 octobre.