Réfugié espagnol et briquetier
Atypique, le parcours d’Enrique Hernandez, ancien briquetier et Dottignien depuis presque toujours, l’est pour le moins…
Publié le 26-01-2021 à 06h00
De 1936 à 1939, la guerre civile d'Espagne oppose républicains et nationalistes, entraînant une dictature que dirigera Franco durant 36 ans. C'est dans ce contexte terrible, entraînant la mort de centaines de milliers d'Espagnols quelques mois avant la Seconde Guerre mondiale, qu'Enrique Hernandez (dit Riquet à Dottignies), alors âgé de 8 ans, ayant perdu son papa dans cette tourmente, embarque sur un petit bateau en compagnie d'un groupe de jeunes enfants afin d'échapper au massacre. «J'ai passé trois jours et trois nuits dans la cale du bateau, ne me nourrissant que du peu de nourriture emportée, de cacahuètes et oranges présentes dans la cale, nous dévoile M. Hernandez. Nous sommes arrivés près de Biarritz, recueillis dans une usine désaffectée. Très vite, ma mère a pu me rejoindre en compagnie de mon jeune frère Mario, heureusement. Notre groupe de jeunes a ensuite été déplacé vers Bruxelles, dans un petit château, bien plus accueillant, nous permettant de belles balades quotidiennes alentours.»
À la briqueterie, dès 14 ans!
Quelque temps plus tard, Enrique quitte Bruxelles pour Saint-Léger, recueilli par la famille Delignies. Le rejoindront là peu à peu sa maman, ses frères et sœur; la famille réunie finira par s'installer rue de la Loupe, à Dottignies. «C'est là, nous livre Enrique Hernandez, que j'ai rencontré M. Jacquart, voisin de notre famille, qui m'a proposé de travailler à la briqueterie de Warcoing. Je n'avais que 14 ans, et nous étions juste après-guerre! Au début, je me chargeais de «petits» travaux: dégager des fours à l'air les briques trop cuites et les casser. Le métier était «castard», dur à suivre, avec entre autres les brouettes hautes mais bien calibrées, aux roues de bois cerclées de métal, fabriquées par la fonderie Holvoet; mais encouragé par les aînés, j'ai pu suivre et franchir les étapes pour accéder aux tâches maîtresses: enfournement, cuisson et défournement des briques, qui demandaient surtout de l'habileté! »
De la passion, des amis…
Passionné par son travail, «Riquet» Hernandez est aussi devenu au fil des années l'homme de confiance de Robert Jacquart. Non seulement il allait recueillir les loyers des locataires de la rue Jacquart et d'ailleurs, mais il réparait et entretenait maisons et autres bâtiments, manuel hors pair. Toujours volontaire, il travaillera à la briqueterie d'Ere, dont M. Jacquart était aussi actionnaire. Insatiable, il y était cuiseur la nuit, et revenait par Warcoing, défournant jusqu'à midi. «Quelle belle ambiance de travail, de passion, et de forte amitié j'ai vécue, un demi-siècle durant», nous déclare, avec émotion, M. Hernandez, aujourd'hui âgé de 91 ans, qui fut le dernier artisan des briqueteries de Warcoing et d'Ere.