La Dame blanche veille sur un trésor - Auto-stoppeuse, fée, lavandière ou châtelaine, on la retrouve partout
Au Pays des Collines, cette légende universelle (tenace) du fantôme d’une femme vêtue de blanc s’est amarrée autour du château des comtes de Lannoy.
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Publié le 15-07-2021 à 06h00
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Contrairement au dessert glacé du même nom, la Dame blanche d’Anvaing a déjà été mise à toutes les sauces. On en doit la dernière déclinaison aux artistes chargés d’enrichir par leurs œuvres le Sentier de l’Amour: Mélanie Hoeltshi et Manon Blois, étudiantes à l’École Saint-Luc de Tournai, en ont livré une version futuriste en redonnant au spectre un visage, ou plutôt une multitude de visages puisqu’elle emprunte celui des randonneurs qui s’approchent de sa face bleutée. Comme dans les légendes relatives à une autre (ou une «notre») dame qui a donné naissance à des cultes mariaux à Montrœul-au-Bois et à Œudeghien, la statue est «voyageuse». Le public l’avait découverte aux abords des étangs du domaine des comtes de Lannoy, côté drève du Pureau, d’où elle a mystérieusement «disparu», avant de réapparaître une première fois, puis d’aller s’installer plutôt près du pont de la Rhosnes, au bas de la rue de la Gare (soit vers la fin du parcours dédié aux amoureux).
Elle sort des brouillards
Mais cette légende, que chaque Anvinois connaît dès l’école primaire, même si les versions divergent selon les interlocuteurs, que raconte-t-elle? On dit qu’elle est antérieure au château actuel:
Au temps des Croisades, un noble et puissant chevalier Quentin et sa Dame, Blanche, règnent sur la Seigneurie d’Anvaing. Blanche, douce, charitable, proche du peuple et aimée de tous, meurt prématurément. Son inconsolable époux la fait alors embaumer vêtue de ses plus riches atours, et condamne la porte de sa chambre. Puis, afin d’oublier l’indicible douleur causée par cette mort inopinée, il décide de partir en Palestine défendre le Saint Sépulcre. Avant son départ, il prend soin de cacher un coffre contenant son trésor, ses chartes et les bijoux de la châtelaine dans les douves du château. Durant son périple en Terre Sainte, le seigneur est accompagné d’un intendant retord, que le souvenir de l’immense fortune hante sans cesse. Il se débarrasse de son maître en le faisant basculer dans un abîme, puis prend, seul, le chemin du retour.
La nuit qui suit son arrivée au château, il monte dans une barque pour aller quérir les richesses. Le lendemain, on apercevra sur les eaux de l'étang l'embarcation à la dérive portant le cadavre du criminel. Depuis ce sinistre épisode, nul n'a pu jamais approcher le trésor caché: il se chuchote qu'un fantôme, qui a pris l'apparence d'une dame vêtue de blanc, les cheveux aux vents et la tête auréolée d'or, semble parfois sortir des brouillards. La Dame blanche continue à rôder autour des lieux les nuits de pleine lune…
L’histoire a inspiré des farceurs…
Dans son recueil «Collines mystérieuses», Jacques Vandewattyne raconte que cette histoire de fantôme a débridé l'imagination d'un de nos contemporains. Recouvert d'un drap de lit, il s'amusait à effrayer ceux qui, le soir, s'aventuraient par la drève du Château: «La police mit fin aux agissements du mauvais plaisant, et tout rentra dans l'ordre, mais oseriez-vous emprunter à pied, la drève, une nuit de nouvelle lune?» interrogeait l'auteur. En 2006 et 2007, le centre culturel a présenté sur le site du château un spectacle déambulatoire «La Légende de la Dame blanche», qui réunissait près de 80 acteurs figurants locaux, connut un énorme succès. À l'occasion d'un échange entre élèves de l'école d'immersion et d'un établissement d'Audenarde, un jeu de piste enrichi d'un quiz intitulé «Des fantômes à Anvaing» a permis par ailleurs à la légende de passer la frontière linguistique.
Quelle que soit sa forme, la Dame blanche se retrouve un peu partout en Europe, ainsi qu'au Québec et ailleurs en Amérique. Dans les pays anglo-saxons, elle est parfois associée à la Banshee, créature malveillante et au Mexique, on parle de la Llorana… En France, une évolution récente du mythe la présente sous l'allure d'une auto-stoppeuse drapée de blanc qui apparaît, la nuit, avant un danger routier. Une autre variété les imagine lavandières de nuit, avec leurs bruits de battoirs (le coassement de grenouilles?) annonciateurs de mort. Les racines de la légende de la Dame blanche, une cousine de la fée Mélusine, remontent au Moyen âge. Généralement, il s'agit d'une femme issue de la noblesse, décédée dans des circonstances dramatiques, revenant sous la forme d'un fantôme blanc errant dans ou autour de son château. Un lieu où elle est supposée garder un grand trésor, protéger un territoire, les habitants…
Le cinéma n’est pas resté insensible au mythe: «La Malédiction de la Dame blanche», un film d’épouvante de Michael Chavez, avec Linda Cardellini, est sorti en salles en 2019.