La cybercriminalité est aussi un fléau en Wallonie picarde: "Le coup classique, c'est une escroquerie sur Marketplace"
Les faits d’escroquerie sur le net se multiplient. Plus que jamais la vigilance est de mise car les stratagèmes sont de plus en plus élaborés.
Publié le 08-05-2023 à 06h00 - Mis à jour le 08-05-2023 à 07h51
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Ces derniers temps, les constats de piratage d’adresse électronique ou sur les réseaux sociaux se multiplient dans l’entité, comme partout ailleurs. Nous avons voulu en connaître davantage sur ce phénomène et interviewé l’inspecteur principal Jérémy Lepercq qui, avec l’inspecteur Thomas Titeca, est en charge de la cybercriminalité dans la zone de police de Comines-Warneton.
Combien de plaintes avez-vous reçu dernièrement ?
Depuis le 1er janvier 2023, nous en sommes à 35 plaintes en matière d’escroquerie sur le net. Il y a le piratage mais aussi les tentatives sur les contacts d’une personne dont le compte a été détourné. Pour ces 35 plaintes, le parquet a sollicité 31 suites d’enquête. Le reste a été regroupé sous une autre enquête. Les faits sont bien plus nombreux car certaines victimes ne portent pas plainte.
Pour 2022, on a totalisé 174 plaintes et 59 suites d’enquête ; ce qui représente 6% de notre travail quotidien. Les faits sont réguliers, avec deux ou trois plaintes par semaine, bien qu’il y ait l’une ou l’autre vague avec un modus operandi identique. Le coup classique: une escroquerie suite à une annonce Marketplace où l’on vous demande vos coordonnées bancaires pour faire venir une société de livraison.
Qui se cache derrière ces escroqueries ? Une personne ? Une machine ?
Il y a une personne car il y a souvent un appel téléphonique après un post Facebook, par exemple. C’est parfois même un faux contact d’une banque avec une invitation à payer telle ou telle taxe pour dédouaner un colis. À la base, c’est le fait d’être très connecté qui laisse des traces ; ces dernières permettent aux suspects de nous repérer et donc d’entrer dans nos vies.
Tout est orchestré par des organisations criminelles. Lors des formations que j’ai suivies, on parlait de plateformes dans des pays africains. Lors des recherches, on retrouve des adresses IP des pays de l’Est, mais grâce à certains programmes on arrive à les délocaliser, donc on ne connaît pas vraiment leur provenance. Les autorités font des demandes d’entraide internationale afin d’identifier les auteurs. Ces dossiers sont pris en charge par des équipes spécialisées. Il existe une Regional Computer Crime Unit, pour notre zone liée au parquet de Mons/Tournai, et une Federal Computer Crime Unit.
Le phénomène est-il en croissance ?
Tout à fait et c’est pourquoi tous les collègues de la zone de police ont été formés à recevoir ce type de plainte. On pense souvent que ce sont davantage les personnes âgées qui sont concernées, mais ce n’est pas forcément le cas ! En fait, ce sont les personnes qui laissent le plus de traces sur le net qui sont les plus susceptibles d’être arnaquées. Si on en revient aux annonces Marketplace, le fait que l’escroc donne des informations personnelles vous met en confiance et fait que vous acceptez d’utiliser votre boîtier bancaire.
Les modus operandi évoluent-ils ?
Il y a des vagues, mais l’idée est toujours de tenter tous azimuts et de voir qui tombe dans le panneau. Un exemple: sur Marketplace, il y a eu une période "stère de bois" où une annonce proposait des tarifs avantageux. L’idée est que le "client" ait l’impression de faire une bonne affaire. S’il réagit, il entre dans un processus et, habilement dupé, il finit par utiliser son boîtier bancaire. Et souvent plusieurs fois parce que l’interlocuteur vous dit que votre transaction n’a pas été prise en compte et que vous devez recommencer. Et, à chaque essai, une somme est débitée ! Et n’oublions pas les escroqueries aux sentiments. Vous avez l’impression de tomber amoureux et vous faites des virements. Et là, les sommes peuvent être très importantes ! Ces faits sont qualifiés en abus de confiance avec escroquerie !
La période covid a-t-elle été propice ?
Fatalement, on a dû se connecter davantage, mais c’est surtout l’évolution des moyens technologiques mis en place qui entraîne la hausse du nombre de faits. Les gens ne doivent pas être honteux de s’être fait arnaquer. Au contraire, il faut venir nous le signaler pour qu’on puisse tenter d’arrêter les transactions. Le parquet possède quelques moyens pour bloquer les sommes si la plainte est rapidement déposée. De plus en plus, les banques réagissent via leur service de fraude si quelque chose d’anormal est constaté, notamment parce que certains comptes semblent frauduleux ou les opérations ne correspondent pas aux habitudes bancaires du client. Le service de fraude demande alors des informations complémentaires et bloque la transaction tant que le client n’a pas confirmé que c’était bien une opération voulue.
Comment se prémunir de telles escroqueries ?
Le site officiel "safeonweb.be" donne une foule de renseignements mis à jour pour tester sa sécurité, surfer en sécurité et se protéger. Une rubrique "actualité" évoque les escroqueries en cours. En résumé, je dirais qu’il ne faut jamais fournir ses codes bancaires, être très vigilant à propos des pseudo-Facebook qui prennent contact avec vous: quand on ne connaît pas, on n’accepte pas ! Attention aussi aux offres trop alléchantes: au moindre doute, il faut stopper directement !