Le crossage est une évolution des jeux de balles
Certains jeux ont traversé les siècles avec plus ou moins de bonheur, donnant naissance à des jeux populaires ou des sports toujours en vogue.
Publié le 22-02-2023 à 06h30
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De tout temps, la balle semble avoir attiré l’homme. Nul ne sait pourquoi ni quand l’être humain a commencé à la lancer, la faire rouler ou la frapper du pied, de la main ou par objet interposé, mais cette fascination est devenue au fil des siècles source de nombreux jeux. Au Moyen Âge, les habitants de nos régions sont notamment friands des jeux de paume et de soule, des jeux qui jetteront les bases de nos sports actuels.
Le jeu de paume consistait à se renvoyer une estue ou éteuf, une petite balle constituée d’étoffe. Si au départ, comme son nom l’indique, il se pratiquait à main nue ou à l’aide d’un gant, certains lui préféreront par la suite une palette en bois. Ce jeu est l’ancêtre direct de notre balle pelote, de la pelote basque mais aussi de tous les sports de raquette, comme le tennis par exemple.
Quant au jeu de soule, chôle en picard, la balle était plus volumineuse et le jeu plus brutal. Il opposait deux équipes dont l’objectif consistait à déposer une balle, constituée de tissus et/ou de foin, dans le camp adverse. Anarchique au départ, sa pratique sera peu à peu réglementée. Selon les régions, il se pratiquait à la main, au pied ou au moyen d’une crosse. Suivant l’évolution, les règles établies et le matériel utilisé, ces jeux donneront notamment naissance au rugby, au football ainsi qu’à d’autres sports de ballon avec ou sans contact, sans oublier le golf, le polo et bien évidemment le crossage.
Quant à ce dernier, il serait plus juste d’user du pluriel tant ce jeu séculaire s’est décliné sous de multiples formes. Il y a quelques années, le regretté Ovide Canseliet en avait dressé l’inventaire alors qu’il était président du Musée de la Vie Rurale de Huissignies.
Jeux quasiment disparus
Outre le crossage à l’tonne, pratiqué dans certaines localités de la Wallonie picarde en période de carnaval, il en existait d’autres variantes dont "la plus connue et la plus sportive était sans conteste le crossage en plaine, appelé aussi crossage en long", expliquait Ovide Canseliet. D’usage dans la région franco-belge, ce jeu populaire se pratiquait essentiellement à la fin de l’automne et en hiver, une fois les moissons rentrées et le bétail à l’étable. "Il consistait à toucher en un minimum de coups un but déterminé", des planches bien souvent.
Appelé golf du pauvre, ce sport régional demandait une bonne condition physique en raison des longues courses à travers champs et prairies. Avant la Seconde Guerre mondiale, il rassemblait plusieurs milliers d’adeptes se rencontrant sous forme de championnat. Début du siècle, ils n’étaient plus que quelques centaines à le pratiquer, dans le Borinage essentiellement mais aussi dans quelques villages de Wapi. Leur matériel: une crosse à l’embout métallique, appelée un "pic et plat", composée d’un plat pour frapper et d’un pic courbe pour sortir la cholette des endroits délicats. Quant à cette dernière, elle était fabriquée en bois dur, de forme ovoïde, d’environ 4,5 cm de haut pour 3,5 cm de diamètre.
Une variante du crossage en plaine est le "crossage à la cible" ou "au but". Les crosseurs, disposant d’un nombre déterminé de cholettes, devaient toucher un maximum de fois une planche placée à 10 m. Le jeu se déroulait avec le même matériel que celui de la plaine mais sur un terrain plus restreint permettant une pratique plus régulière.
"Inspiré du tir à l’arc sur perche horizontale, le crossage au paillet, appelé aussi crossage au bersault, se pratiquait souvent dans la cour d’un café ou dans la salle des fêtes du village. Il s’agissait d’abattre, avec sa soule, les “mouchons” qui étaient fixés sur la perche." Ces "mouchons" pouvaient être synonymes d’une somme en argent remportée par l’abatteur, la valeur étant proportionnelle au positionnement et à la difficulté pour l’atteindre.
Ovide Canseliet citait enfin une dernière variante, celle du "crossage à longueur de fût", pratiqué à l’intérieur du café. "L’objectif était d’atteindre les quatre pieds d’une table. C’était donc un jeu d’adresse et de précision à pratiquer avec modération."
Des jeux qui, pour certains, ont quasiment disparu, mais qu’un rien pourrait faire renaître