Un peu farfelue, la victime d’un meurtre non résolu était deux fois millionnaire… en 1884 !
Le vendredi 19 décembre 1884 au soir, un coup de feu retentit: Léon Wacrenier, 38 ans a été abattu à la chevrotine. Qui l’a tué ?
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- Publié le 14-09-2023 à 09h53
- Mis à jour le 14-09-2023 à 09h54
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"C e midi, M. Wacrenier ne paraissant pas comme il en avait l’habitude, un ouvrier regarda par la fenêtre dont le volet était ouvert. Il recula épouvanté en apercevant, étendu dans le salon, le cadavre de M. Wacrenier", indique Le Courrier de l’Escaut du 21 décembre 1885. Les portes étant hermétiquement fermées, la police a dû pénétrer dans la maison par le grenier: "Le cadavre avait le crâne fracassé […] On présume que la victime était devant la cheminée, et que l’assassin a déchar gé son arme par la fenêtre."
Pour quel mobile ?
Deux jours plus tard, notre quotidien, le seul à s’y intéresser, revient largement sur le crime d’Anvaing, en présentant, "pour la complète intelligence des faits" le plan détaillé du théâtre du crime. Léon Wacrenier venait d’achever son repas. La table était encore mise. "Sa mort a dû être instantanée: une chevrotine était sortie par l’œil droit, deux autres l’avaient atteint à la nuque et une autre au bras".
Notre reporter décrit alors avec force détails, la maison du crime (une ferme avec, au-dessus de la grand porte le millésime 1789): La première chose que nous apercevons est une vaste cage en fer à roulettes, haute de 2 m 50, dans laquelle, dit-on, M. Wacrenier, conservait sa viande. À droite, la chambre à coucher de la victime. Nous ne pouvons y pénétrer, les scellés nous en interdisent la visite. Mais autant que nous pouvons en juger, en regardant par une fenêtre, il y règne un inexprimable désordre"Puis, dans la salle," dont l’état de malpropreté est invraisemblable "on aperçoit au fond un tableau représentant la Vierge tenant l’Enfant-Jésus, Sur la cheminée, une pendule dorée, une lanterne-sourde et des bibelots. Un baromètre, un bahut sur lequel se trouvent quelques bouquets et des caisses de cigares, deux tables, six chaises, etc. La description est chirurgicale… "Un cercueil est déposé sur une table. Une sœur prie."
Avare et excentrique ?
Mais sur le mobile, on se perd en conjectures. le vol ? On n’y songe pas: on a trouvé sur la victime de l’or et des billets de banque ; son coffre-fort était intact. La vengeance ? Mais quelle vengeance ? Des braconniers ? C’est peu crédible… M. Wacrenier était âgé de 38 ans. De l’avis de tous, il ne jouissait pas de la plénitude de ses facultés. Caractère fantasque, farouche même il ne voyait personne – ou peu s’en faut. Son avarice était proverbiale, autant que sa négligence". Il possédait 600 hectares de terre, dont la majeure partie en friche raconte le journaliste." Excentrique au possible il tenait à faire son ménage absolument seul et préparait sa nourriture lui-même (de crainte, selon les villageois, d’être empoisonné). Quelquefois, cet homme incapable de faire du mal à une mouche "dressait trois couverts complets et mangeait en compagnie de deux personnes imaginaires." M. Wacrenier laisse une fortune qu’on évolue à deux millions environ. Le 25 décembre, au lendemain de ses funérailles, dans une église bondée, Le Courrier revient largement sur l’affaire. "L’homme qui a visé et tué si proprement M. Wacrenier doit avoir une grande expérience des armes à feu." On reparle d’une vengeance privée…
Certes, M. Wacrenier "n’était pas un méchant homme. Il était maniaque et sa manie augmentait chaque jour. On le plaignait." Il était tracassier à l’égard de certains locataires et aimait à chercher noise à ses occupeurs. "Il leur écrivait des lettres interminables (20 à 25 pages) dans lesquelles il leur racontait les choses les plus singulières." Il écrivait aussi au parquet de Tournais en se plaignant de tracasseries dont il était l’objet de la part de "gens invisibles" et joignait à chaque fois un billet de 500 francs qui lui était retourné. mais il ne voulait pas les recevoir. "Se croyant l’objet de continuelles attaques de vive force, il avait percé des meurtrières dans le mur de son jardin et tirait des coups de feu contre d’inoffensifs moineaux." Il avait aussi pratiqué en divers endroits de sa demeure "des oubliettes, sorte de planches qui faisaient bascules dès qu’on posait le pied dessus, et qui recouvraient des fosses à purin…"
Personne n’a encore été arrêté: "A Anvaing, on ne dit rien. Si les habitants ont des soupçons, ils ne les communiquent pas. Il paraît que c’est un peu l’habitude dans le canton de Frasnes. On dit bien en tout qu’on ne connaîtra jamais l’assassin. Pourquoi ?".
En février 1885, l’enquête semble se diriger du côté d’Élouges, où un crime similaire a été commis. D’autres investigations vont avoir lieu à Anvaing. Tout cela ne donnera rien. Puis voilà qu’on reparle de cet assassinat en mars 1989, soit quatorze ans plus tard. Notre journal se fait l’écho d’un bruit qui court: la gendarmerie, qui procédait à une arrestation dans le village voisin, a entendu cette conversation entre un individu et la femme du logis, qui lui aurait dit: "je te dénoncerai à la justice et je dirai ce que tu as reçu pour tuer Wacrenier."
Par la suite, on n’entendra plus jamais parler de rien.
Affaire classée ! À son décès, l riche Léon n’avait pas d’héritier, et ses frères non plus.
À qui donc profitait le crime ?