Le mont Kemmel s’est mué en un paradis bleu après avoir vécu l’enfer de la guerre 14-18 (photos)
Portant toujours les traces des combats sanglants de la guerre 14-18 dans la région d’Ypres, la colline flandrienne, jadis surnommée le mont Chauve, resplendit depuis lors par ses sentiers bucoliques et ses bois tapissés de magnifiques jacinthes sauvages.
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Publié le 12-05-2023 à 12h21 - Mis à jour le 12-05-2023 à 13h49
Du haut de ses 156 mètres, le mont Kemmel domine de magnifiques paysages champêtres vallonnés autour de la commune de Heuvelland, au sud d’Ypres. À une petite heure de route de Tournai, le toit de la Flandre n’est pas qu’une simple colline "perdue" au cœur d’une chaîne (monts Noir, des Cats, Cassel…) belgo-française très prisée des randonneurs.
Le Kemmelberg est une perle où la nature se donne en spectacle auprès des innombrables promeneurs et cyclotouristes qui se lancent dans son ascension.
Des parcours adaptés à tous les mollets

Dès le début du printemps, le tableau est aussi enchanteur qu’éphémère sur les flancs de ses chemins de terre escarpés. En ces mois d’avril et de mai, c’est le moment idéal pour admirer l’incroyable densité de jacinthes sauvages qui tapissent les bois. Un régal pour les yeux, même si certains marcheurs seront peut-être frustrés de ne pas pouvoir déambuler au milieu des jacinthes. Et pour cause, puisque de grandes clôtures les tiennent à l’écart de ces fleurs fragiles, histoire de les protéger du piétinement.

Au départ du centre de visiteurs (Sint-Laurentiusplein 1) implanté au pied de l’église du village, on peut se procurer une multitude d’itinéraires pédestres vers le mont Kemmel: 9 km et 8,2 km pour les mollets les plus endurcis, tandis que les familles avec jeunes enfants trouveront davantage leur compte dans les circuits de 6,8 km et 4,2 km, au regard de la difficulté de la montée.
Si les premiers hectomètres sont assez plats, on s’éloigne rapidement des prairies en rejoignant des sentiers forestiers sinueux, jusqu’au sommet du domaine provincial (160 hectares). Le jeu en vaut largement la chandelle, rien que pour la vue époustouflante sur la campagne flamande et les vignobles du Monteberg tout proche.

Les adeptes de la petite reine aiment tout autant s’attaquer aux pentes du mont Kemmel, avec certaines portions qui dépassent les 20%. Ce haut lieu du cyclisme constitue le juge de paix de la classique Gand-Wevelgem, escaladé à deux reprises.
L’ange triste veille sur les soldats français disparus
Dans une région qui a payé un très lourd tribut des combats de la guerre 14-18, les marcheurs et cyclos ont aussi rendez-vous avec l’histoire.
Le visage aujourd’hui si chatoyant du Kemmelberg a été défiguré par la terrible bataille qui a fait rage du 25 avril au 10 mai 1918.
"À notre arrivée, le mont était un lieu charmant, très boisé, joyeusement couvert de fleurs. Lorsque nous l’avons quitté, c’était une masse tourmentée de terre brune aux arbres fracassés et à l’air pollué (NDLR: les Allemands avaient largué sur la colline des obus chargés de gaz)", déclarait un soldat anglais, dont le témoignage figure sur un des panneaux didactiques disséminés sur le site.

Un peu plus loin, près du belvédère, une majestueuse colonne commémorative de 18 m de haut, sur laquelle est adossée la déesse romaine de la victoire, interpelle.
Surnommée "l’ange triste", la statue semble porter son regard mélancolique vers l’ossuaire communal installé sur le versant occidental du mont. Ce mémorial abrite les restes des 5 294 soldats français tombés au combat lors de la 4e bataille d’Ypres. Seuls 57 d’entre eux ont pu être identifiés ; leurs noms ont été gravés sur l’obélisque coiffé d’un coq en bronze.
En redescendant du domaine boisé, un bunker illustre un autre héritage sombre de l’histoire: la guerre froide. Le bâtiment, construit au début des années 50, devait héberger un centre de commandement de la défense aérienne de 5 pays (Belgique, France, Grande-Bretagne, Luxembourg et Pays-Bas). Mais le site n’a jamais servi à cette fin et fut aménagé, dans les années 60, pour accueillir le QG des forces armées belges en cas de conflit.
Dans un très bel état de conservation, le bunker a été reconverti, depuis 2007, en musée de guerre. Photographies, films, uniformes et autres équipements de combattants agrémentent la scénographie qui permet de perpétuer la mémoire de cette funeste période de tensions (près d’un demi-siècle) entre les blocs de l’Est et de l’Ouest.