Le Tournai d’avant: en 1940, des échoppes commerciales pour que revive la Grand-Place

Le cœur d’une ville bat sur sa Grand-Place via ses commerces et ses animations. Le 19 mai 1940, à Tournai, c’est devenu un désert. La Ville agit pour faire revivre son forum, notamment en construisant 50 échoppes temporaires au milieu du forum.

Étienne BOUSSEMART

Du 16 au 19 mai 40, à cause des bombes incendiaires surtout, le centre de la ville n’est plus que ruines branlantes. Dans ce désastre, il y a une volonté exceptionnelle de la part de quelques habitants regroupés autour du juge Charles Mauroy, de garder leur sang-froid, leur sens des responsabilités, de parer au plus pressé et d’évoquer très vite les mesures les plus urgentes. Notamment pour la Grand-Place.

 Depuis la rue des Maux, vue des échoppes, du beffroi et de la cathédrale.
Depuis la rue des Maux, vue des échoppes, du beffroi et de la cathédrale. ©EdA

Deux axes d’action. D’abord nourrir les Tournaisiens, dont les évacués de retour, mission essentielle de la Croix Rouge de Bruxelles avec plus de 11340 pains et autres denrées et la section locale. Ensuite, les loger. L’autorité communale prend des mesures pour qu’un certain ordre régule les attributions. La Kommandantur s’y joint mais réquisitionne à tour de bras des dizaines de maisons, entrepôts, hôtels, écoles, et entend les conditionner selon ses besoins.

La ville organise le déblaiement. Le 27 juin, adjudication. En juillet, 1250 ouvriers, moitié agents communaux, moitiés entreprises privées, dégagent les rues si vite qu’en novembre tout est quasi achevé.

La ville dépense sans compter. En septembre, il reste 150.000 francs en caisse, une avance de 400.00 frs lui est alors concédée.

 En 1951 commence le démontage de ces petits magasins dont les matériaux sont soigneusement conservés.
En 1951 commence le démontage de ces petits magasins dont les matériaux sont soigneusement conservés. ©EdA

Extraordinaire et dangereux de s’opposer aux occupants. Et pourtant, des plaques de rues jaune et noir disparaissent en septembre, et des câbles téléphoniques reliant des services importants, tirés sur les trottoirs, sont coupés malgré les sanctions promises.

Panser et revivre

Rebâtir est l’obsession de tous et particulièrement du Commissariat Régional à la restauration présidé par le juge Jules Deschamps auquel s’adjoint Paul Rolland, historien et archéologue. Qui écrit ceci : "T ournai sera une ville plus claire, plus gaie, plus vivante, elle n’est que blessée et panse ses plaies".

Rebâtir oui, avec quels critères ?

On ne rebâtira pas la ville. Le projet de mars 1951 de restauration générale reste dans les cartons des architectes car "la reconstruction doit avoir comme qualité dominante de laisser à la ville son aspect familier, son originalité propre".

Le 23 août 1940, alors que Tournai comptabilise 31 500 habitants, surgit cette idée "de magasins groupés édifiés en ville comprenant magasin et réserve qui seraient loués". Il s’agit de ramener sur le forum les commerçants y sinistrés qui ont rouvert leurs vitrines dans les rues épargnées.

 Le commerce a repris ses droits, 50 magasins accueillent les chalands dont le photographe Messiaen.
Le commerce a repris ses droits, 50 magasins accueillent les chalands dont le photographe Messiaen. ©EdA

Pas de tergiversations. Le 26 novembre 1940 ont lieu des adjudications pour 50 magasins "avenants et coquets", dont cinq seulement peuvent être cafés ou restaurants, offerts aux loyers de 250 ou 450 francs. Ils seront construits par la firme Degreppe qui a déposé le prix le plus bas et qui réalisera aussi le commissariat de police.

S’ils sont agréables, rien n’est superflu. Les magasins sont élevés "sur de petites fondations leur assurant une résistance suffisante, les murs sont de briques, les toitures de tuiles plates ou d’Eternit, avec deux pièces, un magasin avec vitrine et une réserve à l’arrière et ce, pour tenir dix ans".

 Ordonnance de l'occupant, le texte est assez explicite.
Ordonnance de l'occupant, le texte est assez explicite. ©EdA

Le 9 décembre, ces échoppes sont raccordées au gaz pour 21.500 francs. Au réseau d’eau, payé par la ville, les sanitaires sont confiés à Leturcq pour 72.054,30 francs.

Les pavillons, sauf trois, sont occupés le 16 décembre. La vie revient, les chalands retrouvent la diversité de leurs commerces, le but recherché est atteint.

Ces échoppes jouent leur rôle jusqu’au moment de la reconstruction des immeubles du forum. En 1952, elles sont démontées, leurs matériaux soigneusement conservés. La Grand-Place est alors celle qu’on connaît actuellement, à quelques détails près.

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