Immobilier: locataires, gare à une arnaque pratiquée (presque) exclusivement en Wallonie picarde !
Début mars, l’émission "On n’est pas des pigeons !" révélait les pratiques illégales de plusieurs agences immobilières de Tournai & Mouscron. En cause, des frais d’agence qui s’additionnent parfois à la garantie locative et à l’état des lieux.
Publié le 28-04-2023 à 13h31
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Coordinateur du collectif Droit au logement (DAL), Florian Lefebvre et son équipe se battent depuis une dizaine d’années contre une pratique aussi discutable que répandue. "Accéder à un logement privé devient de plus en plus compliqué. Une des causes principales, c’est l’application de frais d’agences illégaux pouvant aller jusqu’à 600 euros par dossier", confirme l’intéressé. "Malgré nos revendications, la plupart des locataires doivent encore payer cette redevance pour accéder à leur logement. Or, ils ne devraient payer que pour l’état des lieux et la garantie locative."
L’émission "On n’est pas des pigeons !" a révélé au grand jour une façon de faire, qui se concentre presque exclusivement sur Tournai et Mouscron. Pas ailleurs ? "À l’origine, c’est une pratique française ", se souvient Florian Lefebvre. Pratique qui s’est répandue comme une traînée de poudre dans les agences immobilières de Wallonie picarde. "L’origine est difficile à déceler. Est-ce des agents français qui, en exerçant de l’autre côté de la frontière, ont dupliqué leur modèle ? Est-ce des locataires français qui ont spontanément demandé combien ils devaient rémunérer l’agence ? Ce qu’on ne comprend pas, c’est pourquoi en Wapi et pas ailleurs, puisque la frontière s’étend sur 620 kilomètres."
Le DAL parle d’une "discrimination économique", puisqu’en additionnant les frais à débourser avant de recevoir ses clés, la facture est d’office de plus en plus élevée. "La demande s’en trouve fortement réduite, alors qu’elle est importante puisque de nombreuses personnes n’ont pas accès à un logement décent et salubre."
Se construire une couverture
Subventionné comme Association de promotion du logement par la Région wallonne, le DAL veut sensibiliser les agents immobiliers, mais aussi les propriétaires et les locataires. "On ne veut pas taper gratuitement sur les agences immobilières tournaisiennes ou mouscronnoises. Mais attirer des propriétaires en proposant des frais réduits, ce n’est pas honnête si l’agence équilibre la note en faisant payer le locataire. Le manque de règles rend la situation moins limpide. De fait, certaines agences sont sans doute en train de se construire une couverture et de contourner la loi via une pratique qui se veut légale: faire signer un mandat de recherche aux locataires. Mais ça ne fonctionne pas si la personne a vu une offre ou visité un logement." Ce mandat signifierait que l’agence se mette en quête d’un bien qui corresponde aux conditions fixées par le locataire potentiel.
L’absence d’une règle claire suscite toujours quelques dérives.
Sur son site, le collectif a mis en ligne un courrier type de mise en demeure pour permettre à toutes les personnes lésées de prétendre à un remboursement.
Trop longtemps, cette pratique est restée méconnue. Mais le remue-ménage des derniers mois tend à réduire cette zone grise. Au fond, le locataire ne doit plus être un pigeon…
Et la loi, dans tout ça ?
En réponse à une question de Jean-Luc Crucke, le ministre du logement Christophe Collignon rappelle qu’une disposition wallonne existe et précise que le "preneur ne peut pas être tenu de supporter les honoraires d’un agent immobilier, ni les frais couvrant l’évaluation du prix de la location d’un bien mis en location, ni les frais de publicité ou d’administration. "
Un cas particulier, tout de même: "Si le preneur est à l’origine de l’intervention, les frais ou honoraires peuvent lui être imputés. Il se peut que celui-ci fasse appel à un agent pour engager des recherches en vue de trouver un logement." Vous comprenez mieux désormais, l’histoire du mandat de recherche…..
"On a ajusté nos pratiques"
Publiquement, la diffusion de l’émission début mars n’a visiblement pas provoqué de remous. Pour le secteur, c’est silence radio… ou presque. Depuis que l’équipe de On n’est pas des pigeons ! s’est emparée du sujet, le patron d’une agence immobilière tournaisienne confirme un "changement de pratiques".
Sous anonymat, il indique que la participation demandée à l’état des lieux est réduite et que le locataire peut faire appel à son propre expert pour ne pas payer de frais d’agence. Il avoue aussi que l’IPI (Institut professionnel des agents immobiliers) est davantage sur le dos du secteur depuis l’émission de la RTBF. "Je suis agent depuis vingt ans et nous avons toujours fonctionné avec ces frais. Nous étions convaincus d’être dans notre bon droit. Pour moi, la réponse reste claire: pour le service presté par l’agence, on peut demander des frais." Notre interlocuteur concède cependant un coût "souvent élevé" pour l’état des lieux et précise que son agence "peut demander une commission si le contrat établit un mandat de recherche. Il faut explicitement le demander au potentiel locataire. Si celui-ci répond à une offre, le mandat ne s’applique pas. Nous nous efforçons d’être le plus transparent possible pour ne pas créer de zone d’ombre", conclut-il.
Nous avons contacté d’autres poids lourds du monde de l’immobilier en Wallonie picarde, qui n’ont pas donné suite à nos demandes.