Le Lessinois Julien Devuyst, ce fondu de morilles !
Le jeune Lessinois a développé deux activités de bouche très différentes: la transformation de fruits (gelées, sirops, confitures, pâtes…) et la culture des morilles.
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Publié le 22-03-2023 à 18h28 - Mis à jour le 22-03-2023 à 19h02
"V oir la tête des chefs du Quai n° 4, quand je suis arrivé avec ma caisse remplie de deux kilos de ces belles mémères récoltées la veille, constitue le plus beau moment de cette aventure. Avant le leur, ils ont travaillé dans des restaurants étoilés mais m’ont dit n’avoir jamais eu un produit pareil. J’ai tout gagné. C’est un rêve de gosse qui se réalise…": l’endroit où nous rencontrons Julien Devuyst, nous le tenons secret. Car ce Lessinois né à Manosque (Alpes de Haute-Provence), d’une maman française et d’un papa belge, s’est lancé ici, et sur d’autres parcelles louées en bail à ferme, dans une culture un peu mystérieuse mais aussi particulièrement rentable.

Fana de sport et de spores
La morille est le champignon le plus cher après la truffe, vendu entre 120 et 140 euros le kilo. "En comparaison, le champignon de Paris tourne autour de cinq euros", précise celui qui est horticulteur de formation. Après avoir tenté l’agronomie ("j’en ai gardé l’amour pour certaines choses"), travaillé en pépinière et dans une entreprise de parcs et jardins durant huit ans, il remet tout en cause après un long arrêt dû à un accident de ski: "En cherchant ma prochaine activité professionnelle, j’ai décidé de devenir mon propre patron et de vivre mes rêves, avec deux mots en tête, atypique et novateur." Celui qui, tout minot, est revenu habiter la Wallonie picarde, berceau de la famille paternelle, définit sa philosophie: "Je ne vis pas pour travailler, je travaille pour vivre. je ne suis pas là pour faire fortune, mais pour pouvoir m’accorder du temps et profiter de mes nombreuses autres passions, notamment le cyclisme (dont le VTT) o u la nature. J’ai suivi la formation de guide-nature et une autre en éthologie du loup. J’aspire à suivre des cours de photographie animalière." Si Julien est "fou du Pays des Collines ", il ne lui déplairait pas de retourner "aux sources ", en Provence, à sa retraite.

Revenons-en à nos champignons, dont Julien se dit aussi "fêlé depuis toujours", un amour qu’il doit à sa maman et sa grand-mère avec qui il partait à la cueillette dans les bois de la région de Blois, sans en dévoiler, "en bon menteur" les meilleurs coins.
Tandis qu’il abandonne l’idée d’élever des escargots, le Lessinois entend alors parler d’une technique culturale innovante et étonnante qui connaît un beau développement: ayant appris qu’un scientifique chinois, Douxi Zhu, a réussi, après trente années de recherche, à créer une culture de morilles (qui, à l’état naturel, ne poussent que dans les bois), un entrepreneur bordelais s’était rendu sur place en 2009. Revenu avec dans ses bagages une souche-mère et le droit d’exploitation exclusif des brevets, ce dernier, Christophe Perchat a fini par fonder, à force de persévérance, la société France Morilles.
ll est aussi confiseur
Des agriculteurs, poursuit Julien, "lui a chètent les semences ainsi que le process cultural et le développent. Je fais partie de ces producteurs en étant totalement indépendant (comme quatre autres morilleurs en Belgique). J’ ai reçu le cahier des charges et leur expertise." Sa culture reste expérimentale pendant trois ans, la rentabilité n’étant pas la finalité ; "Il y a une technicité tellement complexe à acquérir pour obtenir du résultat. C’est d’ailleurs ce qui explique le prix élevé. Il faut de l’ajustement, de la surveillance, de petites adaptations… sur un sol rendu beaucoup plus calcaire grâce à divers amendements (marne, chaux, sable)." Pourtant, dès son premier essai l’an dernier, avec une culture uniquement en extérieur (et un soleil qui grille complètement la deuxième salve de la récolte), il atteint le seuil de rentabilité avec sept kilos de morilles: "Olivier De Vriendt, le chef du RIZOM, au Grand Hornu, fut le premier à m’en acheter." Cette année, avec une surface de culture triplée et les avantages (précocité, quantité, taille) de la moitié de sa production sous tunnel, il vise les seize kilos… quasi tous destinés à la restauration ("c’est une belle vitrine ") avec l’établissement athois demandeur d’une grande partie.

Semée à l’automne, la morille se récolte du 15 février au 15 mai: "Dans le business plan établi avec l a couveuse d’entreprise qui me suit, on s’est dit que cela ne couvrait qu’une petite période de l’année. Pascal De Lessines, producteur de petits fruits à la Cense d’Hortésie à Wodecq (un ami plus qu’un collaborateur, qui m’avait encouragé à me lancer dans la morille, m’a proposé de faire de la transformation avec ses excédents ou des fruits déformés). Confitures, gelées, et surtout sirops et pâtes de fruits (mais aussi de légumes, qui cartonnent !), artisanaux, du fruit"local"– hormis les agrumes – qui prime sur le sucre (belge)... et le succès au rendez-vous. C’est l’autre facette du Bois d’Ogy, sa petite entreprise installée chemin du Foubertsart à Lessines, mais l’éthique est la même: pas de conservateur artificiel, des bouteilles achetées en Allemagne plutôt qu’en Chine, un réseau de distribution en circuit court. Fraises, myrtilles, magnolias, tagètes, mandarine, groseilles, fleurs d’acacias… les déclinaisons semblent infinies." Les morilles, c’est ce qui me rend le plus fier, mais au niveau de la créativité, confiseries et sirops me procurent énormément de plaisirs", conclut celui qui aimerait ouvrir son propre magasin, du genre"chalet", sur son site d’Ogy.