Le Tournai d’avant: Henry VIII, roi élégant, cultivé et valeureux, fait son entrée dans la ville
En douze jours de siège, Tournai, ville française depuis tant de siècles, lie son destin aux Anglais et devient jouet des grandes puissances.
Publié le 13-03-2023 à 12h24 - Mis à jour le 13-03-2023 à 12h27
L’histoire n’est pas tendre avec ce souverain dont la cruauté extrême et la vie sentimentale tourmentée se racontent dans tous les manuels. Mais, quand il campe à Orcq, c’est un jeune roi (né le 28 juin 1491) ambitieux, catholique, parlant couramment le latin, le français et l’anglais, et puissant, qui se prépare à prendre une ville dont il n’a que faire.

Le dépucelage de la ville
Un petit ouvrage publié lors de la reddition de Tournai synthétise le retentissement général du passage de la France à l’Angleterre.
Dans cette Europe Occidentale, les alliances entre grandes puissances se font et se défont au gré de leurs intérêts. Maximilien d’Autriche, dont les possessions sont immenses, vient donc s’aboucher avec Henry VIII quand celui-ci débarque à Calais en août 1513 pour reprendre des territoires perdus. Il y trouve douze énormes canons, fondus à Malines, qu’il appelle ses "douze apôtres", tirant des boulets de fer de 240kgs, tractés par des attelages de 28 chevaux.
Le Habsbourg, persuasif, veut enlever Tournai, "cette épine qui blesse ses États", à la France. Les insulaires rasent Thérouanne, les voici devant Tournai le 13 septembre.

L’Anglais est ennemi. Il faut se défendre avec les moyens habituels. On brûle les faubourgs (l’abbaye des Prés Porcins et la léproserie Del Val disparaissent), population et troupeaux se réfugient derrière les remparts. Mais sans troupes françaises, la ville n’aligne que les 500 hommes des serments.

Autour de la ville "tout enclose de chariots, sept osts (corps d’armée) sont prêts ; entre chaque, deux chariots avec une pièce d’artillerie, deux serpentines, deux fauconneaux et arquebuses. 80 pièces d’artillerie qui canonnent les portes de Valenchiennes et Cocquerel (Lille) avec des boulets dont certains sont gros comme tête d’hommes et ils tiroient plus de mille boulets l’un après l’autre". Devant ce déluge de feu, le Magistrat parlemente. À qui rendre la ville ? La bourgeoisie préfère Maximilien, espérant des avantages commerciaux. Le peuple choisit Henry VIII qui a affirmé "vouloir gouverner comme Roi de France".

L’accord se fait, Tournay se rend à l’Angleterre. "Entra dans la ville si grand nombre d’Anglais natifs que l’on estimait bien cent mille hommes qui amènent si grosse artillerie pour garder la ville. Il y en avait de 18 pieds de chasse, d’autres de 22, de grosses bombardes et de gros courtaux, 500 tonneaux de poudre, 50 chariots d’arcq et autant de traits (flèches). Des vivres et du vin si abondamment qu’on ne les sçavoit ou bouter (ranger) et logèrent les gens d’armes par fouriers par toute la ville […]".

Le 22 septembre, le Roy d’Angleterre fait son entrée dans Tournai "à grand triomphe et richement accoutré, accompagné de grands seigneurs, dans des rues tendues de tapisseries alors que toutes les cloches sonnent".
Henry VIII salue Notre-Dame en la cathédrale, dîne en son logis de la place des Acacias (la place Paul-Émile Janson actuelle) puis se rend au grand marché où, depuis la bretêque, il lut ce billet à la foule attentive: "Voyez votre Roy de France et d’Angleterre à qui vous promettez foy et loyauté, de le garder comme prince et de lui payer 50.000 escus d’or comptant et 10.000 escus d’or dix ans durant et ce faisant demeurerez en vos francises et libertés, offices et seigneuries comme auparavant".