Certains éleveurs canins de Wallonie picarde déplorent les nouvelles conditions d'agrément
Une nouvelle règlementation régit l’activité des éleveurs de chiens et de chats en Wallonie depuis le 1er mars. Face à la difficulté des modifications à opérer, des éleveurs songent à abandonner leur activité.
Publié le 04-03-2023 à 06h00
:focal(545x371.5:555x361.5)/cloudfront-eu-central-1.images.arcpublishing.com/ipmgroup/4DGSMAMBKBGUPI6FVYKVA6PVZ4.jpg)
Depuis ce 1 mars, de nouvelles règles sont entrées en vigueur concernant les élevages et refuges de chiens et de chats en Wallonie, principalement dans le but de venir à bout des "usines à chiots". L’arrêté prévoit notamment la limitation de deux races par éleveur ; la révision à la hausse des normes minimales d’hébergement jusqu’à les doubler ; la réduction du nombre de portées par femelle et la fixation d’un âge minimum et maximum pour les gestations ; ainsi qu’une formation à suivre pour un des membres du personnel. La ministre Céline Tellier a prévu une période transitoire de cinq ans pour aider les éleveurs pour se conformer à la règlementation désormais en vigueur.
Une bonne intention, de mauvais moyens ?
L’intérêt pour l’amélioration du bien-être animal par la Région wallonne est applaudi au sein de la profession. "La législation devrait mener à ce qu’il n’y ait plus que des élevages familiaux qui ont de bonnes connaissances sur les chiens qu’ils proposent", estime Mme Bossuyt, éleveuse de chiens Malamute d’Alaska, au "Val des Hurlus", à Pottes.
L’avis de l’éleveuse n’est cependant pas entièrement partagé par ses confrères et consœurs qui voient en la nouvelle règlementation quelques dérives. "Demander d’augmenter les surfaces ne sera pas réalisable pour tout le monde. Seuls les"marchands"qui se font beaucoup d’argent sur le dos des animaux pourront se permettre d’investir pour coller aux règles. Les éleveurs occasionnels qui font cette activité pour leur plaisir n’arriveront pas à suivre et seront certainement contraints d’arrêter", analyse Isabelle de l’élevage d’Akita américains, "The world of hera", installé à Leuze-en-Hainaut.
Des séparations difficiles
Patricia Delvaux tient un élevage familial au sein de la commune de Beloeil, "les toutous de la ferme du bonheur". Cette Beloeilloise élevait jusqu’il y a peu des bichons, des shih tzus et des chihuahuas. "J’avais anticipé l’entrée en vigueur de la nouvelle loi, et j’ai arrêté l’élevage de chihuahuas. Une amie éleveuse a quatre races, et c’est très difficile pour elle de se séparer d’une partie de ses animaux. On aime nos chiens, on connait nos femelles et nos mâles, nous sommes éleveurs, pas marchands, et le gouvernement n’a pas l’air de nous comprendre", confie Patricia qui a stérilisé son mâle chihuahua et donné sa femelle à une voisine pour continuer à voir son animal.
Une règlementation pas adaptée aux besoins?
En plus de ce changement difficile, Patricia et sa "ferme du bonheur" sont contraints d’opérer plusieurs adaptations qui, selon l’éleveuse, pourraient être néfastes pour ses animaux. "Mes enclos de maternité font un mètre sur un mètre vingt. La ministre nous demande de les agrandir à quatre mètres carrés. Pour des petits bichons c’est énorme. Certains bébés risquent d’avoir froid en s’éloignant trop de la lampe chauffante qui ne couvrira qu’une courte surface. De plus, dans un petit espace, les chiots repèrent facilement où ils doivent faire leurs besoins, ils deviennent ainsi propres pour ensuite aller dans une nouvelle famille. Dans un enclos agrandi, ils risquent de faire leurs besoins d’importe où, de marcher dedans, et nous ne pouvons pas les laver avant quatre semaines", s’inquiète Patricia qui a une expérience de 35ans dans le domaine.
Une perte financière
Outre ces dispositions peu appréciées par cette éleveuse chevronnée, les nouvelles règles imposeront des investissements financiers mais également certaines pertes. "Nous ne gagnons pas beaucoup de notre activité, nous ne faisons pas cela pour l’argent mais pour l’amour des chiens. Cependant, il est nécessaire d’être un peu rentable, c’est notre travail. En ne permettant la gestation qu’à partir de 2ans, cela implique une première mise bas aux alentours des 2ans et demi de la femelle, ce qui est un peu tard pour se rendre compte si elle est une bonne reproductrice. Si ce n’est pas le cas, nous nous serons occupés d’elle pendant deux ans, nous devrons la stériliser et elle ne pourra être vendue qu’à un prix relativement bas, ne nous permettant pas de rentrer pleinement dans nos frais", constate l’éleveuse.
En dépit des nombreuses autres règles à suivre, Patricia envisage doucement la retraite. "Je vais réduire mon élevage progressivement à une petite dizaine de chiens, je ne remplacerai plus mes femelles. J’ai 65 ans, au bout des cinq années de transition prévues par la loi, j’arrêterai mon activité", envisage-t-elle avec regret.