Le piétonnier tournaisien noircit le tableau encourageant du commerce en centre-ville
Les chiffres du commerce en ville ne sont pas si mauvais qu’on pourrait le penser. Il y a même eu plus d’ouvertures que de fermetures en 2022. Grosse ombre au tableau cependant: le piétonnier continue à piquer du nez malgré les actions mises en place.
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Publié le 23-02-2023 à 06h00
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Le dernier semestre de 2022 a été compliqué pour les commerçants doublement impactés par la crise énergétique: via le coût de leur consommation énergétique et parce que les clients sont plus regardants dans leurs achats. "Malgré ce contexte, j’ai été soulagée quand j’ai vu les chiffres de 2022", nous dit Caroline Mitri, échevine du commerce et présidente de l’ASBL Tournai Centre-Ville.
L’intra-muros a enregistré 46 ouvertures pour 40 fermetures, déménagements non compris dans les deux cas. La balance est toujours positive en centre-ville depuis quelques années. 61 ouvertures contre 38 fermetures en 2019 ; 36 ouvertures pour 28 fermetures en 2020 ; et en 2021 une différence plus marquante encore: 63 ouvertures pour 30 fermetures. "Il y a eu un vrai effet (post-)Covid. Beaucoup de gens ont eu envie de changer de vie ou de réaliser un vieux rêve".
De plus en plus de rotations
Un nouveau commerce sur trois en 2022 était repris dans le secteur d’activité de l’horeca. Un sur cinq relevait de l’hygiène, de la beauté et de la santé. Depuis quelques années, il y a énormément de rotations de commerces. "Des commerçants ont plusieurs métiers et n’hésitent pas à tester une activité quand une opportunité se présente. Les effets de mode évoluent de plus en plus rapidement aussi. À un moment, énormément d’ongleries ont ouvert ; plusieurs d’entre elles ont arrêté. Pas mal de salons de tatoueurs ont ouvert en 2021. En 2019, quatre magasins de CBD ont été créés et il n’en reste plus qu’un actuellement. Cette rotation est un vrai défi pour un centre-ville. Une bonne partie des clients du centre-ville viennent pour des commerces qu’ils connaissent, pour des commerçants avec lesquels ils ont une bonne relation… Cette rotation implique de mettre en place des actions pour toucher d’autres personnes et les inciter à venir découvrir ce qui existe en ville."
Les aides aux loyers sont-elles les arbres qui cachent la forêt ?
Le commerce tournaisien est-il devenu dépendant des aides au loyers de type Créa-Com octroyées par la ville ? "C’est effectivement une aide qui peut aider à franchir lepas. Elle cible le linéaire commercial où il y a plus de densité de commerces, où ça a du sens d’accentuer la déambulation dans un esprit de shopping plaisir . Mais il faut relativiser son impact. En 2022, on a examiné dix dossiers et on a octroyé huit primes. Pas mal de commerces ouvrent sans avoir demandé d’aide ou sans avoir eu de réponse. Ce n’est pas forcément un élément déterminant dans la démarche de se lancer".
Trop de magasins de nuit et de jour ?
Et voici ce que répond Carolinie Mitri à ceux qui disent qu’il n’y a plus que des magasins de nuit ou du même type qui ouvrent en ville : "C’est complètement faux, et leur nombre a même diminué. Deux night shops seulement sont autorisés, rue de Pont et rue Royale. On a eu à un certain un moment 22 magasins de jour ( NDLR: un jargon typiquement tournaisien qui désigne un magasin du même type qu’un magasin de nuit, ouvert durant de très longues plages horaires pendant la journée) mais trois ont été mis sous scellés et deux ont fermé d’eux-mêmes… Il existe une volonté forte de les contrôler via la cellule infractionnelle de l’urbanisme, avec la collaboration du service des douanes, de l’ONSS, des pompiers… Tous ces contrôles portent leurs fruits".
La situation de la Croix du Centre a empiré en 2023
Si les chiffres de 2022 vont à l’encontre de l’idée selon laquelle tout irait mal en ville en matière de commerce, il n’y pas de quoi s’emballer. Si l’on prend en compte le périmètre linéaire commercial (les rues dans lesquelles la ville met en place des actions pour densifier le commerce), on en est quasiment à une situation de statu quo avec une balance qui penche même légèrement vers les fermetures. Et dans le piétonnier, la situation s’est même encore aggravée en 2023.

Ce n’est pourtant pas faute d’essayer de remonter la pente, insiste Caroline Mitri. Qui rappelle que des animations musicales y sont organisées une fois par mois à la belle saison. Que l’aide Créa-com (une prime à l’installation), exclusivement ciblée sur le périmètre commercial linéaire, a été adaptée tout spécialement pour la Croix du centre (le piétonnier tournaisien au sens large). Outre l’aide au loyer de 500€ maximum par mois pendant un an, assez classique, une demi-aide complémentaire de 250€ est accordée pendant une année supplémentaire depuis 2022 pour soutenir la création de commerces dans des cellules vides de ce quartier.
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La prolongation d’un an de cette mesure est plus que jamais justifiée. En 2022, 36 commerces y étaient ouverts et 23 cellules étaient vides. Rue Gallait, c’est carrément critique: on compte six commerces et huit cellules vides. Rue du Puits Wagnon, il n’y a que deux commerces pour six cellules vides. Rue des Chapeliers, en remontant vers le beffroi, c’est plus positif: 17 commerces sont ouverts (non compris la vitrine des Beaux-Arts et Bric & Brac), 7 cellules sont vides. La rue de la Cordonnerie tire un peu mieux son épingle du jeu: onze commerces (plus un bureau d’avocats) et deux cellules vides. "Mais hélas ! de mauvaises nouvelles sont déjà tombées en 2023: le magasin russe, impacté par la guerre en Ukraine, a fermé ; la pharmacie aussi, pour raison de fin de carrière ; et Pearle a quitté sonquartier pour Froyennes : cette enseigne vise désormais des superficies de plus de 200 mètres carrés".
"Un immense défi de faire venir dans l’intra-muros des gens"
"Le tout gros défi est de faire venir dans l’intra-muros des personnes nouvelles. Il y a un public qui a l’habitude de fréquenter le centre-ville, qui a ses habitudes dans certains commerces, qui sait où se garer, en utilisant l’application 4411 ou le parking souterrain. Mais on a une proportion énorme de personnes qui ne viennent jamais faire d’achats. Même quand ils y travaillent. Des gens ne passent plus la barrière psychologique des boulevards, pour plein de raisons différentes. Ce n’est pas faute de communiquer. Par exemple, chaque fois qu’on a rouvert un tronçon de la rue Royale, on a fait une communication".
Des actions classiques de marketing (édition de brochures, etc.) sont menées, mais aussi des initiatives plus ponctuelles. "Comme lorsqu’Ideta a offert des City Chèques aux membres de son personnel. Outre les montants dépensés, c’était surtout une belle opportunité de faire découvrir des magasins en ville à de nouveaux clients".
Un effort est fait aussi sur la communication sur les réseaux sociaux. Quand un commerce est ouvert, il fait l’objet d’une publication sur la page Facebook de l’ASBL Tournai Centre-Ville. Mais des exemples récents ont montré que les réseaux sociaux pouvaient aussi être des caisses de résonance négatives. "C’est la différence entre un centre-ville et une galerie commerçante: on ne maîtrise pas l’ensemble de la communication, chacun est indépendant. Les clients satisfaits s’expriment moins que ceux qui ont eu une mauvaise expérience. Or, une communication négative crée un effet boule de neige alors qu’elle ne reflète pas forcément le senti ment de la majorité".