Le Tournai d’avant: jadis, des habitations de bois et de chaume
La plus claire discrimination sociale entre les humains est claire et réside dans leurs habitations, du château du riche à la hutte du miséreux. En ville, les maisons constituées de bois et couvertes de chaume, matériau éminemment inflammable, vont disparaître progressivement.
Publié le 20-02-2023 à 16h13 - Mis à jour le 20-02-2023 à 16h15
L’occupation romaine a nous laissé des traces évidentes de villas cossues. Par contre, nul souvenir de l’habitat des ouvriers et commerçants formant pourtant l’essentiel de la population.
Ce silence dura longtemps, pendant des "siècles d’obscurantisme". Obscurantisme ne signifie pas "immobilisme" car, jusqu’à l’an mil qui signe le renouveau, le Tournaisien agrandit sa cathédrale et, surtout, s’ouvre à l’industrie.
Cloaques à nettoyer

Faute de documents fiables, il n’est possible que de dégager des généralités variables selon la vision des auteurs qui dissertent sur les rues mais très peu sur les maisons. Des écrits sont très sévères, décrivant ainsi à Tournai, au XIIIe sicle, "des rues étroites, tortueuses, sombres, pleines d’immondices et de décombres que les tas d’ordures accumulées dotaient de noms évocateurs : rues de Merdenchon, Orde rue, Ruelle du fumier". Pas d’aqueduc, les eaux usées s’écoulent au milieu de la voie publique. Les animaux domestiques y cherchent nourriture, dont les pourceaux durant les heures permises. Par contre, les chiens sont bannis et les Consaux payent de temps à autre un "Tue-Kien", comme Jehan Norman qui, en 1396, en tua 530.
À cette époque, la ville a déjà réagi. Ses comptes font état de salaires payés à "Jehan d’Arras, jardinier, pour avoir fait carier as camps les fiens et ordures du grand marché et autour". Ou à Wil Tayou pour semblable travail à la grande boucherie. On retrouve celui-ci à la fin du XIVe pour avoir "bannelé six banniaux de savelin (sable) de Maire menés aux portes de Marvis, St-Nicolay et de le Vingne (à St-Piat) et aussi en la rue Dame Odile Aletaque à refaire les cauchies". Des rues sont déjà pavées, sont instituées les "censes de foins et de ramonages" dans diverses paroisses.
Pierres ou bois ?
Pour l’habitant, la maison est le refuge après l’atelier. Les rues ne sont pas sûres malgré les rondes du guet. Les cafés et estaminets n’existent pas et, une fois la cloche du couvre-feu sonnée, chacun reste chez soi.

Le matériau ? Les grands bourgeois construisent des hôtels aristocratiques où, dès le XVIe, la brique s’installe. Pour les moins nantis, c’est une demeure étroite, un soubassement de pierre au mieux, plus souvent un blocage de moellons de rebut avec un ou deux étages souvent en encorbellement, ce qui amène de l’espace aux pièces de vie. Au rez, si c’est un commerce, la pièce sur rue est consacrée à l’étal et celle de derrière à l’atelier et aux réserves ; les provisions sont au grenier. Aux fenêtres, on a du papier huilé ; le verre arrive timidement au XIVe sous forme de petits carreaux.

Le danger durant le moyen âge survient de la vétusté et/ou du manque d’entretien des structures de bois. Des incendies détruisent parfois des rues entières comme "en 1363, le feu déclaré à St-Brice ardit ledit jour et la nuit et s’y brûla plus de XXXVIII maisons". Les demeures sont, majoritairement, couvertes de chaume, un matériau éminemment inflammable ; c’est la raison pour laquelle les Consaux prennent de nombreux édits, parfois risibles, comme l’obligation de présence de seaux d’eau ou l’interdiction du chaume qui disparaît au XVIe s.
Ne les cherchez plus. Leur souvenir s’est perdu dans l’ombre des siècles et par le biais d’ordonnances telle celle du 10 juin 1671 défendant "de réparer ni entretenir en aucune façon les maisons ayantes faces et devantures de bois sans avoir permission des Prévôts et Jurez".
Ces témoins ont disparu presque tous. Et d’autres, plus proches, sont menacés.