Le président de la CCI Wapi présente des vœux de décroissance économique
Ce n’est pas si banal que des vœux de décroissance sortent de la bouche d’un président de Chambre de commerce et d’industrie. " La décroissance n’est pas une récession mais plutôt une transition vers une économie démocratique soutenable, juste et joyeuse ", dit Yves Dekegelaar (CCIWapi).
Publié le 21-01-2023 à 15h00
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Aux vœux de janvier 2020, avant la crise du Covid, le président de la CCIWapi (Chambre de commerce et d’industrie de Wallonie picarde) avait plaidé pour un engagement marqué dans la transition environnementale. Lors de la soirée organisée mardi soir dans le Théâtre de Saint-Luc, à Ramegnies-Chin, devant quelque quatre cents personnes, Yves Dekegeleer a de nouveau tapé sur le clou en rappelant que le développement durable était un défi à relever sans tarder.
"Nous avons rendu notre planète malade et nous n’avons pas d’autres choix que d’arrêter d’alourdir notre empreinte écologique", dit le président. Selon qui on ne peut pas se permettre le luxe de faire du greenwashing. "Des études scientifiques démontrent de manière non équivoque que la pression environnementale générée par l’augmentation de la demande est largement supérieure à la réduction occasionnée par le verdissement de nos moyens de production et de nos comportements. Or, on ne peut plus indéfiniment produire toujours plus à partir de ressources limitées: la croissance de la production est en train de détruire notre planète".
Yves Dekegeleer reconnaît que la décroissance est encore un tabou pour le monde entrepreneurial en général. Pourtant, dit-il, la décroissance n’est pas une récession "mais plutôt une transition vers une économie démocratique soutenable, juste et joyeuse". La notion de décroissance intègre aussi plus d’équité au niveau des revenus, insiste le président. "Osons le dire: sur le plan social aussi le monde marche sur la tête. Au niveau mondial, les 1% les plus riches ont accaparé près de deux tiers de l’ensemble des nouvelles richesses créées depuis 2020. En Belgique, les 1% les plus riches possèdent près d’un quart de toutes les richesses du pays".
Technlord, brasserie de Brunehaut, Roger & Roger et Corelap sur la bonne voie
Citant l’économiste français Timothée Parrique, M. Dekegeleer notre que "la décroissance n’est pas seulement une transition ou un phénomène mais bien un paradigme plus complet. À la fois une stratégie de transition et un projet politique". Or, regrette-t-il, nos dirigeants politiques n’ont pas encore créé un environnement propice à ce changement de paradigme. "Mais quelques chefs d’entreprises de Wallonie picarde, préoccupés par la durabilité et les dysfonctionnements sociaux, ont été de l’avant".
C’est notamment le cas de Technord et de la brasserie de Brunehaut qui ont obtenu le label B Corp. Celui-ci récompense les entreprises qui ont le souci de répondre à des exigences sociétales et environnementales, de gouvernance ainsi que de transparence envers le public.
Quelques entreprises sont aussi, dans notre région, sur la voie de l’obtention d’un certificat de durabilité pour alléger leur empreinte environnementale avec l’accompagnement de la CCI wallonne. Philippe Barras, le président, a remis mardi un "certificat aux ODD (objectifs de développement durable)" aux deux entreprises de Wallonie picarde qui ont suivi le parcours pendant un an: la société Roger & Roger (Mouscron) et l’entreprise de travail adapté Corelap (Mouscron). "Que faut-il faire pour qu’une entreprise soit reconnue durable, et que ça ne soit pas juste du green-washing ? Il faut réaliser sur une période de trois ans trente actions de développement durable qui vont couvrir les objectifs de développement durable mis au point par l’ONU en 2015", insiste M. Barras
Si ces sociétés poursuivent sur la voie qui est la leur actuellement, elles pourront décrocher une certification UNITAR (institut des Nations unies pour la formation et la recherche).
« Nos dirigeants politiques restent les bras ballants »
Le président de la CCI Wapi a rappelé les difficultés liées à la crise sanitaire mondiale. "Certains secteurs accusent encore le coup aujourd’hui, mais on peut dire qu’on a évité le pire. Cependant, la crise énergétique est venue prendre le relais, et là c’est une autre paire de manches. Alors que les entreprises réclamaient et réclament toujours des mesures qui rendent l’énergie payable, nos dirigeants politiques restent les bras ballants. Nous avons juste eu droit à quelques mesurettes et à des discours creux".
Pourtant, le coût de l’énergie pénalise les entreprises. "La politique désastreuse de nos gouvernements de ces vingt dernières années nous oblige aujourd’hui à nous mettre à genoux devant Engie pour obtenir le maintien de deux réacteurs nucléaires et à plat ventre pour tenter de ne pas se faire trop escroquer sur le prix de vente de cette énergie".
Le monde entrepreneurial doit faire preuve de résilience pour surmonter toute une série d’autres contraintes que celle de l’énergie, insiste Yves Dekegeleer. Notamment la pénurie de main-d’œuvre chaque jour plus criante. "Comment peut-on concevoir que des entreprises peinent à trouver des travailleurs alors que le nombre de citoyens inactifs et en âge de travailler est en constante croissance ?"
La mondialisation de l’économie a pris le monde des entreprises par surprise lorsque la machine s’est enrayée lors de la crise sanitaire. Il faut en tenir compte à l’avenir. "Encore aujourd’hui, nous en payons les conséquences à cause de la pénurie de tout ce que nous avions l’habitude d’importer d’Asie, notamment les composants électroniques"
M. Dekegeleer estime que le monde politique ne met pas en place les réformes nécessaires pour apporter une solution aux problèmes de société. "Beaucoup de ménages ayant un emploi n’ont plus assez de pouvoir d’achat pour pouvoir vivre dignement. Les finances publiques sont en déliquescence. La sécurité sociale qui doit être repensée en profondeur pour pouvoir continuer à jouer son rôle d’assurance…"