"Children of the mist": une immersion dérangeante entre traditions et émancipation
Le documentaire vietnamien " Children of the mist " a été présenté au Ramdam ce mardi soir. Un long métrage immersif au sein de la communauté Hmong.
Publié le 18-01-2023 à 17h00 - Mis à jour le 19-01-2023 à 14h23
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Ce mardi, la jeune réalisatrice vietnamienne Ha Le Diem a présenté son premier long métrage au Festival du Film qui dérange. Il s’agit du documentaire "Children of the mist", qui suit une jeune fille de 14ans, Di, issue de la minorité ethnique des Hmong, au Nord du Vietnam.
Alors que Ha Le Diem souhaitait au départ dépeindre les doux moments de l’enfance, elle s’est rendu compte qu’il existait une réalité chez les Hmong qui noircissait le tableau : une de leurs traditions veut que les jeunes filles se fassent kidnapper par un garçon pour être mariée à celui-ci.
"C’est lorsque j’ai commencé à me concentrer sur cette problématique que mon film a pris un tournant plus horrible", a raconté la réalisatrice.
Malgré que le long métrage aborde les problématiques difficiles du consentement et du poids des traditions empêchant l’émancipation de certaines populations, il en reste néanmoins solaire. Les moments d’intimités dans la famille de Di, entre festivités et quotidien, laissent entrevoir des scènes parfois légères et même joyeuses. "Je filmais ce que la famille tenait à me montrer : leurs récoltes, la fabrique des vêtements, les moments au coin du feu... Et Di aimait beaucoup que je la filme pendant qu’elle chantait", indique Ha Le Diem.
Un conflit générationnel
Les différentes scènes se succèdent et l’inévitable se produit : la jeune Di se fait kidnapper, comme sa sœur à son âge, et se voit confronter à un mariage imminent et pourtant illégal aux yeux de la loi vietnamienne. Di fait partie de la première génération de son village a avoir accès a l’éducation, et rêve de longues études pour "gagner beaucoup d’argent" et emmener sa mère, restée au village depuis toujours, visiter de beaux endroits. Se marier si jeune ne fait pas partie de ses projets, et Di refuse catégoriquement de se lier au garçon qu’il l’a enlevée, malgré la pression familiale.
"Il persiste un conflit générationnel au sein de la communauté Hmong. Il y a une volonté de faire perdurer la tradition, mais celle-ci est désormais confrontée à la pensée moderne des jeunes qui vont à l’école - celle de Di n’existe que depuis 10ans. Bien que la loi interdit le mariage des filles de moins de 18ans et des garçons de moins de 20ans, les habitants du village n’en tiennent pas compte. L’État tente d’améliorer la situation par l’éducation, et demande une certaine somme d’argent si un tel mariage ce produit. La police agit en cas de kidnapping seulement si celui-ci donne lieu à des ventes de jeunes filles à la frontière (chinoise)", témoigne Ha Le Diem.
Une expérience immersive
Par son immersion de plusieurs années au sein de la famille de Di, la réalisatrice n’a pu s’empêcher de s’attacher à la jeune fille et de prendre partie quand cette dernière fut confrontée au mariage. "Elle était devenue comme ma petite sœur, et je ne trouvais pas que le garçon qui l’avait kidnappée était quelqu’un de bien pour elle. "
Malgré sa présence au sein du foyer, Ha Le Diem a rencontré quelques difficultés à comprendre les positions de la famille et notamment de la mère de Di. "Je ne parle pas le dialecte des Hmongs, je filmais beaucoup selon mon ressenti. Quant à comprendre comment la mère de Di réagissait, c’était plus compliqué. Elle me comprenait en Vietnamien, mais ce n’était pas mon cas, confie la réalisatrice. Je pense qu’elle était principalement influencée par sa culture et par le fait que son fils, un jour, pourrait kidnapper à son tour une jeune fille."
L’objectif de Ha Le Diem laisse transparaître toute la bienveillance de cette dernière pour la jeune Di, mais également toute cette impuissance et incompréhension que l’on peut avoir face au poids des traditions. Elle présente ainsi un long métrage qui se veut au plus près de la réalité qui trouve toute sa place dans la programmation dérangeante du Ramdam festival.
Le film sera de nouveau représenté au Ramdam le 21 janvier à 8h55.