Le fabuleux destin de Paula, née à Odessa en 1890 (vidéo)
C’est un enregistrement exceptionnel et émouvant, réalisé fin des années 70, qu’ont reçu les arrière-petits-enfants tournaisiens de Paula, leur aïeule née à Odessa alors que cette ville faisait partie de l’empire russe. La jeune femme, qui a épousé l’éminent professeur Charles Cohen, a connu un destin tout à fait exceptionnel et c’est avec un savoureux accent qu’elle nous transmet ce précieux témoignage.
Publié le 13-01-2023 à 12h06 - Mis à jour le 13-01-2023 à 12h12
C’est dans la ville d’Odessa (aujourd’hui ukrainienne), à une époque où son port est encore considéré comme le 2e plus important de l’empire russe, que Pauline Brodsky - dite Paula - voit le jour, le 28 juillet 1890. Elle ne connaîtra jamais ses arrière-petits-enfants tournaisiens, et inversement bien évidemment. Elle se trouvait à Odessa lors de la célèbre révolte sur le cuirassier Potemkine.

C’est par des témoignages apportés par des cousins, que la famille tournaisienne en a appris un peu plus sur le fabuleux destin de leur aïeule.
Des témoignages complétés par des propos recueillis auprès de Paula elle-même à la fin des années 70 par des membres de la famille. Un incroyable témoignage dont l’enregistrement n’a été transmis que très récemment aux arrière-petits-enfants.
Un besoin de liberté qui l’incite à découvrir l’Europe

Paula n’a que 16 ans quand elle part, avec une cousine, vivre à Berlin où elle ne restera qu’une seule année. L’europe la séduit et elle en découvre les richesses à l’occasion de nombreux voyage.

En avril 1913, elle se marie avec un médecin âgé de 32 ans, le professeur Charles Cohen. Celui-ci avait obtenu son diplôme 10 ans plus tôt, ce qui en faisait l’un des plus jeunes représentants de cette profession dans notre pays à l’époque. Chez nous, il allait devenir un pionnier de la médecine infantile. Ami de Jules Bordet, Charles Cohen est aussi passionné de bactériologie et d’immunologie. Il deviendra l’un des premiers pédiatres du pays et professeur en ce domaine à l’ULB.
Sa rencontre avec Paula est évoquée dans un article que le Soir rédigeait en hommage au centenaire de sa naissance.

" Il s’était marié en 1913 avec une jeune fille d’Odessa dont il s’était amouraché et qu’il avait été personnellement arracher à sa Russie natale, non sans difficulté ", écrivait le journal bruxellois le 10 mars 1981. L’insécurité qui règne à Odessa pousse Paula à accepter la demande de Charles, malgré ses envies de liberté.
Le couple s’installe à Bruxelles. Suite à la naissance de Véra, en 1914, les parents de Paula lui rendent visite et s’installent définitivement dans la capitale ; les frontières vers la Russie sont fermées en raison du conflit. Reconnus comme réfugiés les parents perdent tous leurs biens lors de la Révolution russe en février 1917.
L’exode, et le départ vers les USA pour fuir la barbarie nazie

Charles et Paula auront trois enfants dont leur plus jeune fille, Maroussia qui vit toujours dans la capitale, célébrera son centième anniversaire le 2 mai prochain. Elle a hérité de ses parents cette passion pour l’art qui poussait régulièrement Charles et Paula à inviter des artistes à leur table. Dont le célèbre peintre Georges Creten qui avait (notamment) pour muse une certaine… Paula.
En 1941, Paula et sa famille évacuent pour échapper aux rafles des nazis.
Après des mois d’errance, la famille embarque vers les USA depuis Lisbonne. Charles Cohen décède inopinément à Londres en 1942, où l’a conduit une mission spéciale de la Croix Rouge.

Paula et les enfants reviennent à Bruxelles à la libération. Dans la capitale, Paula partage son temps entre ses activités de bénévole à la bibliothèque de l’Innovation et des séjours à Venise où la communauté russe est fort représentée.

Si une partie de sa descendance vit aujourd’hui dans la cité des cinq clochers, elle le doit à l’une de ses petites-filles qui épousa l’architecte tournaisien (Dottignien d’adoption), Luc Clinquart (décédé en 2019), et qui lui donna trois arrière-petits-enfants et trois arrière-arrière (à l’heure où nous écrivons ces lignes).
Ces derniers n’ont pas eu le bonheur de rencontrer l’attachante et adorable Paula décédée en septembre 1982. Il leur reste cet enregistrement dans lequel elle transmet, avec un savoureux accent qui trahit ses origines, les bribes d’une vie riche et intense.