Nathalie Stalmans: un ouvrage d’abeille
Son roman historique " D’or et de grenat " suit avec passion les voyages des précieuses abeilles de Childéric. Tout commence à Tournai.
Publié le 02-01-2023 à 06h00
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Ce n’est pas la première fois que Nathalie Stalmans explore le monde mérovingien: un roman, paru en 2008, était centré sur la figure du roi Dagobert II, un descendant de Childéric. "Par ailleurs, cela fait longtemps que l’histoire du trésor de Childéric méritait davantage d’attention, confie l’historienne médiéviste. Il s’agit de pièces inestimables. Elles sont très bien exposées à Paris, au musée de la Bibliothèque Nationale."
D’hier et de miel
Nathalie n’en revient pas. À l’heure où paraît cet ouvrage, "j’ai entendu Thomas Dermine (PS) expliquer que le Fédéral avait introduit une demande de restitution des abeilles de Childéric à la France, dans l’émission Opinions PS du 20 novembre. La surprise s’est poursuivie avec la sculpture de Nick Ervinck qui a pris place, à Tournai, dans le quartier Saint-Brice, début décembre. Coïncidences vraiment incroyables !" C’est avec plaisir et patience que l’autrice a, durant des mois, construit son roman. L’itinéraire des célèbres petits bijoux d’or et de grenat commence à Tournai, passe par Bruxelles et Vienne, file à Paris. Le livre s’ouvre avec un poème de Victor Hugo, "Le manteau impérial", où l’écrivain s’adresse aux "chastes buveuses de rosée": "Envolez-vous de ce manteau !". En couverture, une miniature de Jean Bourdichon (1457 - 1521) montre le roi Louis XII et son cheval, parés d’ornements aux précieux insectes.
Adrien Quinquin
C’est une émouvante figure locale qui, moins de douze siècles après la mort de Childéric, suspend son geste d’ouvrier, au chantier Saint-Brice, le 27 mai 1653. "Les abeilles retombèrent à ses pieds. D’or et de grenat, elles étaient inanimées." Adrien Quinquin, le sourd-muet qui tente de se racheter suite à une maladresse amoureuse, "rendit grâce à Dieu, le remercia de l’avoir choisi, lui, pour un événement si merveilleux, peut-être un miracle, un homme comme lui ne pouvait pas savoir." Maître d’œuvre, curé, conseiller municipal et chanoine viennent constater la fameuse trouvaille. À qui appartient-elle ?
Avec un brin d’ironie et sa solide formation de chercheuse, Nathalie Stalmans pilote son récit comme une "reine" de l’étonnante ruche qu’elle fait surgir, une histoire à la fois. Les monarques d’Europe, Louis XIV, Napoléon, Pierre le Grand, mais aussi les Ottomans, le détective Vidocq, la vicomtesse de Nays-Candeau sont des "ouvrières" et "faux bourdons" d’une fresque qui se lit à pas d’apiculteur. L’Histoire de la Belgique s’y dessine en filigrane, intelligemment balisée, tissée, remuée. La poésie n’est jamais loin, tant l’écriture la sert avec talent. De savoureux dialogues, des intrusions et trajectoires dignes d’un polar, une lettre allègre, et cet attachement à des personnages à travers réalisme et renouveau d’une saga à rebondissements… "Je voulais un roman historique où l’Histoire restait en toile de fond, où on s’attachait aux personnages, où ils restaient près de nous après l’écriture ou la lecture."
"D’or et de grenat", éd. Samsa, 20 €