2022, l’année du vin en Wallonie picarde: «une exception qui deviendra la norme»
Le jardin viticole du Dieu des Monts (Frasnes-lez-Anvaing) n’a jamais été aussi précoce. Pour Jean-Christophe Verschelde, la récolte pourrait être avancée de trois semaines.
Publié le 05-08-2022 à 06h00 - Mis à jour le 05-08-2022 à 08h00
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Sur les hauteurs du Dieu des Monts, pas une seule voiture ne parvient pas à rompre la quiétude du lieu. C’est entre Frasnes-lez-Buissenal et Œudeghien que quatre mouscronnois ont créé un jardin viticole il y a déjà dix ans. Derrière les feuilles de vigne: Gilles Crippiau, Maxime Béarez, Bruce Ducatteeuw et Jean-Christophe Verschelde.
Ce dernier est consultant en vin pour le groupe Colruyt. C’est lui qui nous accueille au pied des pentes de ses vignes. 2022 sera-t-elle une année exceptionnelle pour le vin belge? " Elle sera intéressante", répond notre interlocuteur sans trop se mouiller. " Intéressante par sa précocité. Les fruits sont déjà bien développés et le feuillage est d’une grande qualité. Ce dernier paramètre permet à la vigne d’accumuler les sucres, d’obtenir un raisin bien mûr et donc, un bon niveau d’alcool."
Au Dieu des Monts, la vendange devrait avoir lieu " avec au moins deux voire trois semaines d’avance", estime Jean-Christophe Verschelde.
Faut-il le prendre comme une aubaine? " Ce sera un beau millésime si on maintient la vigne sous contrôle jusqu’à la récolte. Mais il n’y a rien de normal à ce que nous vivons cette année. Sans jouer les rabat-joie, je préférerais parler d’une année classique. Si 2022 est aussi exceptionnelle, c’est parce qu’on a connu un printemps et un été très ensoleillé, mais aussi très sec. On fera comment quand on devra composer avec le climat de Reims en 2030 et celui de Lyon en 2050? Avec un raisonnement à court terme, on se dit que la viticulture a beaucoup d’avenir en Belgique. Mais se féliciter du résultat qu’engendrera l’année 2022, je ne sais pas si c’est bien raisonnable", analyse le Mouscronnois.
Vers des cépages plus résistants
Exception faite de 2021, les derniers millésimes ont toustenu leurs promesses. "Surtout en 2020. Mais ce sera encore autre chose cette année", poursuit Jean-Christophe Verschelde. " On devrait produire entre 600 et 700 bouteilles des différents cépages que nous avons ici."
Depuis 2012, les quatre vignerons cultivent du Pinot Gris, du Pinot Auxerrois, du Chardonnay, du Pinot Noir, du Saint-Laurent, du Muscat Bleu et du Sauvignon, des cépages classiques moins résistants aux maladies que ceux qu’ils ont plantés en 2020. On y retrouve du Rondo ou du Johanniter. " Se tourner vers des cépages plus robustes et moins capricieux permet aussi d’aborder la viticulture avec une approche plus naturelle. Ici, on évite de pulvériser, de répandre des pesticides et des insecticides sur la vigne et dans le sol.C’est plus de boulot pour nous, surtout entre avril et juillet, mais c’est aussi plus valorisant. Tous les quatre, je crois que nous sommes fiers de travailler dans le vin et d’en produire et de le faire découvrir."
Est-ce le raisin, l’avenir de l’agriculture en Belgique? Se poser la question, c’est déjà y répondre. " Sur une note plus positive, disons qu’il y a des défis importants à relever pour les vignerons en Belgique. On pourra se concentrer de plus en plus sur les vins rouges. Il y a des perspectives intéressantes pour les années à venir", conclut le vigneron.
«Un agriculteur doit savoir s’adapter et se diversifier»
À Ostiches, Adrien Degrave a souhaité se diversifier en 2019, après avoir pris la suite de l’exploitation agricole de ses parents. " En tant que jeune agriculteur, j’ai connu la crise du lait, particulièrement éprouvante en 2016 et je ne voulais pas revivre ça."
Un moment charnière qui a poussé le jeune exploitant à opérer la bascule. Sur ses terres, Adrien produit encore des céréales ou de la betterave, soit tout ce qui se fait traditionnellement dans la région. Mais pas uniquement. " Certaines cultures ne sont plus aussi rentables, voire plus rentables du tout", estime l’intéressé.
Profitant des contreforts du Pays des Collines, il décide de se lancer dans la viticulture il y a trois ans. " J’ai commencé par deux hectares et j’en ai planté deux nouveaux début 2022 (des cépages classiques comme le Chardonnay ou le Pinot Blanc, que le vigneron souhaite transformer en vin effervescent). Comme il faut attendre la troisième année pour commencer à produire, la première récolte date de 2021." L’été particulièrement pluvieux a considérablement retardé la vendange. A Ostiches (comme ailleurs), celle-ci fut tardive puisqu’Adrien a attendu le 10 octobre pour cueillir le raisin et le transformer.
2022 sera l’exact opposé. "O n pourrait commencer la récolte à partir de mi-septembre. Le contraste est immense quand on revient onze ou douze mois en arrière, où on a dû composer avec des maladies fongiques comme le mildiou."
Ce cru s’annonce plus que prometteur en raison de l’ensoleillement des derniers mois et des températures. " On aura une quantité plus importante, mais c’est aussi parce qu’il s’agira de notre deuxième récolte. La date des vendanges est un des meilleurs indicateurs du dérèglement climatique. C’est inquiétant, mais c’est aussi et surtout pour ça que les exploitants doivent s’adapter et se diversifier », conclut Adrien.