À Verviers, le promoteur immobilier Filip Claessens ne compte pas lâcher La Ville dans la Ville
L'investisseur anversois Filip Claessens multiplie les projets à Verviers, avec conviction. Il y a un an, il inaugurait l’ensemble commercial La Ville dans la Ville. Depuis, bilan positif malgré les rebondissements et les fermetures? Son interview, dans le cadre des "Rencontres du samedi".
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Publié le 06-05-2023 à 07h30
Ouvert en mars 2022, le complexe commercial La Ville dans la Ville, à l’ex-imprimerie Leens, rue du Collège, a connu de nombreux rebondissements. Aujourd’hui, il ne reste que les magasins Jaggs et Choisyr, le glacier Gourmand’Ice, le coiffeur Alan et la brasserie Nonante-Quatre. On est loin des débuts…
Oui, on ne peut pas dire le contraire. Mais je pense que c’est aussi un peu «normal». Au début, on regarde ce qui fonctionne mieux ou moins bien. Et, aujourd’hui, on a une base de très chouettes commerces et services et, chaque jour, ce sont ces commerçants, ces indépendants qui font le maximum pour donner une certaine attractivité à l’endroit. Ceux qui sont là sont bien là et ceux qui sont partis n’avaient peut-être pas de raison de rester si les clients ne venaient pas pour eux.
C’est une déception, ce bilan, un an après l’ouverture?
Non, pas vraiment. On avance tous les jours dans ce projet, on change des choses et on ne baisse pas les bras. Le plus bel exemple est qu’on vient d’accueillir l’école de danse Salsa Loka qui s’est finalement installée au rez, dans les anciennes halles. Cette école va donner une belle dynamique, festive. Il y a des cours en soirée mais le but est aussi de prévoir des cours en journée et d’étendre l’offre avec de la zumba, du Pilates, du yoga…, dans cette salle-là aussi.
Il ne faut pas oublier non plus la boulangerie Darcis – qui est fermée malheureusement mais ça peut se comprendre vu la proximité avec son autre point de vente, pas si loin (NDLR : à Verviers-Ouest, sur l’esplanade de la Grâce, à côté de Crescend’eau) – dont la surface de vente a été reprise par le coiffeur Alan pour un concept store.
Quand vous voyez ça, l’école de danse, le concept store du coiffeur, ce sont des signaux positifs?
Tout à fait. Il faut aussi dire que si un commerçant décide de partir, on ne peut pas le remplacer en deux minutes non plus. Ça prend du temps pour trouver de bons partenaires, de nouveaux locataires. Petit à petit, on apprend des choses, on adapte le concept. Et les choses évoluent positivement.

Les fermetures successives ne vous donnent pas envie de claquer la porte de ce projet commercial?
Pas du tout. Le bâtiment est tout juste magnifique, la cour, l’intérieur, c’est superbe. Il n’y a aucune raison pour ne plus croire dans ce projet. Mais il faut aussi tenir compte du contexte économique actuel. Les commerçants ont subi la crise énergétique, l’indexation des salaires, donc certains, en fonction de ce contexte, ont décidé de partir, pas à cause de La Ville dans la Ville. On l’a vu avec les produits frais proposés dans les commerces des halles, qui ont besoin de beaucoup d’énergie pour tourner. Ces commerçants qui sont des indépendants n’avaient peut-être pas d’autre choix pour s’en sortir que de fermer.
En un an, les signaux négatifs se sont succédé : départ du directeur Stéphane Gillet, fermetures de commerces (Darcis, la halle, la fleuriste, les enseignes horeca), ouvertures annoncées puis non abouties. Ça fait beaucoup?
Pour l’horeca, oui, les enseignes se sont succédé mais, aujourd’hui, on conserve une offre horeca avec la brasserie. Au départ, j’avais l’horeca dans ma gestion personnelle du projet mais ça prend du temps donc j’ai dû trouver une autre solution. Je suis très content d’avoir cette brasserie car c’est un endroit chaleureux.
Si on fait le calcul, avec Alan qui a repris la surface de Darcis et la halle qui est de nouveau louée, on a perdu quelques commerces mais on a eu de la nouveauté quand même. Ce qui est plutôt dommage, c’est qu’on ait reçu une image négative. Certaines personnes pensent que La Ville dans la Ville, c’est un grand centre commercial mais non, on a une dizaine de petits commerces, une cour et une salle conviviale. Ce n’est pas un centre commercial mais un petit ensemble dans un bâti existant, dans un lieu d’exception rénové et qui appartient au patrimoine verviétois. Certains voient notre lieu comme un grand centre commercial mais ça n’en est pas un et je n’ai jamais dit que nous en étions un. Notre axe principal, c’est la convivialité dans un lieu magnifique, c’est là-dessus que nous voulons continuer à travailler pour attirer d’autres commerçants.
La halle a fermé ses portes en décembre 2022, c’était une nécessité?
Ce n’était pas mon choix. Ce sont des locataires qui ont décidé, ensemble, de dire « On ferme ». On n’allait pas n’en laisser qu’un seul ouvert. Pour cette halle, il faut quelque chose de cohérent qui occupe l’espace. Si on prend l’exemple de Goeders, certains clients venaient « en bas », dans La Ville dans la Ville, mais c’étaient les mêmes que ceux « d’en haut » (NDLR : rue des Minières). Il n’y avait pas une nouvelle clientèle à proprement parler mais une même clientèle divisée dans deux surfaces. En faisant ce constat, c’est normal que le commerçant n’ait gardé qu’un seul endroit.
Organiser des événements comme le défilé de mode de Choisyr et Jaggs qui a eu lieu fin mars, c’est une solution pour faire connaître le lieu?
Le lieu se prête évidemment à organiser des choses comme le défilé et c’est aussi le rôle des commerçants de proposer des choses pour utiliser le lieu au maximum. On a une très belle cour, on a une très grande salle. Tous les «communs» sont à disposition des locataires et c’est à eux de collaborer, de mettre de chouettes initiatives en place car le bâtiment s’y prête. Et je tiens à préciser une chose importante pour le bâtiment, malgré ce qu’on a pu lire, il est en ordre. Les pompiers sont venus l’inspecter, on a changé ce qu’on devait, et il est 100 % en ordre au niveau incendie.
Pour revenir à la question, comme on l’a vu avec le défilé de Choisyr et Jaggs, ce n’est qu’après un an qu’il a été mis sur pied. Il faut du temps pour que les commerçants se connaissent, créent des affinités. C’est pour ça que je dis qu’on ne peut pas juger le projet sur une année, il faut regarder plus loin. On a aussi besoin de quelques années pour que Verviers se reconstruise, que les habitants reviennent au centre-ville et que tout se relance. C’est un ensemble.
Donc, ce projet de La Ville dans la Ville, vous ne le lâchez pas?
Non, c’est un projet qui me tient personnellement à cœur. J’ai donné tout ce que je pouvais pour en faire une réussite. Peu de personnes le savent mais, au début, on avait un avis favorable pour construire 64 logements sur ce terrain, je ne l’ai pas fait. Ç’aurait été sans doute beaucoup plus rentable pour moi que ce projet-ci mais si j’ai fait ce choix, c’est vraiment parce que je trouve le lieu fantastique et que je voyais ces petits commerces dedans. C’est un projet personnel et j’espère que d’ici quelques années, il sera toujours là et que tout le monde dira que c’est un lieu convivial.
Une pluie de projets verviétois, pour du logement essentiellement
L’ancien Pauly Andrianne, en Sommeleville
« Ça avance dans le bon sens. Il y avait un problème de pollution du sol et on a travaillé avec une société spécialisée dans les études de sol. Normalement, je vais pouvoir acheter les bâtiments cet été puisque nous ne pouvions pas passer les actes avec ces problèmes. Ensuite, on va se pencher sur la partie du permis. On avait introduit un premier permis d’urbanisme à l’époque, on a dû modifier nos plans. Rien n’est encore introduit mais on travaille sur ce projet qui inclura entre 50 et 70 logements et quelques commerces. »
Le château Bettonville, avenue Peltzer
« C’est un des plus beaux bâtiments de Verviers. On avait parlé d’y faire un centre médical mais, avec la crise énergétique, on s’est posé la question de savoir si le bâtiment se prêtait vraiment à des petits cabinets. On a changé d’idée et on va faire 5 très beaux appartements dans le château et on va construire un immeuble, à côté du château, pour des appartements aussi. »
L’ex-Fourchette, en Crapaurue
« Le permis a été octroyé pour 3 logements et un commerce. On a peut-être l’impression que ça ne bouge pas beaucoup mais ce n’est pas vrai parce qu’à l’intérieur, surtout au rez, il y a déjà eu beaucoup de travail. Le rez-de-chaussée accueillera une tartinerie. L’emplacement est déjà loué et les travaux sont presque terminés. Pour le moment, on s’active surtout sur les étages. Les logements devraient être finis en août-septembre et le locataire du rez-de-chaussée devrait ouvrir à la même période. »
Dans la Galerie des Deux Places, à cheval sur les places Verte et du Martyr
« J’ai une partie au 1er, au 2e et, prochainement, j’aurai une partie au rez. Pour le moment, on ne peut pas y faire grand-chose parce qu’il y a de gros travaux en cours dans les caves. Ce sont des travaux très lourds, suite aux inondations, mais qui se terminent. Quand les caves seront en ordre, on pourra travailler sur les étages. Pour le moment, je l’avoue, il n’y a pas de plan concret mais ce sera de la rénovation pour une mise en location. »
La maison Gerken, place du Martyr
« C’est une de mes dernières acquisitions. C’était une enseigne de graines et de semences très connue, place du Martyr. La maison a beaucoup de cachet, sur le côté ensoleillé de la place. On va rénover toute la maison pour en faire un appartement triplex aux étages et un commerce horeca au rez. On va lancer l’appel aux candidats bientôt. Le but est d’avoir fini les travaux en même temps que le chantier de la place. »

L’ex-quincaillerie Piret-Lenain, rue Thier Mère Dieu
« C’est, pour moi, au niveau de l’intérieur, un des plus beaux magasins à Verviers. On va faire 5 logements aux étages, le permis est obtenu et les travaux sont en cours. Au rez-de-chaussée, je vais lancer un appel à candidats et j’y vois bien un bon restaurant, de qualité. Le bâtiment s’y prête parfaitement car il y a plus de 300 m2 au rez. Sur le parking arrière, on va construire un immeuble de 9 appartements. »
Et aussi…
Filip Claessens prévoit aussi 3 nouveaux logements, rue des Alliés («Là, j’attends encore le permis»), 4 logements au numéro 34 de la rue des Raines («Les travaux sont en cours») et, « bonne nouvelle, on a eu l’accord de l’AWaP (NDLR : l’Agence wallonne du patrimoine) pour introduire prochainement notre permis pour les numéros 46-48 de la rue des Raines pour 7 très beaux logements et 2 bureaux ».
Filip Claessens a également acheté les numéros 7-9 et 11 de la rue de la Concorde, pour y faire du logement, toujours.
Ça ne s’est pas concrétisé
Si le promoteur anversois a plusieurs projets sur la table, deux ne se sont pas concrétisés. Nous l’abordions en septembre 2022, l’ex-vitrerie Donckier, à côté des anciens établissements Pauly Andrianne, en Sommeleville, n’a finalement pas été achetée, « à cause des problèmes de sol, j’ai préféré annuler la vente ». Il en est de même avec l’ex-maison Lecomte, au croisement de la rue Grand’Ville et d’En-Mille, à Ensival, alors que le compromis de vente était en passe de se finaliser. « J’ai préféré ne pas aller plus loin dans les discussions en cours, surtout pour me concentrer sur le centre de Verviers. »
« Si on prend rendez-vous dans 5 ans, je suis sûr et certain que Verviers sera une autre ville »
Vous avez beaucoup de projets à Verviers, vous croyez tellement en cette ville? Pourquoi?
Je pense que Verviers a un très gros manque de logements de qualité. Dans tous les bâtiments existants que j’achète, on fait des rénovations de qualité, pour que les gens se sentent bien et pour accueillir de nouveaux habitants en ville. C’est ça, mon métier de base.

Et vous avez senti ce potentiel, à Verviers?
Oui, tout à fait. Avec les inondations encore plus. Il y a un manque important de logements. Verviers compte de nombreux beaux bâtiments donc c’est assez logique de dire « OK, rénovons de beaux bâtiments et créons de beaux logements pour les vendre ou les louer ». Dans la partie résidentielle, il y a vraiment beaucoup de choses à faire à Verviers. Dans la partie commerciale, c’est plus risqué, oui, mais une ville a besoin de commerces.
Vous êtes souvent à Verviers, vous connaissez bien la ville. Elle n’est donc pas morte?
Du tout. Depuis le début de l’année 2023, on a reçu beaucoup de signaux très positifs. On peut dire ce qu’on veut mais le projet City Mall, c’est un projet important pour rendre du logement au centre-ville, donc j’espère que le permis sera accordé pour le côté Spintay.
La vente du site Belgacom, c’est une grande et belle nouvelle parce que ça va permettre aussi d’accueillir un projet de qualité, avec beaucoup de logements, et, je le redis, on a besoin de logements au centre-ville. Verviers a une grande capacité en termes de construction de logements en ville, donc je parle du périmètre qui va de l’Harmonie jusqu’à l’église Saint-Remacle. Il y a un énorme potentiel.
Depuis 3 ans que j’investis à Verviers, je suis très content de voir que des dossiers avancent et ce sont des bonnes nouvelles. L’obtention des subsides pour le Grand-Bazar; Noshaq qui reprendrait les bâtiments de l’ex-Innovation; le projet de rénovation du théâtre, ce sont des bonnes nouvelles, positives.
Dire que Verviers est une ville morte? Non, je ne crois pas. Mais il faut du temps. Sur un an ou deux, on ne peut pas faire grand-chose. Il faut voir l’horizon à 5 ans, à 10 ans. Si on prend rendez-vous dans 5 ans, je suis sûr et certain que ce sera une autre ville.
Quand on fait la liste de vos projets, peut-on dire que vous êtes une des personnes croyant le plus en Verviers?
Je ne sais pas (rires). J’espère surtout qu’il y en a d’autres qui vont suivre. La majorité de mes projets sont des petits projets. Je choisis plutôt des bâtiments avec un certain caractère, avec une valeur architecturale, pour proposer des rénovations de qualité.