Covid, 2 ans déjà: quel impact sur nos Communes ? Nos mayeurs répondent
La crise Covid a plongé nos Communes dans une gestion inhabituelle pendant deux années. Des bourgmestres se souviennent et mesurent les dégâts humains et économiques.
Publié le 09-03-2022 à 08h00
"Un challenge", voilà comment décrit ces deux années écoulées celle qui a été à la tête de la Conférence des bourgmestres au temps fort de la crise, Valérie Dejardin, par ailleurs mayeure de la ville de Limbourg (NDLR: la bourgmestre de Plombières Marie Stassen vient de reprendre la présidence de la Conférence). "Il a d'abord fallu faire exister l'arrondissement de Verviers – soit le plus petit arrondissement et qui est parfois oublié – au sein de la cellule de crise provinciale. Et on a été très bien accueilli et soutenu", tient-elle à souligner. L'autre défi, c'est celui de "trouver des compromis avec mes collègues" soit les autres mayeurs des communes verviétoises pour mettre en place une politique cohérente "du début à la fin, sachant que la réalité d'une commune n'était pas celle d'une autre. Une des difficultés à laquelle on a dû faire face aussi, c'est la différence entre province de Liège et la Communauté germanophone. On a dû rester soudés entre bourgmestres de l'arrondissement pour ne pas succomber aux décisions différentes en Communauté germanophone."
Missions accomplies aux yeux de Valérie Dejardin quand elle jette un œil dans le rétroviseur des décisions prises: "On a été cohérent au niveau des masques. On s'est battu pour obtenir différents points de vaccination. On a géré les manifestations de manière uniformisée, la gestion des hôpitaux, la problématique de la fréquentation et du stationnement dans les Hautes Fagnes, tous ensemble."
Une période qui restera à jamais gravée dans sa mémoire pendant laquelle il fallait rebondir localement "souvent le week-end, des suites du Codeco du vendredi. Je me souviens encore avoir eu une réunion le 24 décembre (2020) à 17 h avec les services du gouverneur de la Province de Liège". S'il est difficile pour Valérie Dejardin de tirer le bilan de l'impact de la crise sur les autres communes de l'arrondissement, pour la sienne (Limbourg), l'absence de festivités et donc de coûts liés à celles-ci, les écoles fermées et donc l'absence de factures énergétiques ont entre autres permis d'équilibrer les dépenses d'aides aux personnes impactées par le Covid. "On risque de subir une perte avec des commerces qui pourraient ne pas rouvrir mais est-ce le Covid qui en est responsable ou les inondations?" Difficile de conclure. Si l'ex-présidente de la Conférence des bourgmestres salue aussi deux ans "de solidarité des citoyens face à la crise", elle souligne tout de même qu'il n'a pas été simple en tant que mandataire d'avoir été "confronté à la révolte et la colère de la population" face aux mesures. Aujourd'hui, place à "l'optimisme, dit-elle. Tout cela est derrière nous et on se dirige vers une vie plus normale".
Pepinster: des mesures avant les autres «qui ont porté leurs fruits»
On se souvient: au tout début de la crise sanitaire, Pepinster rendait obligatoire le port du masque dans les commerces et les files d'attente avec distanciation sociale avant même que ces mesures ne soient institutionnalisées par les autorités supérieures. Et pour le représentant de la Commune, Philippe Godin, "ces mesures ont porté leurs fruits, elles ont permis de bien nous en sortir au niveau du nombre de cas durant une longue période", se remémore-il.
Quant à la question de savoir si Pepinster a beaucoup souffert financièrement de la crise Covid, le bourgmestre note une diminution du précompte professionnel de l'ordre de 350 000 euros pour l'année 2021. "Cela représente une perte importante pour les années à venir On doit faire face à cela. En ce qui concerne l'aide aux impactés du Covid, nous avons été aidés par la Région wallonne, donc on ne peut pas dire que nous avons été impactés de manière conséquente financièrement." Au-delà des finances communales, Philippe Godin se dit davantage préoccupé par les effets de deux ans de Covid sur la population. "Le bilan est inquiétant au niveau psychologique, commente-t-il. Depuis deux ans, l'insouciance a disparu. Sont venues s'ajouter au coronavirus les inondations, et maintenant la crise ukrainienne. Beaucoup de personnes sont au bout du rouleau. On le ressent au sein de l'administration et de la population. Les personnes doivent reprendre confiance en l'avenir." Et la levée de toute une série de mesures contraignantes combinées "au printemps" vont aider d'après lui au retour de l'optimisme. Le mayeur tire par ailleurs un bilan positif de la gestion du centre de vaccination sur son territoire. "Il a été extrêmement bien géré par les équipes et jouit d'une notoriété en termes d'accueil, il participe à l'image positive qu'on se fait de la commune de Pepinster".
Verviers avait été la ville la plus touchée de Belgique
Deux ans de Covid. Une période qui a paru "fort longue" à la bourgmestre de Verviers, Muriel Targnion, comme nul doute "à l'ensemble des citoyens". "Il y a eu deux grandes périodes. La première, 2020, où les réunions s'enchaînaient avec la Province, où on a abattu un gros travail administratif ne sachant pas du tout vers où on allait, ne sachant faire aucune promesse sur l'avenir et en faisant face à une forme d'incohérence du début dans les mesures avec l'incompréhension des secteurs qui en découlaient." En octobre 2020, Verviers était d'ailleurs la ville belge la plus touchée par l'épidémie, ce qui avait poussé la bourgmestre à imposer deux mesures additionnelles au Comité de concertation (interdiction des activités sportives, culturelles ou autres pour les moins de 12 ans et fermeture des lieux de culte). "Une année marquée par les décès", s'attriste-t-elle. En effet, Verviers compte 33% de décès en plus pendant la première année de Covid, (717 personnes domiciliées à Verviers contre 537 en 2019). La seconde année, soit 2021, "a été marquée par le vaccin, les antivax, la colère et l'agressivité des personnes face à une crise qui aura encore duré un an malgré l'arrivée des vaccins". L'impact psychologique est grand aux yeux de la bourgmestre. "C'était des moments extrêmement compliqués pour tout le monde. Notre vie était limitée. Il y avait une morosité ambiante" qui disparaît petit à petit. "On ne porte plus le masque, l'avenir paraît beaucoup plus rose. On est dans une gestion de la maladie. J'espère qu'il n'y aura pas de retour arrière, je ne pense pas. Peut-être en automne. En tout cas, on serait mieux armé que pour les deux hivers précédents". Muriel Targnion n'oubliera jamais cette période de sa carrière pendant laquelle elle voyait Verviers souffrir encore plus d'un point de vue économique. "Les commerces avaient déjà du mal avant le Covid, le centre-ville subissait des fermetures successives, la population ne répondait pas aussi présente qu'avant. Et on a couplé cela aux inondations."
Malmedy: «On a connu toutes les phases»
Malmedy, en "première ligne pour tout", résume Jean-Paul Bastin, le bourgmestre de Malmedy. "On s'est beaucoup impliqué du fait d'avoir un hôpital, d'avoir été centre de tri, centre de testing, centre de vaccination. On est la seule commune de l'arrondissement de Verviers à avoir connu toutes les phases". S'il y a bien des moments ou des événements qu'il n'oubliera pas, ce sont "ces radios du début qui montraient les poumons des premiers patients atteints du Covid qui se faïencent, ces moments où on dévalisait les pharmacies pour avoir des masques, la solidarité malmédienne générale et des couturières du carnaval qui confectionnaient des milliers de masques, la présence militaire devant l'hôpital alors que les rues étaient quasi désertes, le surtourisme dans les Fagnes, l'aménagement des urgences Covid". Beaucoup "d'images fortes" pour le mayeur et son équipe dans "le royaume de la débrouille du début". Sa commune a souffert. À l'heure du bilan, il assure que sa commune a souffert du Covid "comme toutes les autres" d'un point de vue économique. "Davantage de personnes ont poussé la porte du CPAS, parfois de nouveaux profils de personnes. On connaît aussi une diminution des taxes des suites de la diminution de l'activité et dont une partie a été compensée par la Région. Je pense aussi par exemple au Grand Prix qui a eu lieu en huis clos en 2020, ce qui représente une grosse moins value sur toute une série de choses." "Boutade" mais réalité: ce mandat est pour lui le mandat "de gestionnaire de crise", dit-il, faisant référence au Covid, aux inondations et à la crise ukrainienne. En cette semaine où le masque disparaît petit à petit de notre quotidien, Jean-Paul Bastin se réjouit de l'avenir. "On ne vivra pas éternellement avec une pandémie".
Herve: «Nous sommes allés une fois au-delà des recommandations»
La ville de Herve ne fut pas épargnée par le Covid, la crise "laisse des traces, elle a modifié pas mal d'habitudes et certains ont souffert physiquement… ou ne sont plus là pour le raconter", déplore Marc Drouguet, qui mesure l'énorme coût, pour les finances communales, d'une telle crise. "Il y a eu le plan de relance, le plan de redéploiement et il y a le report de toutes les taxes qui est énorme! La vie en société, aussi, fut lourdement touchée car tout était à l'arrêt (heureusement, le code jaune permet de relancer les activités, je suis d'ailleurs en train de signer les autorisations laissées en suspens jeudi dernier). Il n'était d'ailleurs pas toujours amusant de devoir exécuter ce que d'autres niveaux de pouvoir nous imposaient. Aussi, si le virus a fait peur lors de la première vague, il fut d'un impact énorme lors de la seconde vague. À l'automne 2020, tout le monde connaissait une personne infectée. C'est d'ailleurs à ce moment que nous sommes allés au-delà des recommandations: on a fermé les écoles une semaine avant les vacances de Toussaint et interdit les stages des enfants. Toutes nos écoles étaient touchées."Cette épreuve à laquelle le bourgmestre de Herve n'était pas préparé, "quelque chose qu'on n'attendait pas et qu'on espère ne plus vivre", doit selon Marc Drouguet servir à tirer des enseignements. Sur la gestion communale d'un pôle majeur comme un centre de vaccination, par exemple. "On a prouvé qu'on parvenait à l'organiser au quotidien avec nos services, c'est positif. Et ce centre a permis aussi d'aider une association locale qui ne pouvait plus louer le Hall de Criées. Il va falloir retirer du positif de toutes ces épreuves, sortir des éléments pour mieux gérer plus tard même si on croise les doigts pour que ça ne recommence plus. Je suis quelqu'un de positif, mais aussi de réaliste", conclut Marc Drouguet qui ne peut cacher, actuellement, ses craintes pour ce qui ébranle notre société à l'Est de l'Europe.