Aujourd'hui Fairebel, c'est 13,5 millions de litres de lait solidaire (vidéo)
Fairebel soufflera ses treize bougies cette année et Erwin Schöpges, président de la coopérative Faircoop, nous confie qu’ils ne comptent pas s’arrêter en si bon chemin.
Publié le 22-02-2022 à 07h00
"2020 a été une super année pour nous. Les ventes ont augmenté parce que les consommateurs sont plus sensibles aux produits locaux, explique Erwin Schöpges. Ils ont compris l'importance de soutenir les producteurs belges, au lieu d'acheter des aliments provenant de l'étranger. Espérons que ça dure."
Depuis lors, les volumes de vente sont restés identiques. La première année de production en 2010, Fairebel était à 800 000 litres de lait vendu par an. Aujourd'hui, c'est 13,5 millions de litres qui s'écoulent chaque année. "Le projet Fairebel n'est pas que de vendre, sinon on serait déjà beaucoup plus imposant sur le marché. Notre objectif est que le consommateur adhère à notre philosophie, s'identifie à la marque."
Ces chiffres sont ceux de la filière lait. Entre-temps, Fairebel n’a pas chômé puisque deux filières ont vu le jour. La filière fruits peine encore à décoller et celle de la viande bovine n’a pas un an et doit encore faire sa place. Les producteurs retroussent leurs manches afin que 2022 soit synonyme de succès pour ces deux nouveaux arrivants.
Des valeurs fortes et persistantes
Depuis la création de la coopérative, ce sont les mêmes valeurs qui font battre le cœur des producteurs Fairebel. Quand on demande au président s'ils ont l'intention de faire du lait végétal pour satisfaire les intolérants ou les véganes, la réponse est simple: "notre but est de sauvegarder les exploitations familiales belges et les pâturages. On pourrait faire du lait d'avoine, mais ça ne permet pas cette sauvegarde." Les objectifs de 2009 font donc toujours partie de l'ADN de Faircoop.
Parmi les piliers essentiels de la coopérative, il y a le respect de la nature et de la planète. La nourriture saine pour les animaux élevés au grand air est bien sûr au programme. Mais ils ne s’arrêtent pas là.
Des emballages 100% biosourcés pour le lait et des barquettes en carton pour les fruits permettent également de réduire le nombre de déchets non recyclables. Il n’y a que la viande qui contient encore un peu de plastique utile à la conservation et détachable du carton afin de trier les composants de l’emballage.
Équitable mondialement
Fairebel est présent en Suisse, en France, en Allemagne, au Luxembourg et en Italie. La démarche ne s’arrête pas aux frontières de l’Europe. Parmi leurs grands projets, il y a celui d’aider les producteurs des pays en voie de développement, afin que tous puissent recevoir un revenu à la hauteur de leur travail.
Ainsi, le cacao dont Fairebel a besoin pour les petites briques de lait belge provient de Côte d’Ivoire, du Ghana ou encore du Burkina Fasso.
La coopérative collabore aussi avec Enabel, une organisation belge qui contribue à favoriser le développement durable dans les pays moins avancés, et Oxfam. "L'intérêt de travailler main dans la main avec ces associations est de créer une vraie solidarité entre les producteurs du monde entier" explique Erwin Schöpges. En 2022, ce dernier espère également pouvoir augmenter le nombre de collaborations. Dans un monde où l'urgence climatique nous pousse à trouver des alternatives pour notre manière de consommer, c'est aussi une belle occasion pour prouver qu'il est possible de faire du commerce autrement.
La visibilité avant tout
Bien que les produits Fairebel ne sont pas au contact de pesticides, ils n'arborent pourtant pas encore le label bio. Pourquoi? Tout simplement parce que les chaînes de distribution ne sont pas tentées d'en vendre. "Les magasins mettent en rayon des produits bio appartenant à leur marque privée. Ils ne veulent donc pas de nos produits bio, explique Erwin Schöpges. Et de toute façon, il faudrait les vendre plus cher, et nous n'en avons pas envie non plus." Pour l'instant, seule la glace affiche le Biolabel.
Le pari est aussi d’être de plus en plus connu auprès des citoyens, et cela passe par des partenariats. Depuis 2017, Fairebel organise l’opération "Lait à l’école", avec le soutien de la Région wallonne et du Fonds Européen Agricole de Garantie (FEAGA). Ils offrent gratuitement leurs petites briques de lait au cacao dans 300 établissements scolaires belges du primaire. Cette année encore, Faircoop souhaite charmer encore plus d’écoles. Une fois convaincus, les consommateurs les plus fidèles et les plus persuasifs auprès des adultes sont bien sûr les enfants.
Une croissance à son rythme
Fairebel a encore beaucoup de projets en tête pour cette nouvelle année, mais il faut prendre son temps. Erwin Schöpges explique: "Si on grandit trop vite, on prend le risque de perdre le contact entre les producteurs et les consommateurs. On n'a pas envie de casser ce lien-là, mais on souhaite aussi se développer. On a tellement d'idées de projets que je pourrais vous en parler toute la journée. Malheureusement, il faut aussi que le portefeuille suive." Tous ces projets ont un coût et une organisation qu'il faut coordonner.
Bref, l’horizon 2022 paraît chargé en objectifs et en désir de développement pour Fairebel. De nouveaux produits sont en préparation, toujours aussi locaux et équitables.
L’organisation de fermes ouvertes devrait se faire dans l’année. Les citoyens auront donc l’occasion d’approcher les vaches, de découvrir l’envers du décor, et pourquoi pas, de boire un verre de lait frais.

Dans les hauteurs de Pepinster, une ferme en bord de route abrite un producteur de lait Fairebel, sa compagne et leurs 50 vaches. Marc Bonaventure est un fidèle de la coopérative. Depuis sa création en 2009, il ne lui a jamais tourné le dos. Cette année-là, le prix du lait était à 0,20€/L. Une broutille. Les producteurs avaient d’ailleurs manifesté en déversant leur lait dans les champs de Ciney. La suite, on la connait. L’arrivée de Fairebel a permis aux producteurs de lait d’être rentables. D’après une enquête de 2021 menée par l’European Milk Board, les coûts de production du lait en Belgique en 2019 s’élevaient en moyenne à 0,46€/L. "Aujourd’hui, grâce Fairebel, on a un revenu. Même si on est un peu en dessous de cette moyenne, ce n’est plus comme en 2009." confie Marc Bonaventure.
La demande grandissante
Ces derniers mois ont été marqués par des événements qui auraient bien pu avoir des incidences importantes pour les producteurs Fairebel. Heureusement, la conjoncture leur a plutôt profité. Les consommateurs sont devenus plus friands des produits locaux, et notamment de beurre. Au début de la crise sanitaire, les Belges se sont aussi rués sur le lait. "Ce qu’on produisait d’habitude en trois semaines, on le produisait en trois heures au début du premier confinement, confie le producteur de Pepinster. Il fallait pouvoir suivre la demande."
Les grosses pluies ont tout de même eu des conséquences sur les productions de cet hiver. Les herbes ont perdu de leur valeur nutritionnelle et Marc Bonaventure a donc dû acheter du fourrage dont il se passe habituellement. Mais l’alimentation des animaux doit rester qualitative. Il explique: "Nous ne sommes pas obligés de donner des aliments spécifiques à nos bêtes quand on est chez Fairebel. Mais on est suffisamment sensibilisés pour utiliser des herbes, des céréales et des betteraves, plutôt que des OGM."
La relève est assurée
L’augmentation du prix du litre de lait a permis à la famille Bonaventure, comme à d’autres, de vivre plus décemment. En 2009, face à la crise du lait et en voyant les bas salaires, le fils Bonaventure a préféré suivre une voie différente. Mais aujourd’hui, lui-même père de deux enfants, il pense doucement revenir à la maison familiale, et pourquoi pas, reprendre le flambeau. "Il est électricien, il a des journées à n’en plus finir. Je ne suis pas encore prêt à prendre ma retraite, mais on y pense." Une affaire de famille qui ne s’arrêtera pas de sitôt.

Marc Bonaventure nous confie qu’il se réjouit de retrouver les consommateurs au coin des rayons de supermarchés. Chez Fairebel, les producteurs interviennent à tous les maillons de la chaine. Ils sont avec leurs animaux la plupart du temps, mais apprécient aussi expliquer leur travail et leur philosophie directement aux stands de dégustation des grandes surfaces ou des foires agricoles. "On veut faire découvrir nos produits, être au contact des gens. C’est ça qui compte."
Malheureusement, cela fait longtemps qu’ils n’ont plus eu l’occasion de le faire. L’été dernier, ils sont venus en aide aux sinistrés en distribuant leurs produits gratuitement. "On a eu ce contact avec les habitants et c’était important pour nous d’être présents, même si ce n’est évidemment pas pareil." souligne le producteur.

C’est un métier qui dépend du bon vouloir des saisons. Le gel au printemps ou des torrents de pluie en été peuvent bousculer une récolte entière. C’est ce que nous explique Xavier Laduron, producteur de pommes et de poires à Warsage et responsable de la filière fruits chez Fairebel.
"L'afflux d'eau qu'on a eu en juillet a amené des champignons sur les feuilles de nos pommiers, alors que nous étions en pleine saison." témoigne le fruiticulteur.
Ni une, ni deux, Xavier a donc coupé les feuilles de ses pommiers le plus rapidement possible pour éviter que la maladie ne se propage. Mais le mal était déjà fait: la majorité des fruits étaient invendables en barquettes dans les grandes surfaces. Ces fruits sont alors devenus ce que Xavier appelle des fruits d’industries, c’est-à-dire qu’ils sont vendus pour être transformés en produits à base de pommes.
En théorie, il existe trois classes de pommes: la classe premium dans laquelle se trouvent les beaux fruits présents en grande surface; la seconde classe, que l’on retrouve dans les magasins qui cassent leurs prix; et la dernière est celle qui regroupe les fruits moins beaux, mais toujours comestibles, qui seront transformés pour en faire des jus ou des compotes par exemple.
Pour Xavier Laduron, les inondations de l’été dernier ont considérablement augmenté le nombre de fruits de cette dernière classe, au détriment de la première.
Il ajoute: "le risque reste présent pour la saison prochaine. On pense avoir coupé les feuilles à temps, mais si ce n'est pas le cas, des soucis sont encore à prévoir." Cette situation représente un manque à gagner pour le producteur, d'autant plus que la récolte des pommes et poires n'a lieu qu'une fois par an.
Les changements climatiques au cœur des saisons
Les inondations ou les périodes de fortes intempéries amènent donc des maladies, et le dérèglement climatique n’aide pas non plus les récoltes des producteurs.
Xavier Laduron explique: "Ça fait plusieurs années qu'il gèle au printemps. Nos fruits ne sont pas tous vendables par la suite. On ne va pas se mentir, quand ils ne sont pas beaux, personnes ne les achètent."
Consommer local pour réduire l’empreinte carbone
Ce n’est pas pour autant qu’il désespère. Ces dernières années, les manifestants pour le climat ont proposé de consommer plus local pour réduire l’empreinte carbone de chacun. C’est aujourd’hui ce que défend Fairebel, et Xavier a l’espoir que les consommateurs soient de plus en plus demandeurs.
Entre les inondations, la crise Covid et les grèves chez Carrefour qui empêchaient certains magasins d’être livrés, cette première année a été compliquée pour la filière fruits Fairebel. Mais les producteurs de la coopérative comptent bien rebondir en 2022.
Et pourquoi pas proposer du jus ou des compotes étiquetés Fairebel? Affaire à suivre.

En novembre 2020, Fairebel a lancé la filière fruits (pommes et poires). Une seconde filière qui a eu du mal à s’imposer dans les grandes surfaces de Belgique. Si Carrefour et Colruyt sont désormais convaincus, les autres grandes enseignes restent encore timides.
"Avec Fairebel, on propose de la qualité tout en respectant la nature. Il n'est pas question de pulvériser des produits toxiques sur nos arbres, explique le producteur warsagien. Donc oui, on est peut-être plus chers que certains autres fruits belges, mais on a des valeurs auxquelles on croit."