La devise de Verviers, le fil conducteur d’un livre d’Edwy Plenel
Le journaliste français fondateur de Mediapart Edwy Plenel est de passage à Verviers pour y faire des recherches pour son prochain livre.
Publié le 21-08-2019 à 08h24
:focal(507x301.5:517x291.5)/cloudfront-eu-central-1.images.arcpublishing.com/ipmgroup/KPOTBWIPWBCR3NRRVB6WS2BCCU.jpg)
Edwy Plenel, vous êtes de retour à Verviers pour trois jours. Vous avez passé l’après-midi dans les archives de l’Hôtel de Ville. Qu’est-ce qui vous emmène dans les documents du passé de la Ville?
Je suis en train d'écrire un livre sur la liberté de la presse qui va s'intituler La sauvegarde du peuple. Quand je suis venu l'année dernière à Verviers (NDLR: le journaliste français était l'invité majeur du Festival Libertad en mai 2018), je suis tombé en arrêt devant l'Hôtel de Ville, car la formule inscrite sur son fronton j'en connais l'histoire. Et Verviers est la seule qui en porte témoignage dans le monde entier, alors même que son histoire est oubliée en France.
Quelle est l’histoire qui se cache derrière cette devise «Publicité, Sauvegarde du peuple»?
La Révolution française qui a commencé en 1789 est aussi une révolution du journal: se libérer de la censure, pouvoir raconter ce qu’il se passe dans les assemblées, exprimer ses opinions, débattre… La question de la liberté de la presse a été d’emblée importante. Le 13 août 1789, le premier maire de Paris, Jean Sylvain Bailly, à l’Hôtel de Ville fait une proclamation où il dit «La publicité est la sauvegarde du peuple». Cette formule qu’on retrouve au fronton de l’Hôtel de Ville de Verviers est un résumé de cette formule fondatrice de la radicalité démocratique.
Que représente concrètement cette phrase aujourd’hui?
C’est une phrase étonnamment moderne, qui vaut encore aujourd’hui. Cela veut dire pour notre métier (de journaliste) que tout ce qui est d’intérêt public doit être public. Tout ce qui concerne la volonté du peuple, l’argent des impôts… doit être public. Cette formule a été très populaire durant le déroulement de la Révolution Française. Elle était sur les écussons des colporteurs de journaux ainsi que sur les écussons des huissiers de l’Hôtel de Ville sur une formule différente.
Pourquoi la Ville de Verviers porte-elle cette formule, cette devise?
Ce qui m’amène à Verviers, c’est évidemment ce lien, mais c’est aussi justement pour essayer de comprendre une énigme. Alors que cette formule formidable par rapport à la question de la liberté de la presse, du droit de savoir, de tous ces enjeux démocratiques, est oubliée en France depuis 1792-93, voilà qu’elle ressurgit en 1830 à Verviers au moment de la Révolution belge et de la naissance de l’État belge. La question: c’est d’où le premier bourgmestre Pierre David a-t-il eu l’idée de cette formule? Car il n’y a aucune trace d’une autorisation permettant l’inscription de cette formule à la place de ce qui était avant inscrit «Maison communale».
Cette formule sera donc le départ de votre livre.
Je vais faire ce petit livre pour défendre l’actualité de cette phrase «Publicité, Sauvegarde du peuple», mais en racontant cette histoire comme une enquête historique. Je vais donc partir de Bailly et raconter Verviers. Je termine mes recherches. J’essaye de trouver l’origine de cette formule à Verviers, dans un article, un débat. Mais pour l’instant, nous (NDLR: avec l’aide d’historiens de la région) ne trouvons pas ce chaînon manquant (rires). Il faut faire de Verviers une capitale du droit de savoir!
La sortie du livre La sauvegarde du peuple est prévue pour janvier.