Dépénalisation de l’IVG: qu’en pensent-ils?
Le débat sur la dépénalisation de l’IVG fait l’actualité: voici l’avis de nos hommes et femmes politiques.
Publié le 04-05-2018 à 06h00
La dépénalisation de l’interruption volontaire de grossesse (IVG) est «partielle» (c’est-à-dire à certaines conditions), en Belgique, depuis 1990. Aujourd’hui, en 2018, il est question d’une dépénalisation totale, en faisant «sortir» l’avortement du Code pénal. Ces derniers jours, le débat fait rage au parlement fédéral et dans les médias. Pour? Sous quelles éventuelles conditions? Contre?
L'Avenir Verviers a posé la question à huit hommes et femmes politiques de notre région, issus des quatre grands partis (PS, MR, cdH, Écolo). Des (ex-)députés et acteurs politiques verviétois.
Quelle est leur opinion sur la question?
L’avis des (ex-)parlementaires
Jean-Paul Bastin (ancien député wallon, bourgmestre de Malmedy):«Il est important de ne pas faire tout et n'importe quoi en termes d'interruption de grossesse – sauf en cas de danger pour la mère ou de non-viabilité pour l'enfant.
Oui à cette avancée, cette liberté qu’est l’avortement, mais je pense qu’il convient d’établir un cadre dans lequel il peut être effectué. Mettre des balises. Une IVG après huit semaines ou six mois, ça n’a rien à voir. À combien de semaines fixer la limite? Je ne suis pas spécialiste et n’ai pas fait d’étude en médecine, donc je ne préfère pas entrer dans ce débat. Je m’en tiens donc aux lignes directrices. Après un certain laps de temps, on parle quand même d’un nouveau-né. Nous ne pouvons pas commencer à considérer l’IVG comme une intervention médicale classique.
En outre, comme il ne s’agit pas d’un acte anodin, je trouve que les femmes doivent être encadrées dans leur choix. Pour que ça reste leur choix d’ailleurs, justement, sans qu’elles ne subissent des pressions.»
André FRÉDÉRIC (PS, vice-Président de la Chambre des représentants):«Sans hésitation, je suis pour la dépénalisation de l'IVG, toujours considérée comme un crime aujourd'hui en Belgique même si elle est déjà partiellement dépénalisée (NDLR: lire notre encadré ci-contre). Alors qu'on la sait pratiquée par des personnes qui vivent des situations très compliquées, très pénibles.
Pour moi, et pour le groupe PS, il faut la sortir du Code pénal. Cela fait/ferait partie des grandes avancées éthiques fondamentales en Belgique sur ces dernières années.
Quand je vois dans les sondages que 75% de la population y est clairement favorable, je me dis qu’on a atteint là un certain stade de sagesse populaire et je m’interroge sur les politiques qui ne sont pas “ pour ”.
Nous souhaitons également étendre le délai de douze à dix-huit semaines. Pour davantage de réflexion, vu l’aspect délicat du sujet.»
Jean-Luc NIX (MR, bourgmestre de Welkenraedt et député au parlement de la Fédération Wallonie-Bruxelles):« Je trouve qu'aujourd'hui, en 2018, il existe assez de moyens de contraception efficaces au possible: selon moi, il vaut donc mieux prévenir la chose…
Et ainsi axer son attention essentiellement sur la prévention.
Évidemment, il y a des cas malheureux, comme une grossesse non voulue ou un viol – n’ayons pas peur des mots. Là, la femme doit bien évidemment pouvoir mettre fin à sa grossesse.
Je me prononce “ pour ” l’IVG, mais il ne faut pas minimiser la chose: en pratiquer une est un acte important, qui doit rester un cas exceptionnel. Il met quand même fin à une vie, en fait… C’est pourquoi, je me répète, la prévention doit être la priorité.
Ce sujet très, très délicat m’interpelle, en tout cas, et je crois que c’est quelque chose qui doit concerner les gens, qu’ils doivent s’y intéresser.»
Marc ELSEN (tête de liste cdH à Verviers): «Je suis évidemment pour que l'IVG sorte du Code pénal – elle n'y a pas sa place. Il faut quand même respecter les décisions de chacun: c'est une question d'humanisme, d'humanité. Et donc sortir, ici, des manœuvres politiciennes.
Après, je continue de dire qu’il s’agit d’un acte tout sauf banal, qui ne doit pas être banalisé – ce n’est naturellement pas ce que fait le Parlement, mais ça pourrait être traduit comme tel.
Mais je pense que l'interruption volontaire de grossesse doit rester encadrée. Je vais caricaturer – et j'insiste vraiment sur le fait qu'il s'agit d'une caricature: il ne faudrait pas qu'elle devienne un moyen de contraception comme un autre. Qu'est-ce que j'entends par " encadrée "? Il faudrait reformuler un texte d'encadrement, hors du code pénal… un important débat pour le Parlement! Au cdH, nous restons attachés aux critères d'état de détresse de la personne concernée et du délai de douze semaines (NDLR: déjà pris en compte aujourd'hui dans la dépénalisation partielle de l'IVG).
Un travail important doit (continuer d’) être fait sur la sensibilisation aux moyens de contraceptions, par l’éducation à la vie sexuelle et affective. L’énergie doit être mise dans cette prévention.»
L’avis des femmes politiques verviétoises
Stéphanie CORTISSE (deuxième sur la liste MR à Verviers):«À titre personnel, je suis pour. Et le MR aussi, bien que le parti laisse la liberté de vote à ses parlementaires – ce que je trouve positif.
Pour le rappel historique, l'IVG a été partiellement dépénalisée dans les années 90 (NDLR: 1990 précisément). Catholique, le Roi Baudouin avait alors refusé de signer la loi (NDLR: il avait même annoncé être prêt à abdiquer pour ne pas avoir à le faire… mais on n'en était pas arrivé là)… Personnellement, je suis agnostique: l'IVG n'est pas du tout une question de religion, quelle qu'elle soit, mais bien de santé publique. Chaque femme doit pouvoir disposer de son corps.
Certes, aujourd'hui, l'avortement demeure un délit aux yeux de la loi, mais des poursuites contre une femme n'ayant pas respecté les critères actuels lui " autorisant " à avorter n'ont jamais lieu, ou presque… Moi (NDLR: juriste de profession, Stéphanie Cortisse sait de quoi elle parle), je n'ai connaissance que d'un seul cas. Et la femme en question avait obtenu gain de cause. L'IVG dans le Code pénal, c'est donc désuet et de toute façon plus appliqué…»
Nezha DARRAJI (deuxième sur la liste Écolo à Verviers): «L'IVG ne doit pas être considérée comme un délit. Chaque femme doit avoir le droit de disposer de son corps comme elle l'entend… et sans culpabilité. Ce qui me fait peur, c'est qu'on fait un peu culpabiliser les femmes à propos de l'avortement. Je trouve ça grave. J'ai entendu l'autre jour dire qu'une IVG était le " meurtre d'une personne innocente ": ce genre de déclaration m'inquiète franchement. Je suis une jeune femme, pas maman, donc je ne peux pas dire que je sais parfaitement ce qu'est de porter un enfant. Mais j'ai côtoyé beaucoup de (jeunes) femmes enceintes: j'ai pu me rendre compte que les situations sont vécues différemment en fonction des individus. La dépénalisation de l'IVG ne doit pas signifier que les femmes " doivent " absolument y avoir recours. La possibilité serait sur la table, à chacune de voir ce qu'elle souhaite faire. Je ne suis pas non plus là pour pousser les gens à avorter. Je pense enfin que ce droit à l'avortement doit être " sécurisé», afin qu'il s'agisse d'un acquis pour les générations futures.»
Cécile OZER (deuxième sur la liste cdH à Verviers):«Sur le fond, bien sûr que je suis pour la dépénalisation. Toute femme doit avoir le droit d'avoir recours à une IVG. Cela reste un droit.
Mais ce n’est pas quelque chose à prendre à la légère: il ne faut pas commencer à pratiquer des IVG “ à la pelle ”, si je puis dire. On décide quand même de l’avenir d’un être humain: il ne faut pas se dire qu’il s’agit de la sélection systématique en cas d’“accident ”.
Et puis, selon moi, dans le cas d’un couple, la femme ne doit pas être seule à décider: l’homme a aussi son mot à dire. Cela ne doit pas se faire sans discussion. Je ne suis pas une ultra-féministe qui pense que la femme doit décider de tout elle-même. Les situations de chacun sont parfois compliquées: si c’est pour mettre le futur enfant dans une situation difficile… c’est à réfléchir. L’IVG doit rester la solution de la dernière chance.
Bon, évidemment, si la grossesse intervient suite à un viol, il n’y a même pas de débat à avoir.»
Sophie LAMBERT (troisième sur la liste PS à Verviers):«Ce sujet m'interpelle… et je suis forcément " pour " la dépénalisation. Un cas n'est pas l'autre et j'insiste sur le fait qu'il ne faut pas banaliser l'avortement, mais il s'agit avant tout d'un choix personnel: c'est à la femme de décider. Cette question est directement en lien avec le droit des femmes, d'ailleurs: elles ont le droit de disposer de leur corps comme elles l'entendent, chacune en est libre.
Pourquoi devoir consulter l’homme? C’est, selon moi, à la femme, seule, de décider.
Pour le bien de toutes, je crois toutefois que l’interruption volontaire de grossesse doit demeurer encadrée, dans un cadre non plus pénal – comme c’est le cas actuellement – mais législatif. On ne peut pas permettre d’en effectuer une après sept mois de grossesse, par exemple….»