L’entreprise Charles Liégeois (ex-Café Liégeois) migre aux Plenesses, à Thimister-Clermont: « Une capacité potentielle de 12 500 tonnes de café »
Michel et Benoît Liégeois, les frères à la tête de Charles Liégeois Roastery (ex-Café Liégeois), aiment les défis. Le regroupement de la société sur un site unique, aux Plenesses, à Thimister-Clermont, en est un fameux. Interview.
Publié le 21-01-2023 à 08h01
Michel et Benoît Liégeois, l’entreprise Charles Liégeois Roastery (ex-Café Liégeois) vient de commencer son grand déménagement vers Thimister-Clermont, aux Plenesses, sur le site de Sulzer (anciennement Ensival Moret). Un vaste chantier.
– Benoît Liégeois: On voulait s’agrandir depuis 2016. On cherchait un terrain de 4 hectares, soit une prairie, soit un bâtiment existant. On a prospecté et on a eu différentes possibilités, mais elles ne cochaient pas tous les critères ou ça ne s’est pas fait car d’autres acteurs sont entrés en jeu. On a eu cinq opportunités ratées. Le temps passait, on commençait à en avoir marre. En juin 2020, pendant le Covid, je suis allé chez ma maman qui lit Le Jour et j’ai lu que Sulzer licenciait. On en a discuté avec elle qui ne connaissait pas cette société et je lui ai dit: « Mais si, l’entreprise a un magnifique bâtiment aux Plenesses… »
J’ai réfléchi et je me suis dit qu’il fallait vraiment qu’on prenne contact. Au début, personne ne voulait nous voir car Sulzer était en procédure Renault. On a finalement décroché un rendez-vous et, sur place, sur le parking, on s’est dit que ce n’était peut-être pas plus mal d’avoir raté les autres occasions. Le temps de la première phase de la procédure Renault, on ne pouvait rien négocier donc on a attendu, puis on a discuté et on est tombé sur un accord le jour des inondations à Verviers, en juillet 2021. Ce site avait exactement ce qu’on recherchait: une superficie de quasiment 40 000 m2, accessible facilement depuis l’autoroute, près de chez nous, avec 12 000 m2 d’ateliers, et 3 400 m2 de bureaux – qui sont excessifs par rapport à nos besoins – mais dans le deal, comme Sulzer gardait 50 personnes, on lui a laissé un bon millier de m2 de bureaux ici.
Ensuite, on a imaginé tout le projet de déménagement, ce qui n’était pas rien puisque jusqu’à présent nous étions répartis sur 4 sites, plus un qu’on loue à Anvers. Nous n’avions plus aucune possibilité d’expansion, plus un seul bureau libre pour engager le moindre talent. Pour voir plus grand, on savait qu’on devait bouger.
Nous sommes donc ici dans la 1re phase de ce déménagement.
– Benoît: Oui, à savoir le rassemblement de tous les services et la logistique, sauf la production. Tout n’est pas totalement finalisé mais tout le monde est rassemblé. C’était la priorité.
La phase 2, elle était prévue à l’horizon 2025, avec le déménagement de toutes les unités de production où on a une capacité de 5 000 tonnes de café l’année. Ce nouveau projet à Thimister, on l’a monté avec une capacité potentielle de 12 500 tonnes l’année. Malheureusement, l’horizon 2025 ne sera pas tenu vu les difficultés actuelles, donc on va tabler sur 2026 mais on aimerait imaginer une phase intermédiaire avec l’aménagement d’un espace de torréfaction plus artisanale, avec une vue dégagée sur la fagne, sur Limbourg, grâce à une grande baie vitrée. Cette unité, qui aura moins de capacité, on pourrait la créer plus tôt que 2026.
Quels sont les avantages d’un regroupement sur un site unique ?
– Benoît: Que tout le monde se retrouve ensemble et plus clan par clan, à devoir se parler par téléphone, par mail. Il n’y avait pas de lien entre les gens.
– Michel Liégeois: On avait vraiment l’impression d’être dans des sociétés différentes. Certaines personnes ne se connaissaient tout simplement pas (NDLR: Charles Liégeois emploie une centaine de personnes en région verviétoise).
Vous avez toujours clamé votre volonté de rester dans la région verviétoise, pourquoi ?
– Michel: On aurait pu trouver 3-4 hectares de terrain du côté de Liège, c’était possible, mais la volonté, c’était de rester ici. D’abord, pour notre personnel qui a beaucoup de talent, de formation. Se dire de déménager à 30 km, c’était un risque de perdre des personnes et, aujourd’hui, c’est assez compliqué de recruter et de former. Ensuite, l’entreprise a une identité dans la région. La société Café Liégeois a toujours été associée à Battice. On voulait rester dans le coin, avec la majorité de notre personnel qui vient de la région verviétoise.
Quid des bâtiments que vous occupez actuellement ?
– Benoît: Dans le zoning de Chaineux, on a un bâtiment en face de chez Moulan (NDLR: avenue du Parc, 30), Moulan va le racheter pour étendre ses activités. Notre bâtiment ancestral, rue de Verviers à Battice, qui est très vieux et qui appartient à notre sœur, il y aura certainement moyen d’y faire un projet immobilier, pas de l’industriel à mon avis. Il y a aussi le bâtiment qu’on louait à un transporteur, dans le zoning des Plenesses, et qui est déjà reloué (NDLR: il restera donc le devenir du numéro 34 de l’avenue du Parc, à Chaineux, où les lignes de production demeureront jusqu’en 2026).
Ce déménagement, c’est aussi l’occasion pour votre famille de voir encore plus grand. Vous parliez d’une production actuelle de 5 000 tonnes de café avec une volonté d’arriver à 12 500. Un sacré objectif…
– Benoît: Ce que l’on veut, avec ces nouveaux locaux, c’est avoir la potentialité de plus que doubler la production. Très pratiquement, vu les lignes de production actuelles, si on a une demande, on ne sait pas y répondre. C’est un luxe certainement mais c’est un mauvais luxe. On doit donc réinvestir pour ne pas être en retard d’ici 5 ans. On a conçu les futures lignes de production pour faire du fois 2,5 mais une extension est aussi possible sur le site pour faire encore plus. Pour la petite histoire, lorsqu’on a aménagé la nouvelle torréfaction en 2008, on avait une capacité de 5 000 tonnes mais on en produisait 300. Donc, en 15 ans, on est parvenu à remplir cette capacité.
Le déménagement global, c’est un projet estimé à 30 millions€. Malgré les crises qui se sont succédé, cela veut dire que Charles Liégeois se porte bien ?
– Michel: Disons qu’on est rentré dans la crise avec une société saine, qui gagnait de l’argent et avec des réserves. La crise a réduit non pas l’activité mais la rentabilité. Avec une année 2022 qui ne sera pas la meilleure avec le coût de l’énergie, de la main-d’œuvre, des emballages… Tout a augmenté de manière très importante mais on sent des perspectives plus agréables car on n’est pas en manque de volume, le travail on l’a, et on sent un revirement dans les prix, aussi bien de l’énergie que des matières premières.
Votre entreprise, qui est une marque connue et reconnue, veut-elle aussi être un pourvoyeur d’emplois dans la région, sans cesse à la recherche de nouveaux talents ?
– Benoît: C’est justement la base de l’investissement ici. On était convaincu que dans nos vieux bureaux miteux des années 50, c’était impossible d’attirer de nouveaux talents, ni d’ajouter le moindre bureau. Ici, on a la possibilité d’attirer, on est dans un cadre top. Si on veut croître en chiffre d’affaires, ça doit s’accompagner de la recherche de nouveaux membres du personnel.
Bosser en famille ? « On se complète assez bien »
La famille, c’est sans conteste un des moteurs de l’entreprise Charles Liégeois. Et ça lui réussit plutôt bien.
L’entreprise Charles Liégeois, c’est avant tout une histoire de famille, lancée par votre papa en 1955. Vous l’avez tous deux rejoint et aujourd’hui, avec Quentin, nous en sommes à la troisième génération Liégeois. C’est le bon plan de travailler en famille?
- Michel: Les résultats sont là donc… (rires) Est-ce que c’est la perfection ? Je ne sais pas mais les résultats suivent donc on ne peut pas dire que ce n’est pas un bon plan.
- Benoît: Chaque combinaison est compliquée, rien n’est simple. Mais quand on a commencé, on faisait 100 millions de francs de chiffre d’affaires, donc plus de 2 millions €, et ici on va consolider le chiffre à 60 millions€. Les associations ne sont jamais simples mais c’est comme un couple (rires). On se complète assez bien et on arrive à se rectifier l’un l’autre. En échangeant, en dissertant, on ne s’est jamais trop trompés dans les investissements, dans les personnes.
Par rapport à vos valeurs familiales, c’était important, en 2020, de changer le nom Café Liégeois en Charles Liégeois ?
- Benoît: Il fallait éviter la confusion. En France il y a le dessert café liégeois; les néerlandophones n’achetaient pas pensant qu’on était de Liège… On ne s’en sortait plus. Et puis les gens aiment les histoires. Avec le nom «Charles Liégeois», on a une histoire à raconter.
- Michel: C’est une chose à laquelle on a pensé depuis des années mais on n’était pas prêts à faire ce changement tant que notre père était vivant. Je ne sais pas pourquoi. Ensuite, on a dû faire notre deuil et puis c’est devenu une évidence. Mais ça a été des années de réflexion. On ne change pas un nom comme ça. En plus du nom, le logo et le design du packaging ont changé. C’était un pari très important. On avait les dates pour démarrer ce changement puis le Covid est arrivé donc on a attendu – c’était quand même un budget d’un million€ pour tout basculer vers la nouvelle marque – car on ne savait pas comment on allait s’en sortir pendant cette période de crise. Les choses ne tournaient finalement pas trop mal donc on a lancé une communication horeca et retail, puis patatras, l’horeca a refermé. On s’est retrouvé avec un décalage de marque pendant près de 9 mois où, dans le retail, on avait la nouvelle marque et dans l’horeca, on avait l’ancienne.
Vous espérez que le flambeau passera de génération en génération, en génération…
- Michel: Au jour d’aujourd’hui, oui, mais ce n’est pas pour ça que ce sera facile. Ce sera peut-être plus compliqué pour la suite que pour nous.
- Benoît: C’est évidemment la volonté mais la difficulté sera supérieure car entre deux frères ou des cousins, ce n’est pas la même chose. Disons qu’il n’y a rien de gagné mais rien de perdu non plus.