Pourquoi le sauvetage des poissons du lac de Warfaaz, à Spa, a-t-il été si compliqué ?
En raison de la vidange du lac de Warfaaz, à Spa, une opération de pêche a été organisée pour récupérer les poissons présents. Si une partie d’entre eux a pu être sauvée, beaucoup d’autres ont péri. Explications.
Publié le 10-06-2022 à 07h45 - Mis à jour le 10-06-2022 à 08h00
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La vidange du lac de Warfaaz fait décidément beaucoup parler d’elle. Certains n’hésitent pas à pointer du doigt la gestion de la Ville de Spa, tandis que d’autres s’offusquent de voir encore des poissons tenter de survivre dans ce qu’il reste d’eau. Du côté de la société de pêche La Warfazienne, qui a coordonné l’opération de sauvetage, la déception est grande également.
"Lorsque j’ai eu connaissance de la vidange du lac, en décembre 2021, j’ai envoyé un courrier à la Ville en leur demandant de plutôt curer le lac en période froide, soit avant la fin mars, pour conserver une eau froide et donc plus d’oxygène pour les poissons. On aurait pu les garder beaucoup plus longtemps dans la zone de rétention et les pêcher au fur et à mesure" , explique Serge Vanpevenage, garde champêtre particulier et secrétaire de La Warfazienne. Une remarque qui avait été avalisée par le Collège "sous réserve d’acceptation par rapport au calendrier des travaux."
Après plusieurs réunions rassemblant les différents protagonistes mais aussi le Département de la Nature et des Forêts (DNF), le Contrat Rivière Vesdre et le service de la Pêche, les pompes ont finalement été installées mi-avril. "On a resoulevé le problème et on s’est aperçu qu’ils n’en avaient pas tenu compte." La vase étant importante dans le fond du lac, une opération de pêche à l’aide de filets n’a pu être envisagée.
"Il était alors prévu qu’une guillotine soit créée pour être glissée dans le barrage. On aurait fait passer l’eau dans le Wayai en aval en plus d’y placer un autre barrage, pour faire monter l’eau à 80 cm et prendre les poissons. Ils auraient été étourdis avec une pêche électrique et transférés vers différents points d’eau." Le jour avant l’opération, l’ingénieur en charge du chantier a annoncé que les travaux du barrage étaient plus compliqués que prévus et qu’il ne serait pas fini à temps. "Ça a été reporté à début mai, note Serge Vanpevenage. Mais comme on arrivait en période chaude, plus aucun pisciculteur ne voulait racheter les poissons.On s’est alors dirigé vers un plan de sauvetage, pour en sauver un max."
Une eau trop chaude

La première mission n’a pu être réalisée que le 21 mai. "Le niveau d’eau n’était pas descendu assez bas. On a quand même maintenu l’opération. Avec l’aide d’un pisciculteur, on a sorti 25 carpes et quelques brochets" . D’autres actions se sont enchaînées permettant de sauver une centaine de carpes. "Ce sont les poissons les plus résistants et ils suffoquaient. Au mois de mai, il y a eu trois éléments capitaux. Ona eu une grande période d’ensoleillement qui a chauffé la surface de l’eau. On a aussi connu des orages, qui réduisent l’oxygène dissous dans l’eau. Puis, il faut savoir que les pompes pompent l’eau froide du fond pour laisser place à l’eau de surface qui est trop chaude. De ce fait, il y avait déjà énormément de poissons morts dans le fond."
La vase ne rend aujourd’hui plus possible ce travail. "Les barques et les pédalos s’enlisent. C’est devenu trop dangereux. En accord avec la bourgmestre, on a interdit la pêche et l’accès aux berges" , indique le garde champêtre. Pourtant, des poissons vivotent encore près du barrage. "Certains disent qu’on ne fait rien pour eux. Mais faire venir un pisciculteur coûte 500 € la journée. La Warfazienne doit conserver cet argent pour rempoissonner. Je sais qu’il y a des volontaires pour aller les chercher mais personne ne prendra la responsabilité de les y autoriser."
Si des erreurs ont été commises – "ils auraient dû dévier le Wayai pour avoir une meilleure maîtrise du lac" – Serge Vanpevenage rappelle aussi qu’à l’époque de la construction du barrage, en 1882, on ne pensait pas aux poissons "Il n’a pas été conçu pour ça. À Coo, par exemple, une trappe permet de faire passer les poissons dans l’Amblève."
Quid des boues?
Considéré comme un cours d’eau torrentiel, le Wayai emporte avec lui énormément de boues et de déchets qui atterrissent dans le lac. En témoignent les gros dégâts causés au niveau des décanteurs suite aux inondations. "La gestion des boues pose aussi question. La Warfazienne, comme d’autres, voudrait qu’elles soient évacuées. Pour le moment, il est envisagé d’en reprendre un maximum pour les retaluter sur les berges mais cela ne tiendra que quelques années. Pareil pour un système avec des gabions." Le problème, c’est que l’évacuation coûte cher. "Plus ou moins 2 millions , précise Serge Vanpevenage. Et quoi qu’il arrive, il faudra un entretien régulier du lac."
En 2024, la Warfazienne entend bien rempoissonner le plan d’eau sur fonds propres. Un plan sur 5 ans a déjà été établi. "On espère avoir une petite aide financière de la Ville.Les carpes coûtent très cher. Nous avons la chance de pouvoir en conserver. Les autres poissons, comme les gardons, les tanches, les brochets, sont plus abordables." La société de pêche, à l’arrêt actuellement, a aussi bon espoir de voir revenir ses membres. "On reste optimiste" , conclut le secrétaire.