Crises sanitaire et climatique : « On doit sortir du déni », dit Marie Stassen, à la tête de l'ASBL Région de Verviers
La bourgmestre de Plombières Marie Stassen (cdH) vient de prendre la présidence de l’ASBL Région de Verviers, soit la conférence des bourgmestres. Déjà membre du Bureau, elle est consciente de la tâche qui l’attend.
Publié le 10-01-2022 à 08h33
Marie Stassen, en ce début d’année 2022, vous prenez la tête de l’ASBL Région de Verviers. Comment envisagez-vous cette présidence?
Vraiment dans la continuité. J’ai envie qu’on reste un bureau qui décide et pas que ce soit uniquement une seule personne. Ce qui me bloque un peu, ce sont toutes ces réunions en visio. J’aimerais un peu plus de présentiel car cela permet des débats plus animés. J’espère pouvoir garder ces contacts. Ce n’est pas parce qu’on n’est pas d’accord sur un sujet ou un autre au sein d’un autre organe qu’on ne peut pas travailler ensemble. Ces crises ont eu un atout majeur: elles nous ont fait prendre conscience qu’on est un territoire. On peut vraiment faire des liens entre nous. Arriver à maintenir cette motivation de la part de tous les bourgmestres même si la mandature avance, c’est important. Sortir de l’approche communale et se voir comme un territoire est primordial. La transition passera par là. On doit aussi créer des ponts avec Huy-Waremme et Liège. On a la chance de n’avoir que des bourgmestres qui sont des êtres humains intéressants. Il n’y en a pas un qui écrase l’autre. Nous sommes des représentants de citoyens qui discutent. On n’y parle pas trop de politique non plus.
On le sait, l’arrondissement s’apprête à relever de nombreux défis. Quelle sera votre priorité?
La transition solidaire. Je fais souvent un parallèle avec le Titanic. Quand il se prend l’iceberg, ce sont les plus pauvres, ceux du dessous, qui le remarquent. Ceux qui sont en haut, dans le déni (les plus riches) et qui ne voient pas qu’ils vont couler, ne vont pas prendre un positionnement stratégique pour survivre. Je pense que le défi est là. Certains voient encore chaque phénomène séparément. «Les inondations, on a ça tous les 200 ans dans la vallée de Vesdre». Des pandémies, il y en a eu aussi dans l’Histoire. Mais c’est la récurrence qui est anormale. Qui sont les premiers touchés – et les inondations l’ont démontré – ce sont les plus pauvres. Si on les laisse sur le bord du chemin, on va créer des extrémismes. On doit sortir du déni, y compris les politiques.
Après le Covid, les inondations sont venues bouleverser le quotidien des citoyens et le visage de la vallée de la Vesdre. En quoi consistera le travail de l’ASBL Région de Verviers à ce niveau?
C’est encore difficile de voir le bout du tunnel. Chaque commune vit sa reconstruction. L’ASBL et le commissariat à la reconstruction doivent avoir une vue d’ensemble. On a la chance, dans le Bureau, d’avoir Limbourg, Pepinster et Jalhay représentés, des communes fort touchées. Je compte sur cet apport pour remettre le sujet sur la table et voir comment on peut agir. Pour le moment, on est encore beaucoup sur le court terme. Cela reste vague et flou. On va devoir prendre le temps de penser à l’avenir.
Des alertes suite aux fortes pluies ont été émises dernièrement. La crainte de nouvelles inondations est-elle présente?
Oui mais, ce que je crains, c’est qu’on n’a pas appris d’hier, en termes de process justement. Les rôles ne sont pas encore clairs. Le groupe de travail avec l’Union des villes et communes de Wallonie, avec la commission d’enquête, va devoir aboutir sur quelque chose de plus concret. Il manque toujours des informations et la communication n’y est pas.
Les événements que l’on a connus ont également un impact sur l’économie locale. Préserver le tissu économique de l’arrondissement, est-ce une mission importante?
Cela va de pair avec la transition, au contraire d’emplois qui sont délocalisables à souhait. L’arrivée d’entreprises comme Alibaba va freiner cette capacité de développer, par exemple, des métiers de réparation. Nous devons faire la différence entre besoin et envie. Prenons l’exemple de la confection de masques. On ne saurait pas se l’offrir chez nous. La concurrence est complètement déloyale. Laisser Alibaba rentrer chez nous, c’est freiner notre capacité de résilience.
En octobre, vous n’aviez pas mâché vos mots par rapport à la gestion de l’accueil des réfugiés par Svasta à Spa. Actuellement, les choses ne bougent pas. Pourriez-vous monter au créneau?
Sophie Delettre doit revenir vers nous. La conférence des bourgmestres, et le Bureau, est à 100% prêt à utiliser la force de vingt communes pour faire remonter ce genre d’informations et de tragédie.
La conférence des bourgmestres porte également le dossier du Parc national Hautes Fagnes. Il est dernier parmi les quatre parcs sélectionnés. Gardez-vous bon espoir?
Oui, parce qu’on sait qu’on s’y est mis un peu tard pour créer la gouvernance du parc potentiel. On va pouvoir maintenant le retravailler. Si cela n’aboutit pas, ce ne sera pas dramatique parce qu’on aura au moins avancé sur des enjeux importants, comme le tourisme, la biodiversité. Mais si on a l’argent pour les développer, c’est mieux.
Vous étiez jusqu’ici membre du Bureau de la conférence des bourgmestres. Quel regard portez-vous sur le travail accompli ces derniers mois?
Je tiens à dire chapeau et merci à Valérie Dejardin d’avoir réussi à garder son rôle et à mener tout un arrondissement alors que sa commune était sinistrée. J’espère juste que les ego ne vont pas resurgir, surtout à l’approche des élections. Pour le moment, cela va bien. Mais nous devons garder ce rôle de bourgmestre qui est le nôtre.
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candidature du Parc naturel Hautes Fagnes, le concours "Je retourne au resto" pour soutenir l'horeca après le Covid et l'instauration de différents groupes de travail pour faire remonter les idées au parlement. "Ce fut le cas par exemple pour la problématique des congés scolaires qui ne sont pas parallèles au carnaval de Malmedy ou celle des gîtes dans certaines communes, note-t-elle. On a géré tout ce qui est Covid et inondations de manière coordonnée. On a reçu l'Union des villes et communes par rapport au rôle de bourgmestre dans la gestion de crise mais aussi dans n'importe quelle situation. Là aussi les bourgmestres étaient présents pour remettre un message commun et un groupe de travail existe."
Cette expérience a renforcé ses convictions. "Cela confirme le fait que les problématiques communales, positives ou négatives, ne s'arrêtent pas aux frontières d'une commune. C'est important de pouvoir travailler sur celle-ci de manière supra communale. L'arrondissement francophone de Verviers est coincé entre l'arrondissement germanophone, qui a une certaine autonomie, et celui de Liège, il faut que tous les acteurs politiques puissent s'accorder pour défendre nos projets", poursuit-elle. Quel conseil donnerait-elle à sa successeure? "Qu'elle reste comme elle est. Elle fait partie du bureau. Et le bureau, ce n'est pas une présidente et les autres. Il n'y a pas de hiérarchie au sein de la conférence des bourgmestres. On travaille ensemble au niveau du CA et je ne suis pas du tout tracassée pour elle", conclut Valérie Dejardin.