Ferme à saumons à Baelen: le patron de Cold Water s’explique (vidéo)
Le Londonien Julian Connor, fondateur de Cold Water, explique le projet de ferme à saumons qu’il entrevoit pour Baelen. Parlant de "sabotage", il ne comprend pas l’opposition actuelle.
Publié le 21-02-2023 à 16h47 - Mis à jour le 22-02-2023 à 11h01
1. Le contexte

La société Cold Water souhaite produire 1 200 tonnes de saumon fumé par an dans l’East Belgium Park, à Baelen. Son fondateur, le Londonien Julian Connor, a "débuté ce projet en 2012 car je constatais qu’il y avait beaucoup trop d’antibiotiques et de produits chimiques dans les poissons", dit-il. Lui-même gros consommateur et regrettant les conditions d’élevage actuelles de "80% des saumons", il s’est mis à la recherche d’une solution d’aquaculture plus vertueuse, davantage bio et exempte de produits chimiques.

Premier fruit de ce processus, un élevage a vu le jour à Lostallo, dans le canton des Grisons, en Suisse (à la frontière italienne). Là, l’usine Swiss Lachs est capable de produire un maximum de 600 tonnes par an et elle souhaiterait encore doubler sa capacité. "La première année, 2,7% de la production était vendue localement. Au bout de la sixième année, nous sommes à plus de 40%. Plus les gens viennent voir sur place, mieux ils comprennent ce qu’on tente de développer, sans antibiotique, en nettoyant naturellement l’eau." Mais avant d’envisager un élevage de saumons à Baelen, il convient de réaliser des forages tests pour mesurer "l’impact qu’aurait un tel élevage sur les couches d’eau souterraines et le niveau de l’eau". Tel était le but de l’enquête publique préalable à une demande de permis unique (et à une seconde enquête publique, fin du printemps). En cas de résultats négatifs, Cold Water assure vouloir revoir l’ensemble de son projet.

2. Ce qui bloque
Ce projet, et même s’il n’en est qu’à l’étape de la récolte de données, suscite une vive opposition de la part de certains citoyens, jusqu’en France. Julian Connor ne comprend pas cette levée de boucliers, les "fake news" diffusées sans prise de connaissance des tenants et aboutissants. Raison pour laquelle il s’est déplacé ce mardi à Eupen. "Je ne comprends pas le sabotage qu’on subit ici à Baelen", s’étonne-t-il. Ce que craignent les opposants au projet, c’est le débit maximal d’eau qui serait pompée dans les nappes: 100 m³ par heure, soit 2,4 millions de litres par jour à pompage maximal et constant. Un maximum à ne pas dépasser mais qui ne correspondrait pas aux besoins réels. Certains craignent également un appauvrissement des nappes et un risque accru d’inondations. Ce que dément la société Cold Water, qui s’est entourée de spécialistes comme Christopher Valente (consultant en aquaculture et directeur technique pour Cold Water) ou Tjaard Van Ellen, hydrologue et expert en eau souterraine pour le bureau Aquaconseil basé à Dalhem.

3. Les explications de Cold Water
"Les gens se concentrent sur l’eau prise dans le sol mais ici, on parle uniquement de tests pour voir ce qu’il serait nécessaire de pomper, où et si c’est faisable", avance Julian Connor. "On a fait un premier test fin 2020 et le résultat était encourageant, enchaîne Tjaard Van Ellen. On peut espérer que la nappe aquifère sera en mesure de répondre aux besoins mais on doit le confirmer via différents puits pour obtenir des données sur l’extension des pompages. C’est une demande de la Région wallonne. L’eau souterraine s’écoule vers la Gueule. Ici, une partie serait utilisée et rejetée dans le ru de Baelen, vers la Vesdre puis la Meuse. Oui, il y aura un effet sur l’eau souterraine. Mais pas énorme. La quantité maximale évoquée reste modeste."

Christopher Valente précise pour sa part que 50% des 100 m3 seront nécessaires pour un fonctionnement "de routine". Il apporte d’autres éléments: "On va rejeter de l’eau plus propre qu’actuellement dans le ru de Baelen, moins chargée en azote. Et le ru est fortement exposé aux sécheresses, ce qui pose un vrai problème de biodiversité. L’eau qui serait pompée n’est pas de l’eau destinée à la population locale, ce ne sont pas les mêmes pompages que la SWDE. L’intérêt est aussi de pouvoir retenir les eaux sur la ferme en cas de risque d’inondation, mais également de redistribuer cette eau à des agriculteurs locaux ou à du maraîchage pour l’irrigation (NDLR: l’AIDE serait aussi demandeuse de certaines bactéries pour la station d’épuration de Wegnez) . Le projet a déjà été modifié car l’idée, c’est d’utiliser l’eau de la manière la plus intelligente et la plus respectueuse."

Cold Water estime que l’eau ne serait pas gaspillée, "comme c’est le cas pour l’eau destinée à la production de viande, par exemple". "On a fait toute une cartographie, on a des analyses et les débits avancés (NDLR: pompage et eau rejetée) sont acceptables. Nous n’allons pas dégrader l’environnement mais l’améliorer", avance Cold Water, qui dévoile que tant les futurs voisins (Reul Frères) que la Commune de Baelen (Mme Deliège) sont venus visiter Swiss Lachs. "Ils étaient plus que surpris."
En vidéo
4. La suite
Cold Water compte encore rencontrer les Baelenois et les Eupenois car "l’adhésion de la population est indispensable" puisque les Belges consomment 95 000 tonnes de saumon par an et que Cold Water projette de fournir les 1 200 tonnes de sa ferme principalement aux locaux. "On est tout petit face à des usines de 18 000 tonnes en Norvège. Ici, on veut démontrer qu’on peut faire autrement" et mieux, pour un budget semblable, espèrent-ils, si l’autorisation leur est délivrée pour les forages tests et, par après, pour l’implantation de la ferme.
