50 ans du Giro à Verviers: La ville était devenue "le centre du cyclisme belge"
Journaliste sportif au "Jour" à l’époque, Raymond Stabel a couvert cet événement inédit. Et il en garde énormément de souvenirs.
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Publié le 17-05-2023 à 08h00
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Entré au journal Le Jour à Verviers en 1971, le Dolhaintois Raymond Stabel a rapidement intégré la rédaction sportive. Le 18 et 19 mai 1973, il était donc sur le pont, avec son collègue Louis Bréda, pour suivre le passage du Giro. "Un événement majeur que je n’aurais jamais pensé pouvoir couvrir", confie celui qui avait 26 ans à l’époque.
Ce grand moment, qui reste gravé dans la mémoire de nombreux Verviétois, on le doit avant tout à Jean Crahay, le patron du café "Le Bon Faro". "L’établissement, spécialiste du Scotch et dont les murs étaient jaunis par le tabac, se trouvait juste à côté du vieux Printemps, explique Raymond Stabel. Il le tenait avec ses parents et son frère Zénon, qui était un ancien coureur cycliste."
Très vite, Jean Crahay se passionne pour Eddy Merckx. "Il avait assisté à ses premières victoires à Milan-San Remo. Il s’était aussi pris d’amitié avec le directeur du Giro, Vincenzo Torriani. À ce moment-là, l’Europe se construisait. C’est ainsi qu’est née l’idée de décentraliser le Tour d’Italie. Cela ne s’était jamais fait, sauf à San Remo et San Marino qui étaient des lieux frontaliers."
L’objectif était donc de faire passer les différentes étapes de la course par six pays: la Belgique (via Verviers), les Pays-Bas, l’Allemagne, le Luxembourg, la France et l’Italie. "Jusqu’à ce que cela ait lieu, personne n’y croyait", lance-t-il. Jean Crahay (qui pouvait également compter sur son bras droit Jean Nahon) n’en était pourtant pas à son coup d’essai. "Il était déjà parvenu à avoir le départ de la Flèche Wallonne à Verviers, alors qu’elle se passait à l’époque dans le Hainaut, et l’arrivée de Liège-Bastogne-Liège à Verviers également, en 1972. " Deux compétitions remportées par… Eddy Merckx.
"De ce temps-là, le cyclisme n’était pas internationalisé comme maintenant. Il se résumait souvent à des équipes belges, italiennes et espagnoles. Les vélos étaient plus lourds et les coureurs roulaient sans casque." En Belgique, la discipline restait de tradition flamande. "Et là, boum, avec le Giro, Verviers devenait le centre du cyclisme belge aussi, dans un contexte qui n’était plus tout à fait celui de la grande époque lainière. C’était le déclin au niveau des industries mais aussi du football, avec la disparition d’une équipe en première division", note Raymond Stabel.
Un gros succès populaire
Sur le terrain, le jour J, le journaliste se souvient de la ferveur du public. "Mais aussi de sa discipline. Le dispositif de sécurité n’était pas ceux que l’on connaît aujourd’hui et il n’y avait pas de barrières partout, sur les 5,2 km du prologue." Un tracé qu’il a eu l’occasion de parcourir en voiture et à pied. "Il y avait du monde partout. C’était formidable. Je revois encore la rue Crapaurue, la rue de Concorde et les escaliers de la Chic-chac. Le lendemain, sur la place du Martyr, pour le départ de l’étape, c’était rebelote, malgré la pluie." Des rues étaient aux couleurs italiennes, d’autres aux teintes espagnoles. "Notamment pour José Manuel Fuente, qui avait gagné le Grand Prix de la montagne".
Si certains avaient été attirés par la présence de la princesse Paola, la plupart des spectateurs avaient fait le déplacement pour le Cannibale. "Tout le monde espérait qu’il gagne. Jean Crahay avait fait en sorte que le parcours du prologue soit assez dur pour les autres, afin que Merckx puissent briller. Il fallait de la relance et être un peu acrobate, vu les quelques virages serrés. Avec Roger Swertz, ils ont gagné avec deux secondes d’avance."
Ayant coûté plus d’un million de francs à la Ville de Verviers ( voir page 19), l’événement avait généré d’importantes retombées pour l’horeca. "Le bourgmestre Marcel Counson n’était pourtant pas le premier défenseur du projet. C’est surtout l’échevin des Sports, Hubert Parotte, qui fut le bourgmestre après lui, qui a soutenu le dossier à fond." Raymond Stabel se rappelle d’ailleurs du discours du mayeur, le 19 mai, en l’honneur de Paola. "Il avait pris la parole avec un micro qui n’avait pas très bien fonctionné et on n’a quasi rien compris, Ce fut le seul petit couac", s’amuse-t-il.
Des prouesses techniques
Pour l’occasion, la rédaction du Jour (aujourd’hui l’Avenir Verviers) avait fait preuve d’originalité dans le traitement et la mise en page du passage du Giro. L’édition du 18 mai, soit le jour du prologue, présentait une Une avec une grande photo d’Eddy Merckx, en couleurs. "À l’époque, “Le Jour” avait été le premier journal belge à être imprimé en offset. C’était un procédé qui permettait une meilleure impression et donnait accès à la photo couleur, ce que l’on faisait rarement. Sauf pour des événements exceptionnels", sourit Raymond Stabel.
Le lendemain, le journal s’ouvrait sur une caricature. "C’était une première aussi. On y retrouve le thème du Tchèt volant, avec Eddy Merckx qui s’envole, puis tous les personnages importants de Verviers, le commissaire de police, le chef du protocole, le bourgmestre, l’échevin des sports, Jean Crahay… C’est un employé du journal, Edmond Pauly, qui l’avait dessiné. On lui avait demandé car on connaissait ses talents." Cette œuvre permettait également résumer en une seule image ce moment important et d’y rassembler tous les "officiels".
Retrouvez notre dossier spécial sur les 50 ans du Giro à Verviers:
- Eddy Merckx sur le départ du Giro 1973 à Verviers: "C’était une grande fête du vélo"