2023, une bonne année pour rénover ou acheter un bien ? Le directeur de Embuild Verviers-Ostbelgien répond
Post-Covid, crise énergétique, taux hypothécaires: faut-il investir cette année ? Le directeur d’Embuild Verviers-Ostbelgien (ex-Confédération Construction), Paul-Philippe Hick, dresse le portrait du secteur de la construction pour 2023.
Publié le 04-02-2023 à 08h00 - Mis à jour le 05-02-2023 à 09h26
Paul-Philippe Hick, vous êtes à la tête d’Embuild Verviers-Ostbelgien (Ex-Confédération Construction de l’arrondissement de Verviers) et Liège. 2023, une bonne année pour acheter ou rénover une maison ?
Malgré ce qu’on peut croire, c’est une bonne année pour investir dans l’achat ou la rénovation d’une maison. Plusieurs points doivent être mis en évidence.
D’abord, les taux d’intérêt: on parle effectivement d’une remontée des taux hypothécaires mais ils restent relativement bas d’un point de vue historique, cela veut dire qu’il y a des opportunités.
Par ailleurs, et c’est très révélateur, on a vécu la crise énergétique qui a affecté tout le monde mais on se rend compte que c’est par le secteur de la construction, de l’investissement dans une maison performante achetée ou rénovée, qu’on aura un gain énergétique. Quand on connaît le prix de l’énergie, le lien est immédiatement fait entre la nécessité d’avoir un logement adapté à la situation énergétique. L’impact sur les ménages d’un point de vue précarité énergétique est considérable: un ménage sur cinq enregistre des dépenses énergétiques beaucoup trop lourdes par rapport à son budget. Cela chiffrait déjà 2020 ; alors, en 2022, on peut imaginer…
On sait aussi que si on n’investit pas dans son logement à terme, il dévalue. Il faut investir pour le garder performant. Nos retraites sont ce qu’elles sont. Alors, la possession d’un bien immobilier assure une certaine sécurité à la fin de sa vie professionnelle.
À côté cela, il y a la direction que prend l’Europe avec son objectif de réduction de gaz à effets de serre pour 2030 (- 55%) et 2050 (neutralité carbone). La rénovation énergétique ou les bâtiments performants participeront substantiellement à cette baisse. La tendance est là. Il faut savoir que selon un rapport du SPW (NDLR: le Service public de Wallonie) de 2020, près d’un quart des logements a été construit avant 1921 en Wallonie et 80% datent d’avant 1991. Il y a un taux de rénovation de logements à réaliser. Il faut massifier la rénovation. Il y a un réel enjeu sociétal et environnemental.
Le prix des matériaux reste un gros frein. Quelle évolution peut-on craindre ou espérer ?
L’impact a été terrible en 2022. Quelques exemples: + 35% pour les produits de ciment, + 8% pour les pierres naturelles, + 10% pour les briques, + 21% pour le verre. Mais on estime que la volatilité des prix des matériaux devrait être un peu stable en 2023. Même si on s’attend quand même à une augmentation de prix, la croissance serait juste moins importante que l’année dernière. Les prix monteront toujours mais avec moins de force. On l’oublie souvent mais les prix dépendent du contexte international. La Belgique n’est pas le seul pays à connaître cette volatilité.
Un retour aux prix d’avant-crise sanitaire, on peut un jour l’espérer ?
Nos économistes pensent qu’on ne reviendra jamais aux prix d’avant. Ce sont des prévisions.
Les carnets de commandes des entrepreneurs seraient moins remplis que pour l’année 2022 en Belgique et notre région n’y échapperait pas non plus. C’est un constat que vous confirmez ?
Effectivement, on connaît une diminution des carnets de commandes, moins remplis qu’il y a un an. En moyenne, nos entreprises de construction sont assurées de travailler pendant 6 mois. Il y a évidemment des différences substantielles entre les métiers de la construction. Ce chiffre accuse un net recul par rapport à mars 2022 (il s’élevait alors à 6,3 mois), mais reste cependant à un haut niveau (la moyenne de ces dernières années s’élevant à 5,7 mois).
D’un point de vue économique, on voit une baisse de la rentabilité des entreprises et ce n’est évidemment pas que dans notre secteur. Nos entrepreneurs souffrent de la hausse des prix de l’énergie, de l’augmentation de certains coûts, matériaux, salariaux. D’après nos économistes, la croissance belge du secteur en 2022, c’était 1,5%. Par contre, en 2023, on s’attend à un statu quo.
Quelle est votre analyse de ce statu quo ?
Il y a la guerre en Ukraine, la crise de l’énergie qui a eu un impact sur les prix des matériaux.
Cette situation vous inquiète ?
On doit rester positifs mais pas naïfs. J’y crois beaucoup, c’est un secteur d’avenir. On va répondre à des besoins sociétaux par le secteur de la construction. En cela, on peut être positifs. Là où il ne faut pas être naïf, c’est que le contexte international, les crises, ont mis la pression sur notre secteur. La situation économique générale depuis 2-3 ans, elle est là. Au niveau de l’emploi, c’est un secteur fondamental, une richesse pour notre région.
Face à cela, la pression est forte dans le secteur ?
Comme dans tout le reste de l’économie, le secteur ressent une pression. À côté de la question de la croissance, des carnets de commandes, de l’augmentation des coûts, la volatilité des prix des matériaux qui ne sont pas faciles à gérer, il y a aussi toute la question de la main-d’œuvre avec 40 métiers du secteur de la construction listés par le Forem comme étant en pénurie. Dans le même temps, on attend du secteur de la construction qu’il réponde à de grands défis énergétiques, le plan de relance, le green deal européen, la reconstruction des zones inondées, et on se rend compte qu’il y a 18 000 emplois vacants en Belgique dans notre secteur… Et la réalité est partout, à Verviers y compris. Donc oui, la pression est forte.
Comment répondez-vous à cette pression ?
Nous relayons les préoccupations du secteur auprès des décideurs. On leur fait savoir ce qu’est la réalité de terrain de nos entrepreneurs. On leur prodigue des conseils et on les guide. On vient d’une période Covid, les inondations dans la région, une crise énergétique et une inflation. C’est beaucoup pour nos entreprises, comme pour la population en général évidemment. On est à l’écoute face à ces situations-là.
On sensibilise aussi les décideurs, quels qu’ils soient, à la question de l’accessibilité au logement. Il est clair que c’est un défi journalier pour les entrepreneurs. Il faut que les décideurs ne perdent pas de vue le fait qu’il ne faut pas alourdir le coût de la construction par des décisions politiques ou administratives. C’est un message qu’on porte régulièrement.
Vous jugez être entendu sur la question de l’accessibilité au logement ?
Pas assez.
C’est un rappel que nous devons toujours faire en disant « attention, si on prend telle ou telle décision, voici l’impact qu’il va avoir sur le secteur ».
Construction, « secteur de poids dans la région »
Les défis 2023 du secteur de la construction
Quels sont les grands défis de la Confédération pour 2023 en région verviétoise ?
Attirer de nouveaux travailleurs dans le secteur, intensifier et massifier les rénovations des logements, revaloriser les filières techniques d’enseignement. On remarque une baisse du nombre d’étudiants dans les écoles techniques. Les crises ont renforcé ce manque d’intérêt pour les filières techniques. C’est un signal d’alarme pour nos entrepreneurs. Si je dois faire passer un message, c’est celui de dire que toute personne motivée est la bienvenue dans notre secteur. Elle y trouvera un boulot stable, des formations continues, un bon salaire, des avantages sociaux et un métier qui fait sens. On l’a encore vu avec toutes les catastrophes, les métiers de la construction sont indispensables.
Au niveau de notre bassin socio-économique, on doit continuer à créer de la valeur ajoutée au bénéfice de tous pour le développement du secteur et de notre région. On a des emplois vacants, des écoles capables de former et des entrepreneurs dynamiques, il y a manifestement des choses à faire.
Il faut aussi veiller à ce que les logements restent accessibles financièrement. Il y a aussi tout le défi de la reconstruction des suites des inondations, ce qui est très spécifique à notre région. À côté de cela, on a toujours pour objectif de continuer à former et informer nos travailleurs aux techniques futures et défis futurs, d’un point de vue de nouvelles techniques, de digitalisation.
Tout ceci n’est pas propre à 2023, cela s’étale sur plusieurs années.
En termes de digitalisation, les entreprises avancent ?
Le secteur se digitalise. Il y a un intérêt accru à la question de la digitalisation du secteur. Et ça aussi, nos jeunes doivent en être conscients. Cela passe par des outils pour mesurer, les drones, les caméras, le travail en réseau avec les fournisseurs, les architectes, etc., la planification. Le secteur évolue en la matière grâce aussi à Buildwise (NDLR: l’ex-CST, Centre scientifique et technique de la construction).
L’importance accordée au PEB (certificat de performance énergétique) par les banques (qui ajoutent pour certaines le coût des rénovations au prix d’achat du bâtiment), ce qui gonfle le budget d’achat d’un bien, est-ce un frein aussi à l’acquisition d’une maison ?
Est-ce que les institutions financières prennent en compte le PEB pour déterminer le prêt ? C’est aux banques qu’il faut poser la question. Mais en tout cas, Embuild demande au monde financier d’avoir une vision pour permettre à celui qui acquiert son bâtiment d’obtenir un prêt vert, une formule de financement qui lui permet de réaliser ses travaux. On demande que quand quelqu’un a réalisé ses travaux, la plus-value soit prise en compte pour estimer la valeur et dès lors voir si on peut reprêter de l’argent.
Êtes-vous entendu ?
Il faudra qu’on le soit. Il faut travailler sur deux aspects: quels sont les incitants publics qu’on peut mettre en œuvre pour permettre aux personnes d’acquérir ou rénover un logement acquis ? Et il faut mettre en place une réflexion sociétale sur comment mobiliser l’épargne privée pour permettre du financement pour les rénovations énergétiques qui sont indispensables. Ce sont des questions qu’on pose aux décideurs politiques et au reste de l’économie.
Sa bio express

Naissance et jeunesse "Je suis né le 12 juillet 1975 à Verviers, j’habite route de la Ferme Modèle, je suis toujours resté dans la région verviétoise. J’ai évolué sur les bancs secondaires de l’institut Saint-Michel, en centre-ville."
Formation "Après mes secondaires, je me suis dirigé vers des études en droit à l’université de Liège, j’y ai décroché ma licence avant de continuer les études en parallèle de mon travail d’avocat fiscaliste. J’ai pratiqué ce métier une dizaine d’années, en obtenant par ailleurs un diplôme en études économiques à HEC et en finances publiques. J’avais envie de me spécialiser dans les matières économiques."
Parcours "J’ai intégré la fédération patronale du bâtiment en 2009 en tant que directeur pour Verviers et la Communauté germanophone jusqu’en 2019, où je suis aussi devenu directeur d’Embuild Liège, qui s’appelait Chambre de la construction de Liège. Nous avons récemment changé de nom, optant pour Embuild, un nom plus fédérateur pour notre structure active sur l’intégralité de la Belgique, d’Eupen jusqu’à Ostende, je dirais. L’idée était de montrer le développement d’avenir, innovant, durable, du secteur."
Passion "Un job qui me passionne bien sûr depuis 13 ans. Fréquenter les entrepreneurs, c’est beaucoup de dynamisme. C’est un secteur dans lequel nos entrepreneurs sont fiers de ce qu’ils réalisent, un secteur très puissant dans la région, avec une toute grosse activité locale. J’aime le côté concret du secteur de la construction, la volonté de créer des entrepreneurs. On est à un carrefour où on attend beaucoup de choses de notre secteur, notamment sur la rénovation énergétique des bâtiments. On sait que l’avenir passera par le secteur de la construction et c’est passionnant de se rendre compte que toute une série de solutions passeront par le secteur de la construction et par les entrepreneurs qui sont ici."